LE GRAND MAGASIN DES RÊVES

traduit du coréen par Choi Kyungran et Pierre Bisiou

Et si les rêves n'étaient pas le produit de notre subconscient ni des messages de notre inconscient ? 

Et si, chaque nuit, quand nous dormons, nous nous rendions (sans le savoir puisque tout est oublié au réveil) au Grand Magasin des Rêves ? Un immense bazar haut de quatre étages (et là je reprends la 4e de couv) "où l'on propose et vend tous les rêves imaginables : rêves d'enfance, de voyage, de nourriture délicieuse, mais aussi cauchemars, songes prémonitoires ou consolateurs.

La jeune Penny vient juste de réussir son entretien d'embauche, elle commence son travail à la réception du rez-de-chaussée, et c'est avec elle que nous allons découvrir l'univers chatoyant du Grand Magasin des Rêves, où, chaque nuit, une foule de dormeurs, humains et animaux, viennent choisir les rêves qu'ils désirent vivre."

Un roman présenté comme un succès prodigieux en Corée du Sud, que j'ai traqué à l'annonce de sa parution en janvier, attendant (im)patiemment son entrée en bibliothèque, résistant à l'achat à chaque saut en librairie, enviant ceux qui l'avaient lu à chaque retour de lecture. Ma patience a fini par payer (non, parce que des fois (en atteste ma PAL), je craque, j'achète, pour ne finalement pas lire tout de suite, et je retrouve le livre dans une de mes biblis à peine quelques mois plus tard...).

Au début, j'étais surprise. Étais-je dans de la SF ? De la fantasy ? On était clairement dans le domaine de l'imaginaire en tout cas, ce qui n'était pas pour me déplaire, n'ayant jamais rien lu dans ce genre au rayon coréen.

D'emblée, j'ai adoré l'univers imaginé par l'autrice coréenne Lee Mi-ye, où l'on côtoie des Noctylas, chargés d'habiller les visiteurs endormis pour qu'ils ne se promènent pas nus, des fées qui se sont reconverties dans la production industrielle de rêves, et même attention SPOILER ןǝ̤ou ǝɹǝ̖d ǝן (qui, ici, est en plus le président de l'Association des Métiers et de l'Industrie du Rêve) !!

Encore plus dément, on y croise des auteurs de rêves, certains primés lors de la cérémonie des Rêves de l'Année, et bien sûr, leurs rêves se vendent comme des petits pains, tel celui intitulé "Afternoon Tea avec des personnages historiques", mais d'autres auteurs et producteurs de rêves se défendent bien avec des titres plus simples et populaires tels "Revoir un vieil ami", "Voler dans le ciel", "Courir comme une flèche"..., risquant des ruptures de stock à tout moment.

Le magasin est organisé en étages et rayons. Au rez-de-chaussée se trouvent les rêves luxueux ou des tirages limités, au premier étage, des rêves d'escapade, de soirées entre amis ou le rayon des souvenirs (d'enfance, etc) et ainsi de suite jusqu'au quatrième étage où on trouvera aussi des soldes et des braderies de rêves invendus. Outre les rêves classiques déjà en stock, on peut aussi commander des rêves spécifiques au magasin (l'autrice a pensé à tout !). 

Les rêves sont vendus en paiement différé. Le magasin en récolte les bénéfices, ou plus basiquement les émotions du dormeur, à son réveil. Les valeurs des émotions sont cotées en Bourse (du moins l'équivalent dans ce monde imaginaire) : "Sentiment de vide, Impuissance, Regrets dégringolent souvent à la différence de Palpitation, Accomplissement, Curiosité, Merveille, Estime de soi...

Les clients/dormeurs qui fréquentent le Grand Magasin des Rêves ont souvent un problème personnel à résoudre (de coeur, d'inspiration, etc) ou traverse des moments douloureux dans leur vie. Le personnel du magasin les conseille alors sur les rêves qui pourraient les aider et l'on voit comment ces derniers finissent par changer leur vie, ce qui donne lieu à des petites leçons de vie sympathiques, assez feel good dans l'esprit.

D'une manière générale d'ailleurs, c'est un roman plein de leçons de vie et de réflexions bienveillantes sur la vie des gens alors que Penny découvre son métier, les dormeurs et leurs besoins. 

Cet univers m'a beaucoup évoqué le monde de la littérature et du livre sans en omettre tout l'aspect business et marketing, ça en est en quelque sorte une grande métaphore et je me suis vraiment bien amusée de cette mise en miroir.

J'ai bien aimé le concept général de l'intrigue et, encore une fois, l'imagination foisonnante de l'autrice, mais j'ai quand même trouvé le ton général très jeunesse, autant dans l'écriture que les personnages, les dialogues, l'univers et l'intrigue en elle-même, donc au final, c'était une lecture plus sympathique et (délicieusement) mignonnette que renversante. Un petit côté Roald Dahl, ou Alice au pays des merveilles, la qualité littéraire en moins et des problèmes à hauteur d'adulte en plus.

Une lecture assez idéale en période de Noël.

Intègre le Défi lecture 2024 (16/30/100) => catégorie 58 (un livre de la rentrée littéraire 2024, d'hiver (janvier-février) ou de septembre).

L'autrice

Née à Busan en 1990, Lee Mi-ye est diplômée en ingénierie des matériaux de l'université nationale de Busan. Elle a quitté Samsung Electronics, où elle travaillait comme ingénieure sur les semi-conducteurs, pour se consacrer pleinement à l'écriture. Le Grand Magasin des Rêves est son premier roman et il est resté trois semaines en tête des ventes, un record en Corée.