lundi 30 avril 2012

DES AMIS


DES AMIS

traduit du coréen (Corée du Nord) par Patrick Maurus
et Yank Jung-Hee


Des amis, en quelques mots, c'est l'histoire d'un divorce, tout à fait le genre de récit vers lequel je ne me serais pas précipitée en temps normal, mais son intérêt pour moi résidait dans le fait que c'est le premier roman nord-coréen traduit en français (repéré chez Daniel Fattore) !
Le phénomène seul méritait le détour et c'était là une belle opportunité d'en découvrir davantage, à travers sa littérature, sur une culture assez méconnue.
  
Une histoire de divorce donc, mais peu banale en réalité, car dans la société nord-coréenne, le problème du divorce est considéré comme un problème social, et non privé. Il semble donc naturel que le juge en charge de l'affaire mène une enquête très poussée auprès du couple, puis de son entourage, pour comprendre les raisons et les origines de la discorde, et tenter de ressouder les liens entre le couple.

J'ai trouvé ça personnellement assez étonnant ce côté mêle-tout du juge et j'ai même été un peu gênée par cet aspect, avec le mariage porté aux nues, le couple, la famille, mis sur un piédestal, et surtout cette impression que la loi se mêle de trop près de la vie privée des gens. Ce juge était tellement consciencieux dans sa tentative de sauver le couple pour le bien de la nation qu'il m'a du coup paru plus tenir un rôle de conseiller matrimonial ou de prêtre, cela dit, j'ai bien aimé son humanité, son côté simple, ordinaire et paternel.  

D'une manière générale, cette intrigue m'a laissée un arrière-goût de quelque chose d'un peu trop sucré, édulcoré, lisse, idéaliste. Pour les histoires de divorce, on a plus l'habitude des confrontations type "Kramer contre Kramer", que de ce type de leçon moralisatrice sur les devoirs envers la société pour quelque chose qui, pour moi, relève de la sphère privée.

Le récit sinon est très accessible, bien mené, instructif sur la culture nord-coréenne, j'avais peur de quelque chose d'un peu trop révolutionnaire dans l'esprit (un peu le reflet de la couverture, et un peu façon certains romans chinois) et d'une intrigue un peu déprimante, triste, mais non, c'est plutôt moderne, contemporain, amusant même parfois sous l'effet du décalage culturel, et parfois énervant sous le coup du même effet. Le style quant à lui est fluide et agréable.

J'ai juste été étonnée par le vouvoiement qui semble être de mise dans un couple:
"- Chérie... cela... lavez-le s'il vous plaît."  Ça fait bizarre, non? 

Quelques autres extraits illustrant les moeurs nord-coréennes:

"- Les enfants d'aujourd'hui ne sont pas sages, même à vingt-six ans. parce que la vie est trop confortable... Ils ne savent pas pourquoi se marier." (comme ici)

"... Un homme et une femme s'aiment et se marient librement. Mais quand ils fondent une famille, il leur faut s'inscrire à l'Institut de droit. La formation de la famille est garantie par la loi. Parce que chaque famille est une unité de la vie de la nation. Comment peut-on négliger la destruction de l'unité de la nation?... Le problème du divorce n'est pas un problème privé, ni un problème administratif qui se résumerait à rompre ou non les relations entre époux. C'est un problème social et politique qui réside dans le destin de la famille en tant que cellule de la société, et dans la solidité de la grande famille de la société. C'est pour cela que notre tribunal le traite avec sérieux.
- Camarade juge, je connais bien la supériorité de notre code."
et j'ai adoré l'aboiement des chiens, "k'ongk'ong" (ouaf ouaf ce n'est pas mieux, cela dit ).     
  
La préface du traducteur est par ailleurs très instructive et replace l'histoire dans son contexte.
"la littérature nord-coréenne actuelle est une littérature du couple et de la famille (malgré le mot d'ordre national de L'armée d'abord), dans la mesure où elle situe ses problématiques dans le couple et dans la famille nucléaire."
"La vie privée ne doit pas entraver le devoir social."
J'ai dû survoler certains passages qui me semblaient spoiler l'histoire et voulait revenir dessus après lecture, mais finalement, cela ne m'a pas semblé nécessaire (ou flemme, à voir ^^).


Intègre le  

L'auteur
Baek Nam Ryong est né en 1949 dans la province du Hamgyông du Sud, qui s’étend sur la côte est de la Corée du Nord. Il étudie l’écriture à la faculté centrale Kim Il-Sung, et publie, en 1979, sa nouvelle Les Appelés dans la revue Choson Munhak, commençant ainsi sa carrière d’écrivain. Il a publié depuis une vingtaine d’œuvres, y compris Pôt (Des amis) et Saenghwal(Vie, pas encore traduit en français). Actif au sein du mouvement littéraire du 15 avril (qui prône moins d’héroïsme et plus de réalisme dans les Lettres), il est devenu un écrivain réellement représentatif de la Corée du Nord, qui revendique son origine et sa formation en usine. Son travail s’en ressent, qui se traduit littérairement par un attachement à la justesse du vocabulaire et du détail.   

20 commentaires:

  1. Je crois que j'aurais beaucoup de mal à me plonger dans une culture aussi différente de la mienne...

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    1. J'avais un petit peu peur aussi de ce qui m'attendait mais en réalité ça se lit très bien, le récit est très accessible, le style fluide, et le goufre culturel n'est pas si profond qu'on ne s'y retrouve pas. Après on n'a pas les mêmes moeurs, c'est sûr, et ce n'est pas évident de comprendre certaines choses sous le même angle qu'eux, mais ça reste intéressant.

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  2. Là, j'avoue que je suis intriguée car je me demande ce que peut donner un roman écrit dans le pays le moins libre du monde...

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    1. Je m'étais posée la question aussi, d'où ma curiosité pour cette lecture, mais mise à part cette impression que la loi se mêle de trop près de beaucoup d'aspects de la vie privée (privée selon moi) et qui n'avait l'air de ne perturber que moi (les personnages ont l'air de bien s'en porter...^^), je n'ai pas décelé d'appel au secours entre les lignes, ni de rage ou de frustration par rapport à un système autoritaire, ni d'incitation à la révolte...:)

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    2. Oui, c'est donc un livre "politiquement" correct avec l'oeil coréen...

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    3. Oui, on peut dire ça. Je suis assez curieuse de savoir ce que donnent les romans d'autres auteurs nord-coréens! Mais a priori, d'après la préface, leur littérature est assez "soft", traitant de sujets autour du couple et de la famille... comme ici...

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  3. Merci pour cette note de lecture dans le challenge.
    Je l'avais noté ce premier roman nord-coréen traduit en français paru à la rentrée 2011 mais je n'ai pas encore eu le temps de le lire.
    Bonne semaine.

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    1. Je serais curieuse de lire ton avis sur ce livre. On aurait pu en faire une lecture commune!;)
      Bonne semaine!

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  4. Ils ont un drôle d'aboiement les chiens en Corée ça fait pas chien très méchant.^^ Un livre qui doit être intéressant pour découvrir une autre culture mais c'est tout de même surprenant comme culture.

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    1. Oui, on avance en terrain familier, on y trouve nos repères assez aisément, et en même temps, leur façon de voir les choses, ou plus précisément, leur "code", est assez déconcertant...
      Je me demande comment miaulent les chats nord-coréens!:D Ça c'est quelque chose qui m'amuse beaucoup, les onomatopées et cris d'animaux d'un pays à l'autre!

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    2. Je connais quelqu'un d'origine nord-coréenne. Je lui demanderai. .
      Ca me rappelle que l'on s'était amusé avec un Irlandaise à se faire découvrir le cri de nos animaux. Elle avait beaucoup ri en entendant le cri du canard et je dois reconnaitre que le sien était plus proche de la réalité. Ca me fait rire rien que d'y repenser.^^

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    3. Ah oui, coin-coin, tu m'étonnes!^^ Enfin, en le disant le nez un peu pincé et bien nasalisé, ça le fait quand même un peu.:) Celui que j'aime bien, c'est le cri du coq! Alors là, aucun point commun chez personne!!
      Ah ben si tu peux avoir des informations via ton ami, je suis preneuse!

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    4. Pas de souci. C'est vrai que pour le coq il n'y avait aucun point commun. As-tu étudié ça en Japonais ?

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    5. Non, j'ai juste vu comment on disait chien et chat (les classiques...:)), par contre je viens de regarder sur le net, et c'est "kokekokko". Ça va, ça reste identifiable.:) Et les chats (là, je suis pliée de rire depuis 2 mn), c'est "nyaanyaa"!^^

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    6. ^^ plutôt maniérés les matous japonais.

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    7. Je vois bien celui-ci faire nyaanyaa (c'est un chat japonais en plus!)^^

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    8. Oui, il est extrait d'un livre japonais qui s'intitule Fashion Cats. Ils sont assez fous les Japonais pour ça!^^

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    9. Ils auraient du le déguiser en samouraï plutôt :D

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    10. Oui mais un samouraï qui fait nyaanyaa, c'est pas très crédible.^^

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