jeudi 30 août 2012

FORMOSE


FORMOSE           

Sacrée aubaine que d'être tombée sur cette BD par hasard à la bib' !
J'adore tout bonnement ces témoignages sur un pays, surtout par un de ses ressortissants, et particulièrement en BD, car les BD permettent de traiter les sujets simplement et clairement, avec concision, tout en étant très instructives, et l'humour est souvent au rendez-vous malgré des sujets qui ne prêtent pas forcément à rire.
Je pense en particulier à Persepolis, mais également aux chroniques de Guy Delisle sur des pays rarement mis en avant (du point de vue intérieur, j'entends), et dont on sait vaguement quelque chose.

Taïwan, anciennement Formose, est de ceux-là, et je trouve ça vraiment génial qu'une auteure de BD taïwanaise (Li-Chin Lin) se soit attelée à la franchement-pas-simple tâche d'expliquer son pays, et surtout de nous éclairer sur les contradictions au milieu desquelles elle a grandi. Très très intéressant et instructif !
Je connaissais Taïwan et son background historique (pas vraiment dans le détail cela dit), mais on réalise toujours assez peu l'impact qu'un contexte politique peut avoir sur les habitants, pendant qu'ailleurs, tout roule (ou presque). Et l'auteure le rend très accessible en nous le livrant sous son regard d'enfant de l'époque.
J'ai trouvé ce témoignage passionnant, clair, et, cerise sur le gâteau, bourré d'humour !

Les Taïwanais ont toujours été sous l'occupation, qu'elle soit portugaise, hollandaise, chinoise, japonaise, et re-chinoise, subissant ainsi une politique d'assimilation forcée de l'occupant.
Ceux de la génération de l'auteure, sous le régime dictatorial du Kuomintang, sont tiraillés entre l'endoctrinement au quotidien, le lavage de cerveau à l'école, et la culture de la famille. La génération des grands-parents, par exemple, est encore fortement influencée par la récente colonisation japonaise. On parle différentes langues au sein de l'île, et au sein même de la famille, mais la langue officielle, celle des élites, est le mandarin. Le régime de Chiang Kaï-Chek dirige l'île d'une main de fer et prône le culte de l'ascension sociale. L'endoctrinement est tel que les enfants peuvent aller jusqu'à mépriser leurs parents si ces derniers ne sont pas en adéquation avec le système.  

Nos Taïwanais sont donc un peu perdus dans un tel contexte, d'un point de vue national. Qui sont-ils vraiment ? On ne leur accorde pas vraiment de statut. On leur impose d'adopter la culture de l'occupant, Chine maintenant, Japon avant, et la culture d'origine même du pays se perd.

"On ne peut pas être nationalistes puisqu'on n'a pas vraiment de pays. C'est quoi, notre pays ?
Les cultures taïwanaises ont été étouffées, sauf la culture chinoise.
On est "exilés" dans ce pays, la République de Chine... à Taïwan."

(cliquer pour agrandir)
On ressent bien la confusion de l'auteure à l'époque, dans un tel contexte, et on imagine qu'elle est partagée par ses contemporains, c'est assez impressionnant. Enfin, ce que j'ai trouvé particulièrement fort, c'est la réalisation, des années plus tard, de la fourberie de ce système. Quel choc, quel traumatisme ça a dû être !

"En croyant m'instruire, je m'étais fait endoctriner malgré les conversations dans la famille. Je ne savais plus en quoi je devais croire. Je me suis rendu compte que, finalement, on nous avait bourré le crâne de mensonges et coupés des vrais témoins historiques."

"Depuis l'enfance, ma vie quotidienne est pleine de dilemmes et de paradoxes" (illustration opposant école = culture de la république de Chine dite "chinoise" / famille (grands-parents) = culture japonaise et taïwanaise).

C'est un récit qui pousse à la réflexion, et c'est vraiment fou le nombre de choses que j'ai comprises d'un point de vue historique aussi, je me suis rendue compte à quel point je ne connaissais pas Taïwan en fait...
Intègre le et le 

L'auteure
Li-Chin LIN est née à Taïwan en 1973. Après des études en histoire à Taïwan et une brève expérience professionnelle dans une société d’import/export , elle choisit de devenir illustratrice et quitte l’île pour faire des études artistiques en France à l’École Supérieure de l’Image d’Angoulême, puis à l’école d’animation La Poudrière à Valence. Elle réalise des courts métrage d’animation puis se lance dans la bande dessinée à partir de 2002 en collaborant à de nombreux fanzines et réalise en parallèle deux livres pour enfants pour un éditeur de Taïwan. Elle anime régulièrement des ateliers de bande dessinée pour collégiens. Formose est son premier roman graphique. 

12 commentaires:

  1. Merci pour cette note de lecture dans le Dragon 2012. Je vais la lire cette BD, oui oui !

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    1. Oui, incontournable déjà pour la rareté du traitement du sujet en général et particulièrement en BD, et je pense que tu sauras apprécier !

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  2. J'aime tout ton billet! Le début, qui explique pourquoi les BD c'est bien (il reste encore du monde à convaincre, tu le sais), et le reste pour me faire sentir que je ne connais rien ou pas grand chose de ce pays.
    Bonne pioche!

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    1. Merci, tu me rassures car en rédigeant mon billet hier, j'avais l'impression d'écrire n'importe quoi ! C'est le problème quand on maîtrise mal un sujet, on s'embrouille dans ce qu'on pensait pourtant avoir clairement compris et qui était pourtant limpide à la lecture, et comme ma lecture date...
      Quant à la BD, oui... que les gens n'aient pas d'atomes crochus avec les BD pour avoir déjà essayé, ok, je veux bien, mais qu'ils les méprisent, et leurs lecteurs avec, sans savoir de quoi ils parlent, ça me chagrine...

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  3. C'est clair qu'à part le légendaire "made in taïwan", on ne sait pas grand chose de cet ile. Cette BD m'intéresse donc forcément !

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    1. :D Tu sais que j'avais complètement oublié ce fameux "made in taïwan" en plus ! Mais c'est vrai, tu as raison !! Sinon oui, une BD à découvrir, vraiment !

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  4. Tiens Formose. Tu vas en entendre parler bientôt dans un autre livre . En tout cas ce livre semble mérité d'être lu.

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    1. Aha ! Je crois savoir de quel livre tu veux parler. J'espère pouvoir m'y mettre le WE prochain ! Sinon oui, cette BD pour moi vaut le détour (bib' Marguerite Yourcenar, dans le 15è ).

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    2. Ah celle-ci il va vraiment que j'aille y faire un tour. Je ne la connais pas et il y a plein de livre qui m'attendent.:)

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    3. Elle est vraiment super cette médiathèque. Ils ont un large choix de tout et elle est aménagée de façon à ce qu'on ait envie d'y passer du temps !:D Très moderne, spacieuse, confortable !

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  5. Réponses
    1. Oui, toi, tu ne peux pas passer à côté !;)

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