( RESCAPÉ DU CAMP 14 )
DE L'ENFER NORD-CORÉEN À LA LIBERTÉ
Il y a six ans, je découvrais L'Anniversaire de Kim Jong-il d'Aurélien Ducoudray, un superbe album que lui avait inspiré la lecture de Rescapé du camp 14, que je me suis du coup empressée d'ajouter à ma PAL. Un an plus tard, Le Voyage de Phoenix de Jung m'a fait craindre que ce récit ne soit trop éprouvant pour ma sensibilité. Les années sont passées et ce livre commençait à croupir dans ma PAL. Heureusement, cet été, Je lis, je blogue, motivée par une LC, m'a donné le courage de sauter enfin le pas.
Cet ouvrage recueille le témoignage d'un transfuge nord-coréen sur son expérience des camps de travail en Corée du Nord, dont le redoutable camp 14, et le récit de sa fuite, en passant par la Chine (un périple de malade), qui l'a conduit en Corée du Sud puis aux États-Unis.
On se doute, les conditions de vie en camp de redressement sont effroyables, mais je n'imaginais pas à quel point elles pouvaient être aussi inhumaines. Les prisonniers, surveillés de près, sont soumis à des règles très strictes qui réduisent leur marge de manoeuvre à - euh - rien. Ils n'ont aucun droit, aucune vie sociale autorisée, ont le devoir de délation et sont condamnés à travailler comme des esclaves, souvent affamés et dormant peu, malmenés quotidiennement par les gardes, et menacés à tout instant de tortures et d'exécutions. Nombre de détenus le sont en plus simplement pour "culpabilité par association", un système dément qui s'étend à la famille d'un opposant sur trois générations (!!!).
Le cas de Shin, notre transfuge, est encore plus tragique, car lui est né dans les camps, et de ce fait, n'ayant rien connu d'autres, les camps, c'était sa maison, sa planète presque. Il n'avait aucune idée du monde extérieur, même pas en Corée du Nord dont il ignorait tout de la propagande, à la différence d'autres transfuges nord-coréens. Pour lui, sa vie était donc normale, même si particulièrement dure. Il ne ressentait par exemple aucune empathie ni émotion à l'égard de la mort d'une camarade qui aurait mal travaillé. Tout ce qui comptait pour lui, c'était pouvoir manger. Cela relevait même de l'obsession. Avec le recul, je vois ça vraiment comme une vie animale. Un animal emprisonné, domestiqué, exploité, pour qui l'essentiel, c'est pouvoir se nourrir. À tel point que ce qui a fini par le motiver à fuir, ce n'était pas tant l'idée de liberté que l'idée de pouvoir manger tous ces mets merveilleux qui existaient au-delà des camps et dont il a eu connaissance par l'intermédiaire d'un autre prisonnier !
Ce récit a été recueilli par un journaliste américain, Blaine Harden, l'auteur de ce livre, et ce qui est intéressant, c'est qu'il complète le panorama de la situation en Corée du Nord au-delà des camps. C'est donc un ouvrage particulièrement instructif sur ce pays d'un point de vue historique et économique (pour le peu qu'on puisse connaître d'un pays aussi fermé au monde...).
Je ne voudrais pas cacher que cette lecture a été très éprouvante au début. J'ai eu peur de ne pas y survivre psychologiquement et j'allais abandonner après l'introduction, ayant l'impression d'en savoir assez, l'essentiel, disons. L'auteur y détaillait déjà bien les grandes lignes de l'histoire de ce rescapé et les réalités du camp.
Je suis vraiment bien contente d'avoir persévéré. C'est un récit dur, mais étrangement captivant aussi. J'y ai survécu en appréciant vraiment l'opportunité et la valeur de ce témoignage. Des gens y passent leur vie entière dans ces camps de travail...
Un épisode qui m'a marquée, c'est le premier contact visuel de Shin avec les Nord-Coréens vivant à l'extérieur des camps juste après son évasion. J'ai trouvé ça dingue qu'ils lui paraissent si libres comparés à ce qu'il a connu en matière de liberté. Cela en dit vraiment long sur la situation dans ces camps...
L'auteur
Né en 1952 à Washington, Blaine Harden est un journaliste et écrivain américain.
L'histoire de Shin est incroyable. On a du mal à imaginer comment un être humain peut parvenir à se (re)construire après une expérience comme la sienne. En ce qui concerne sa fuite, il a bénéficié d'un contexte et de plusieurs facteurs exceptionnels. En temps normal, il est quasiment impossible de s'échapper de ce type de camps puis de passer la frontière (sachant qu'il ne connaissait personne à l'extérieur). Son témoignage est unique et sidérant mais extrêmement instructif. Il y a des passages très durs mais la manière de traiter le sujet exclue le simple voyeurisme. Je ne regrette pas non plus d'être allée au bout de ce livre mais je vais m'offrir des lectures plus légères dans les semaines à venir.
RépondreSupprimerHaha, tu m'étonnes ! Ceci dit, juste après cette lecture, j'ai enchaîné les reportages sur les transfuges nord-coréens (dont Shin) et sur la Corée du Nord.^^ Je trouve ça fascinant de façon glaçante qu'une telle réalité soit de notre monde...
SupprimerQuant à Shin, oui, il a du mal à se reconstruire d'ailleurs, et tu as bien fait de parler dans ton billet de la partie post-évasion qui tient une place importante aussi dans ce récit et qui illustrait bien les difficultés d'adaptation de ces rescapés en Corée du Sud tout particulièrement. Libres, oui, mais pas tout à fait indemnes. Pas complètement bienvenus non plus. C'est même le début d'une autre période de galères, sans parler des dégâts psychologiques...
J'ai apprécié également la façon dont l'auteur a retranscrit ce témoignage, sans sensationnalisme ni voyeurisme basique.
Hé bien... Après les camps d'extermination nazis, là je crois que j'ai besoin d'une coupure...
RépondreSupprimerJ'avoue que j'ai profité de l'été pour ces lectures dont les thèmes ne sont pas très légers.^^ Et en LC, ça passe encore mieux.;)
SupprimerBrrr, trop dur pour moi. Je préfère lire ton résumé que le livre lui-même. J'ai eu du mal avec Made in China de Amelia Pang, qui décrivait l'enfer des camps de travail chinois. (mon avis sur Babelio https://www.babelio.com/livres/Pang-Made-in-China/1454202/critiques/3364448)
RépondreSupprimerJe comprends, j'aurais du mal à enchaîner avec un autre livre sur ces thèmes là. Quoiqu'après ma lecture de Rescapé du camp 14, j'ai visionné pas mal de reportages sur les transfuges nord-coréens et la Corée du Nord, et cela m'a amené petit à petit vers des reportages sur les goulags chinois justement.^^ Je ne saurais dire pourquoi ça passe plus facilement en documentaire TV qu'en livre. J'ai noté tout de même Made in China pour peut-être plus tard.:)
Supprimeroui mais non....j'ai deja lu une histoire comme ca....cela m'a suffit.....
RépondreSupprimerC'est sûr que ce n'est pas le genre de lectures dont on peut raffoler comme de friandises.^^ Je ne pense pas poursuivre non plus avec d'autres témoignages dans le même genre, même si chaque expérience est unique. Celui-ci était vraiment très complet sur le sujet.
SupprimerJe ne peux pas lire de romans éprouvants en ce moment... Mais je note :-), tu sais ma passion pour tout ce qui concerne la corée :-)
RépondreSupprimerOui, malgré tout l'intérêt que j'avais pour ce livre également, j'ai mis du temps avant de pouvoir me lancer. C'est le genre de livres qu'on ne peut lire que quand on se sent réellement prêt...
Supprimervu que je lis principalement des romans coréens, je m'empresse de le noter ! son témoignage m'a fait penser à une série coréenne adaptée de la casa del papel, où le personnage principal a grandi dans un camp en Corée du Nord, et pareil il ne ressentait rien, juste l'envie de pouvoir se nourrir ...
RépondreSupprimerÇa doit être un trait récurrent. Ou alors ils se sont inspirés du personnage de Shin.^^ Je vais rechercher cette série. J'aime beaucoup aussi les séries et romans coréens.:) J'ai une préférence pour tout ce qui touche au Japon, mais c'est parce que cet engouement est venu bien avant.
SupprimerA lire, évidemment, en trouvant le bon moment, si toutefois ce bon moment existe. mais je pense qu'outre l'intérêt instructif de cette lecture, celle-ci permet sans doute de relativiser nos "petits maux".
RépondreSupprimerAh ça, c'est sûr. On ne mesure vraiment pas notre chance malgré tous les "petits" tracas quotidiens. Enfin, surtout, ils ont eu la grosse malchance de naître au mauvais endroit.:(
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