JOURNAL INQUIET D'ISTANBUL - TOME 1

JOURNAL INQUIET D'ISTANBUL - 1

traduit du turc par Didier Pasamonik

Une BD turque ? Voilà une opportunité que je ne pouvais pas rater ! S'agissant du premier volet d'une trilogie, j'aurais préféré patienter un peu pour ne pas vivre la frustration de l'attente de la suite, mais j'ai fini par céder à la curiosité face aux nombreux retours enthousiastes, chez Violette par exemple.

Dans cet album, l'auteur, Ersin Karabulut, raconte son histoire : "son parcours des banlieues déshéritées d'Istanbul aux sommets de l'édition et de la presse satirique ; comment il vécut, parfois en première ligne, les bouleversements et l'agitation politique de son pays, une Turquie transitant lentement d'une démocratie à un régime autoritaire."

C'est l'histoire de son parcours d'artiste et de citoyen lambda avec, en toile de fond, l'évolution de la Turquie sur ces quatre dernières décennies. Forcément très instructif !

C'est l'histoire d'une vocation, mue par sa passion pour la BD et le dessin dès son plus jeune âge, mais c'est aussi la conquête de libertés dans un pays qui en laisse de moins en moins :

- liberté de vivre la vie qu'on veut mener, de poursuivre un rêve, contre l'avis des parents, inquiet de son avenir d'artiste. Ce sont des choix peu évidents à assumer et j'ai admiré sa détermination et son courage à s'affirmer.

- liberté d'expression, contre l'autoritarisme, avec son engagement auprès d'un journal satirique, toujours contre l'avis des parents alarmés par les risques encourus.

Au début, je n'étais pas vraiment fan de son dessin, mais au fil des pages, la palette de son talent était vraiment manifeste, et on se rend compte que son dessin est un choix, le choix d'une expression artistique. J'ai beaucoup aimé la représentation graphique d'Istanbul avec ses quartiers modernes, occidentalisés, ses banlieues moins glamour et ses différentes atmosphères que j'ai trouvées très bien rendues (même si je n'y suis pas encore allée^^ - je m'y suis crue en tout cas).

On pense beaucoup à Riad Sattouf, du moins je n'ai pas pu m'empêcher de comparer cet album à L'Arabe du futur, peut-être pour son côté "parcours d'artiste" et "morceau d'histoire de l'Orient compliqué". Ce n'est pas la même histoire ni le même humour, mais ça trotte quand même en tête et je l'ai du coup trouvé moins enthousiasmant, même si les deux ne sont pas vraiment comparables.

Le ton n'est d'ailleurs pas vraiment humoristique même s'il n'est pas au tragique. L'auteur raconte les faits point. Il les rend peut-être moins dramatiques que ça pourrait l'être, en préservant un peu le lecteur, mais ça reste assez factuel. C'est peut-être bien ainsi. 

En tout cas, pour la suite, c'est quand il veut, car ça reste indéniablement intéressant et instructif.

En attendant et pour se remettre son univers en tête, voici le trailer de cet album. J'aime beaucoup sa composition et sa mise en scène. Il donne un excellent aperçu de la BD.

L'auteur

Né en 1981 à Istanbul, en Turquie, Ersin Karabulut dessine très jeune dans plusieurs magazines satiriques. En 2007, avec quelques amis, il crée sa propre revue, Uykusuz ("insomniaque"), dont il est rédacteur en chef. Plusieurs de ses récits ont été publiés en français (Fluide glacial) dans deux recueils : Contes ordinaires d'une société résignée (2017) et Jusqu'ici tout allait bien (2020).