( LE FARDEAU TRANQUILLE DES CHOSES )
Je garde un excellent souvenir d'En même temps, toute la terre et tout le ciel, aussi ça faisait un moment que je guettais une prochaine parution de l'autrice, Ruth Ozeki, ordonnée nonne zen en 2010 (ça m'a toujours impressionnée). J'aurais patienté dix ans. Tout vient à point à qui sait attendre (j'ai peut-être des dispositions pour devenir nonne zen 😆).
Inutile de ménager le suspense. J'ai pris beaucoup de plaisir à retrouver la plume et l'univers de celle que j'avais rebaptisée "ma Murakami" il y a dix ans. À l'époque, elle était comparée à cet autre auteur chouchou. Ses romans ne sont pas exactement dans la même lignée à mon sens (elle est par ailleurs Nippo-Américaine, de père américain et de mère japonaise - on sent son attachement à ses racines nippones, le style de ses livres est toutefois autre, assez unique d'ailleurs), mais on y retrouve l'originalité d'une intrigue peu conventionnelle qui peut partir en délire tout en étant parfaitement maîtrisée et plus profonde qu'il n'y paraît. Tout ce que j'aime ! Mais bon sang, ce que c'est difficile à résumer ce genre d'histoires !
D'ailleurs...
... est-ce l'histoire d'un ado devenu un brin schizo suite la mort de son père ? Entre autres symptômes, le jeune Benny entend des voix, celle des objets qui l'entourent et en particulier celle d'un livre qui s'adresse à lui.
... est-ce l'histoire d'un livre qui raconte l'histoire d'un ado un brin schizo (le délire autour du livre en tant que personnage à part entière était excellent !) ? D'ailleurs, Benny est-il vraiment atteint de troubles psychiques ? Ne serait-ce pas plutôt une sorte de don psychique ? Les objets parlent peut-être vraiment, mais nous ne les entendons pas.
... est-ce une fable philosophique, un conte zen sur... le réel ?... sur le vide ? (bon, euh, lire pour comprendre)
C'est un sacré OLNI en tout cas, à la forme narrative inventive, sans parler du fond. Un roman singulier, étrange comme son titre, mais étonnamment envoûtant, mâtiné d'une sorte de fantastique merveilleux (ou pas). Une histoire profondément touchante, empreinte de poésie et de loufoquerie à la fois, avec des personnages attachants (cette mère qui part complètement à la dérive, qu'on a envie de secouer, mais pour qui on ne peut ressentir que de l'empathie...).
Au début, malgré mon excitation à l'idée de replonger dans un roman de Ruth Ozeki, j'avoue que le titre anglais ne m'inspirait pas trop et le titre français a failli complètement me perdre. Un coup d'oeil au résumé (que je ne reprendrai pas ici car ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Il donne une idée assez réductrice de ce à quoi s'attendre à mon goût) et je n'étais pas plus rassurée. Mais dès les premières lignes, j'ai été conquise. Ça allait bien se passer.
Sur la thématique principale (celle du deuil - nous suivons l'histoire assez dramatique d'une famille dont la mère, Annabelle, se retrouve seule à élever son fils, un ado singulier, en situation précaire et quelque peu désemparée face au quotidien), ce n'était pourtant pas gagné que j'accroche, mais je lisais malgré moi, complètement happée par moment. C'est une histoire qui prend son temps et impose son rythme sur 600 pages (oui, c'est un petit pavé), mais j'ai bien adhéré à l'intrigue.
J'ai beaucoup aimé le développement en parallèle de l'histoire d'Aikon, une autrice japonaise (nonne zen aussi, tiens^^) d'un succès mondial, Tidy magic, véritable bible du rangement, un petit livre qui est entré dans la vie d'Annabelle, comme pour lui venir en aide.
J'ai adoré l'idée (assez délirante) des livres qui racontent les histoires en tant qu'entités (ce sont finalement eux les vrais auteurs de ce que nous lisons) et les réflexions ainsi suscitées sur le processus de création et nos rapports aux livres et à la lecture. C'est vraiment un des aspects du roman qui m'a particulièrement enthousiasmée et souvent beaucoup amusée aussi (on s'identifie beaucoup à certaines situations en tant que lecteur, forcément).
Sans parler de toutes ces réflexions vertigineuses mais captivantes autour du réel. Qu'est-ce que le réel ?
Il y a toutefois eu des délires qui m'ont moins embarquée, ceux notamment concernant l'Aleph (en référence à Borgès), une jeune fille marginale qui aide Benny avec son ami SDF, un personnage lui aussi un peu spécial, excentrique disons, et j'ai eu l'impression de tourner un peu en rond à un moment, mais c'est une partie de l'intrigue qui a bien sa place dans l'histoire.
J'ai beaucoup aimé comment tout (mais tout !) a fini par se rejoindre et prendre véritablement sens sur la fin.
Une fin un poil convenue, dans la veine du happy end, étonnamment en regard de tout ce qui s'est déroulé avant et qui ne laissait rien présager de tel, mais tout se dénoue si habilement que cela passe très bien. Et je crois que j'aurais été bien mal si ça s'était conclu différemment...
Ayant lu l'édition anglaise, j'ai regretté de ne pouvoir recopier ici quelques extraits (j'ai surligné énormément de passages dans mon ebook). Heureusement, j'ai retrouvé quelques citations communes à mes sélections sur Babelio !
"Un livre doit commencer quelque part. Il faut qu'une lettre, courageusement, se désigne comme première volontaire et se couche sur le papier pour qu'un mot, puisant sa force dans cet acte de foi, suive et lève une phrase dans son sillage. De là, un paragraphe s'amoncelle, puis une page, et le livre est en route, trouve une voix, devient être.
Un livre doit commencer quelque part, et celui-là commence ici."
"Depuis le début, je suppose que les livres savent tout sur tout, mais peut-être que tu es un livre débile, ou bien un livre tire-au-flanc - le genre de livre qui commence au milieu, parce qu'il ne connaît pas le début de l'histoire, il n'a pas envie de trop se fouler, tu vois ? C'est ça ? Tu fais partie de ces livres-là ? Non, parce que si c'est le cas, tu ferais peut-être mieux d'aller trouver une autre histoire à raconter, celle d'un enfant normal, par exemple, qui a plein de copains et qui n'entend pas de voix."
Également commenté par Je lis, je blogue.
Pareil, j'avais aimé le précédent et voulais lire ce nouveau. J'ai donc commencé contente, oui, ce livre personnage, oui, etc., mais les objets qui parlent (OKOK) et puis j'étais dans l'histoire et ça repartait dans le passé alors que je n'en ressentais pas le besoin, j'étais au courant, merci.) Cette histoire de rangement m'attirait, moins le zen.
RépondreSupprimerJe me demande maintenant si je ne ferais pas mieux d'accorder une deuxième chance au roman?
Sinon, je n'ai pas de commentaire dans les spams, tu disais quoi?
Je t'ai répondu sur ton blog concernant mon commentaire perdu. J'en ai perdu deux ce jour-là, un autre chez Je lis, je blogue... Trop bizarre.
SupprimerBref, pour le livre, si tu n'as pas accroché là, je doute qu'une deuxième chance change la donne. C'est un roman qui impose son rythme et ses particularités. À mon avis, soit on est pris de suite dans l'intrigue et le délire de l'autrice, soit on reste extérieur. Au vu de tout ce qui t'a chiffonnée, j'aurais tendance à penser que tu es du deuxième lot.;)
Le fardeau tranquille des choses (en version française) est un roman original, un peu onirique, où il est question de schizophrénie, de petites gens, de deuil, d'amour filial aussi. Il y a des références à Walter Benjamin, à Jorge Luis Borges. J'ai beaucoup aimé l'histoire et le style de Ruth Ozeki qui aborde des sujets difficiles en douceur. C'est un beau roman généreux.
RépondreSupprimerC'est tout bien résumé.:) Oui, c'est aussi un roman peu conventionnel avec des personnages assez anticonformistes. Ça peut ne pas convenir à tous.
SupprimerOh une autrice a decouvrir alors...oooohh....deux livres, deux belles reussites...;)
RépondreSupprimerJe pense que ça pourrait beaucoup te plaire.:) Je recommanderais plutôt le premier pour une découverte en douceur de l'univers de l'autrice. Les thématiques de ce roman-ci sont finalement assez dures, même si j'ai trouvé cette histoire belle et poignante.
SupprimerJe note alors...;)
SupprimerTrès curieuse de ton avis !:)
SupprimerJ'ai peur de me perdre un peu dans ce genre de roman ; je ne suis pas sûre d'être le bon public.
RépondreSupprimerPossible, c'est un roman à l'intrigue et à la narration assez peu conventionnelles, même si, à mon sens, on y a des repères solides. C'est sûr que c'est le genre de livre qui ne pourra pas plaire à tout le monde.:)
Supprimeril faudrait que je teste! Bon week-end!
RépondreSupprimerTrès curieuse de ton avis si tu te lances. Bon week-end !
SupprimerJe ne sais trop quoi en penser... je suis un peu comme Aifelle, à vrai dire (frileuse et couarde quoi :))
RépondreSupprimerSi tu ne le sens pas, inutile d'insister.;) Je peux le comprendre, il y a tellement de tentations qu'on n'arrive déjà pas à caser.^^
SupprimerTu donnes envie de lire ce livre puis Keisha nous fait perdre cette envie. (rires) Il vaut mieux se rendre compte par soi-même...
RépondreSupprimerS'il y a des éléments qui te laissent penser que tu pourrais aimer, ça vaut le coup de tenter, oui. Mais au vu de tes lectures, je ne suis pas très sûre que ce soit trop ton genre de livre. Je peux me tromper.:)
SupprimerSon précédent roman ne m'avait pas emballé plus que cela.
RépondreSupprimerAh alors je ne pense pas que tu adhères à celui-ci non plus.
SupprimerJe ne connaissais pas ce roman mais tu m'as intriguée, ce dernier semblant original. J'aime beaucoup cette idée de livres qui racontent les histoires en tant qu'entités !
RépondreSupprimerÇa vaut le détour rien que pour ça.:)
SupprimerLe petit côté zen m'intéresse! Et l'ado. Et les références à la lecture. J'ai bien envie de m'y coller. 768 pages dans la (belle) version poche.
RépondreSupprimerSi tu as déjà un intérêt et une curiosité pour ces thèmes, ça devrait bien se passer.:) Ah oui, 768 pages quand même en poche !
SupprimerInconnu de mon bataillon, loin de ma zone de confort, mais bien intriguant et tentant tout de même !
RépondreSupprimerTrès curieuse de ton avis si tu le lis. C'est en effet assez loin de ta zone de confort et c'est plutôt pavéesque. Ce serait une prise de risque intéressante.;)
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