JOURNAL D'UNE NAVIGATRICE
Un titre qui m'a beaucoup amusée pour sa franchise décomplexée, une phrase que je pourrais caser dans tellement de circonstances, comme le jour où je me suis enfin décidée à ouvrir le pavéesque Moby Dick de Melville.😅 Je me suis tout de suite identifiée à l'autrice, Clarisse Crémer, dans son appréhension de ce projet fou qui s'est présenté à elle en 2020 : se lancer dans le Vendée Globe, cette course au large en solitaire, sans assistance, qui consiste à faire un tour du monde en trois mois, sans escale, à bord d'un voilier monocoque de 18 mètres, en passant par les trois grands caps (Cap de Bonne-Espérance, Cap Leeuwin, Cap Horn) et par les très redoutées Mers du Sud.
J'avoue qu'au départ, je n'avais aucune idée des dangers que cette course pouvait présenter. Il faut dire que je ne m'y étais jamais intéressée. 😆 J'imaginais une traversée en mer dont les seuls pics d'adrénaline étaient suscités par la perspective de la victoire en bout de course. En réalité, c'est une des épreuves les plus longues et difficiles de la course au large qui a connu son lot de drames, de disparitions et de morts, et l'on n'est pas à l'abri de naufrages dus aux risques de collision avec toutes sortes d'OFNI et même de cétacés, sans parler de la météo incertaine, des tempêtes tropicales, des avaries et de tous les soucis techniques à gérer à bord du bateau. Il faut tout de même près de deux ans de préparation intensive et une bonne expérience des courses au large avant d'embarquer dans une telle aventure.
Alors on comprendra que Clarisse Crémer doute. Surtout que rien ne la prédestinait à devenir navigatrice au départ. Une enfance en région parisienne, une prépa, une école de commerce, un premier emploi dans une start-up... Déjà à l'époque, elle y allait, sans avoir peur, mais sans vraiment être sûre de ses choix. Et puis, la rencontre avec Tanguy, un skipper breton. Comme lui, elle va finir par prendre goût à la course au large et ne tarde pas à tout plaquer pour s'installer en Bretagne. Sa première Mini Transat en 2017, à 27 ans, est une véritable révélation. Elle enchaîne les courses et en 2019, elle se voit proposer par un grand sponsor, à sa grande surprise, de se lancer dans le Vendée Globe !
C'est cette formidable aventure humaine et maritime qu'elle raconte dans cet album co-écrit avec l'illustratrice Maud Bénézit qui n'était pas sans me rappeler Dans la combi de Thomas Pesquet de Marion Montaigne. Navigation dans l'espace, navigation sur la mer, il y a clairement des points communs entre ces deux aventuriers modernes, l'un de l'espace, l'autre de la mer, un esprit similaire dans les deux albums, et on ne peut s'empêcher de faire des parallèles entre leur partage de parcours et d'expériences : passion presque démesurée pour leur univers respectif, préparation intensive avant d'embarquer, esprit sportif et d'aventures, tour du monde/de la planète, explications précises et pédagogiques de l'équipement et des spécificités techniques à bord, évocation des problématiques rencontrées, description des aspects pratiques (que mange-t-on à bord ? quand et comment dort-on ? quid de l'hygiène corporelle ? et bien d'autres questions essentielles)...
On est aussi dans le même type d'illustrations rigolotes associées à une narration très rythmée, énergique, qui part un peu dans tous les sens tout en restant fluide, Le récit du quotidien à bord, en plus d'être très instructif, est bourré d'humour et d'autodérision (tout ce que j'aime !), un petit côté naïf mimi en plus chez Clarisse Crémer peut-être, plus d'états d'âmes et de partages d'émotions aussi chez elle, et puis bien sûr, ici, on en apprend énormément sur les règles de cette course.
Ce qui m'a marquée, c'est qu'on n'est jamais tranquille à bord. Il faut prévoir les trajets et manoeuvres des heures et jours à venir, réagir dès que le vent tourne, tout surveiller, tout régler. Les avaries et les soucis techniques font partie de la course, ce qui génère beaucoup de stress et en même temps, il faut s'imposer de dormir régulièrement pour rester en forme, car c'est tout de même un marathon.
"Mon bateau est comme un second corps à comprendre, écouter, surveiller. Je dois être attentive à tout ce qu'il me dit. C'est un prolongement de moi-même : je me sens bien quand il va bien."
Malgré tout, même si la vie à bord est faite avant tout d'imprévus, que la fatigue et la solitude se font sentir à la longue, la richesse de ce qui est vécu en mer vaut ces quelques désagréments. La beauté, la lumière des lieux, devient une drogue et c'est surtout de la gratitude qu'elle ressent à être là au milieu de l'océan.
"J'ai l'impression d'avoir découvert un nouveau pays en mon for intérieur, et j'ai déjà envie de revenir dans les Mers du Sud pour continuer à l'explorer."
Un album qui parle aussi, sans trop s'étendre, de la pollution maritime et de l'impact carbone de cette activité, le grand bouh ! de cette course, mais aussi de la place des femmes dans le monde de la voile, monde historiquement masculin.
J'ai ressenti une grande émotion quand Clarisse Crémer a franchi la ligne d'arrivée et qu'il y avait toute son équipe, sa famille, ses amis, les médias autour d'elle ! C'est là que j'ai réalisé que j'avais été complètement subjuguée par le récit de cette aventure en mer moderne !
Encore un ouvrage qui m'a passionnée pour le milieu maritime ! Je suis maintenant incollable sur le Vendée Globe !^^
Et pour conclure, ne partez jamais en mer sans votre liseuse ou quelques bons livres, ça peut toujours servir. 😉
Les autrices
Scénario : Clarisse Crémer, née en 1989 à Paris, est une navigatrice professionnelle qui pratique la course au large en solitaire à bord de différents voiliers monotypes. Après des débuts professionnels dans le marketing, diplômée d'HEC, elle décide de faire de la voile, qui était jusque-là un hobby, une activité à temps plein.
Illustrations : Maud Bénézit est une autrice et illustratrice française. Pour sa première bande dessinée, Il est où le patron ?, elle collabore avec le collectif "Les paysannes en polaire" pour raconter le quotidien de jeunes paysannes combatives et passionnées. J'y vais mais j'ai peur est sa deuxième bande dessinée.
Mais où ai-je vu cette BD? Un blog? Affaire à suivre car tu penses bien que je dois le l ire! (bien assisse sur le canapé...) Tu expliques bien le défi et les contraintes... Mais déjà avec les naufrages lus pour ce book trip on sait que passer ces caps ce n'est pas si facile!
RépondreSupprimerOui, du coup ça me semble dingue que des gens choisissent de partir en solo pour traverser les océans alors que déjà en groupe, ça pouvait mal tourner... Bon, nous, on est des pros de l'aventure de salon, haha !
SupprimerJ'ai aussi tout plaquer pour un marin breton, propriétaire d'un catamaran, mais je ne me suis pas du tout convertie à la mer. Je la regarde mais pas question que j'y mette un doigt de pied ou que je navigue (sauf pour faire plaisir au chéri breton...). Et dans une BD, ça devrait aller aussi !
RépondreSupprimerMais oui, je me souviens de ton histoire ! Quelle aventure là aussi !^^
SupprimerJe vais publier ma note sur ce roman graphique demain, sûrment. Si comme toi, j'ai beaucoup apprécié les illustrations, le scénario m'a beaucoup moins convaincue ... Et pour ton aventure avec Moby Dick, tu n'es pas sans assistance, on t'attend à la ligne d'arrivée !
RépondreSupprimerOh super, une LC légèrement décalée !^^ Très curieuse de ton retour sur le scénario. J'avais quelques mini bémols mais je ne les ai pas relevés finalement parce que dans l'ensemble, c'était quand même un grand plaisir de lecture et j'ai appris beaucoup sur la course au large et le Vendée Globe en particulier.
SupprimerMerci beaucoup pour tes encouragements pour Moby Dick. Ça avait vraiment bien commencé, mais là je commence à ramer sévère.😅
Je l'avais vu dans le catalogue de ma bibliothèque municipale mais le titre me faisait penser à un livre pour enfant. Ta comparaison avec l'album de Marion Montaigne me met l'eau à la bouche. Vivement que la bibli rouvre ses portes car il n'est pas en format numérique !
RépondreSupprimerFigure-toi que j'ai galéré pour mettre la main dessus à la bibli. Il est resté deux mois emprunté par la même personne et j'étais déjà sur une longue liste d'attente. Heureusement que j'ai pu le récupérer la semaine dernière, juste avant le départ en vacances ! J'espère que tu n'auras pas les mêmes déboires. C'est tellement plus pratique le prêt numérique dans ces cas-là.^^
SupprimerJe suis toujours admirative des personnes capables de se lancer dans de tels projets malgré les risques et les épreuves ! Cette BD a l'air passionnante et un peu angoissante car rien qu'en te lisant, j'ai quelque peu stressée pour Clarisse que j'aimerais du coup voir franchir la ligne d'arrivée.
RépondreSupprimerOn peut aussi visionner quelques vidéos sur Youtube. Je l'ai fait pendant lecture, car à un moment, j'étais vraiment curieuse de visualiser tout cela en vrai. Oui, ces personnes sont fascinantes ! On ne sait si on doit parler de courage ou de folie.^^
SupprimerJ'avais bien aimé "Il est où le patron?", alors pourquoi pas?
RépondreSupprimerJe me rappelle un collègue, journaliste, qui s'était préparé pour la Mini-Transat, et qui l'avait faite! Il ne cherchait pas le classement, pour lui, la perf', c'était d'être à l'arrivée! Je me rappelle aussi que son gros challenge, "au départ", c'était de trouver le financement et les sponsors. Il avait dû "pré-vendre" des reportages à au moins deux ou trois titres de presse...
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola
Ah oui, elle en parle aussi beaucoup de la nécessité de trouver des sponsors si on veut faire ce genre de course. Et pareil, il me semble que pour beaucoup, l'essentiel est d'être à l'arrivée, peu importe le classement. Vu la durée de ces courses et les épreuves tout le long, c'est sûr qu'on ne peut qu'être fier d'être allé jusqu'au bout.
SupprimerJ'avais vu une interview de la navigatrice sur Arte, je crois... qui m'a donné envie de lire cette BD, mais il faut attendre que la bibli l'achète !
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas du tout cette navigatrice (pas très étonnant dans la mesure où, avant, cet univers ne m'intéressait pas du tout^^), mais j'ai regardé quelques interviews et vidéos pendant et après lecture. Cet univers me fascine maintenant, haha !
Supprimer"Comme les courses ne se gagnent pas qu'aux muscles, mais bien à la stratégie, le match se court à armes égales. [...] L'endurance, l'agressivité, la détermination de ces « marines » valent largement celles de leurs adversaires masculins."
RépondreSupprimerCes mots de J-Y Chauve, médecin sur les courses au large, est un hommage à des femmes comme Clarisse Crémer, les
« marines », féminisation de marin, comme il les appelle.
Je me demandais justement s'il y avait une féminisation officielle de marin. Ça me semble juste de dire "marine", mais ça me rappelle tellement les Marines américains en même temps...😅
SupprimerBien entendu que je le lirai il est déjà noté dans mes listes de la médiathèque pour l'automne, si j'arrive à l'emprunter car la liste d'attente est longue...même en dehors du booktrip je compte bien la lire ! Merci pour ton enthousiasme
RépondreSupprimerIl est très demandé. J'ai eu le même souci dans ma bibli et il a en plus été détenu 2 mois par un(e) égoïste... J'espère que tu l'apprécieras autant que moi quand tu pourras mettre la main dessus.:)
SupprimerJ’ai déjà entendu des itw de Clarisse. Top cette nana et tout ce que tu as dit me donne envie mais j’ai vraiment horreur du format BD. Je ne sais pas pourquoi
RépondreSupprimerIl y a beaucoup de gens dans ton cas, je ne saurais dire pourquoi non plus.😕 Une amie m'expliquait qu'elle "n'arrivait" pas à lire le mélange "texte/illustrations", trop inconfortable, mais ça ne vaut peut-être que pour elle. Des fois il suffit juste de trouver LA BD. Je te le souhaite en tout cas. Il y a vraiment des ouvrages formidables dans ce rayon.
SupprimerCelui-ci me plairait bien aussi/. Je retiens le titre.
RépondreSupprimerJe n'ai pas eu le temps ces denriers temps de venir dans mon blog mais me voici de retour. Cependant, depuis deux ou trois jours, je n'arrivais pas à écrire dans ton blog. C'est rétabli aujourd'hui.
J'ai vu que vous aviez repoussé la lecture de l'Endurance. Je vous attends donc Keisha et toi. Tu me diras la date.
J'espère que tu as bien profité de tes escapades. Enfin, je suppose que c'est ce pourquoi tu n'étais plus sur la blogo dernièrement.:)
SupprimerPour l'Endurance, on a déclaré forfait Keisha et moi, pour le book trip du moins. Keisha avait commencé à le feuilleter et l'avait trouvé ennuyeux, il me semble, et moi je me suis retrouvée avec toute une pile d'autres tentations sur la thématique maritime. Je ne pense pas réussir à le caser d'ici novembre. N'hésite pas à le lire de ton côté. Tu nous feras peut-être changer d'avis.;)
je venai te prévenir, mais claudia lucia a réussi. Elle me disait
RépondreSupprimer"Je vois que vous avez renoncé à L'Endurance pendant le mois d'août avec Fanja. Cela nous aurait pourtant rafraîchi ! Je n'arrive pas à lui écrire sur son blog (cela ne marche pas!) mais je vous attendrai pour publier la LC quand vous aurez décidé de la date.
J'ai lu ta réponse. Je ne me voyais pas lire tout, j'en ai d'autres! J'ai lu la moitié de l'Erebus, bien plus intéressant, il faut que je le reprenne -ou pas.
Je l'ai feuilleté quand même avant de me décider, mais j'avoue que de mon côté aussi, d'autres livres (et pas que maritimes) lui font concurrence. Comme l'idée, c'est quand même de se faire plaisir avant tout, je préfère aussi ne pas faire de forcing. J'espère quand même le lire un jour, on me l'a offert quasi exprès pour le book trip.😅
SupprimerTu es bien plus enthousiaste qu'Athalie, et la référence à La combi de Thomas Pesquet est carrément tentante !
RépondreSupprimerJ'avoue que je n'ai pas boudé mon plaisir.^^ Je serais très curieuse de ton avis si tu le lis.
SupprimerUn titre que j'avais déjà repéré :) Je suis presque sûre que j'aimerais !
RépondreSupprimerJe pense aussi. Après, je peux me tromper.^^
SupprimerLu cet été, j'ai adoré ! Billet programmé sur mon blog, pas tout de suite, car j'alterne les sujets et les genres de lecture !
RépondreSupprimerÇa ne m'étonne pas que tu aies adoré. On est sur la même longueur d'ondes pour ce genre de BD.:) Hâte de lire ton avis complet, mais je comprends que tu préfères alterner les sujets.
Supprimer