lundi 12 août 2024

RANAVALO, DERNIÈRE REINE DE MADAGASCAR


J'ai toujours été fascinée par le fait qu'il y ait eu des rois et des reines à Madagascar, aussi cet ouvrage m'a paru une bonne occasion d'en apprendre davantage au moins sur l'une d'entre elles, la dernière certes, mais ce n'était pas plus mal car cela m'a permis aussi de découvrir précisément comment Madagascar est devenue une colonie française. Le bon point de ce livre, c'est que l'autrice, Marie-France Barrier, situe en quelques lignes le contexte et l'histoire de la Grande Île en remontant quelques siècles avant de rentrer dans le vif du sujet, donc je me suis sentie plutôt gagnante en ayant choisi cet ouvrage historique plutôt qu'un autre.
Il n'est pas très récent, sa publication date de 1996, mais bon, pour la partie historique traitée, c'est tout à fait valable.

Quand on se plonge dans l'histoire et la culture de pays étrangers par le biais de la fiction ou de la non-fiction, on se plaît à enrichir ses connaissances et s'ouvrir sur le monde de façon plus ou moins satisfaisante, mais on se sent à distance tout de même, n'étant pas concernés de si près. Ce n'était pas le cas pour moi ici, ayant des origines et des attaches fortes avec Madagascar, et je dois dire que c'était une expérience de lecture assez troublante, excitante et émouvante, car je sentais que je me reconnectais à mes racines. J'ai lu cet ouvrage avec un intérêt tout particulier et pour une des rares fois (et je m'en suis sentie privilégiée), je n'ai eu aucun problème avec la géographie des lieux, les ethnies, les coutumes, les expressions et termes locaux, leur prononciation, les noms à rallonge, mais j'imagine comme ça peut être un vrai labyrinthe dans lequel je peux me perdre aussi quand il s'agit d'explorer l'histoire d'autres pays exotiques dont je n'aurais à peine que quelques connaissances de surface.

En parlant de nom à rallonge, justement, j'ai toujours été dans la confusion par rapport au nom de cette reine que je voyais appelée tantôt Ranavalona dans certains textes, tantôt Ranavalo dans d'autres, et je me suis toujours demandé lequel était le bon et pourquoi ces deux noms d'ailleurs. J'ai enfin eu ma réponse ici. Ranavalo, c'est l'appellation française, le diminutif si l'on puit dire, car Ranavalona, c'est vraiment trop long... Il faut dire aussi que la prononciation se rapproche de l'appellation française.

Même si je partais avec un avantage, grâce à cet ouvrage, j'ai beaucoup appris et mieux compris aussi l'histoire de Madagascar sur cette période dont les grandes lignes sont résumées dans cette présentation de l'éditeur (j'ai rajouté quelques dates pour mieux se repérer dans le temps) :
"Lorsqu'elle fut couronnée reine de la Grande Île, en 1883, c'était une jolie veuve insouciante de 21 ans. À l'instar de ses cousines, les deux précédentes souveraines, Ranavalo III se remaria aussitôt, par devoir d'État, avec le même homme, Premier ministre inamovible. Il ne fallait pas perdre une minute car les Français voulaient ajouter Madagascar à leur empire colonial. En 1885, la jeune reine dut se résigner à accepter le protectorat de Paris, tout en encourageant son peuple à résister, sans compter les intrigues anglaises. La France dépêcha Gallieni à Tananarive en 1896; il annexa le "royaume protégé". Ranavalo fut alors exilée à La Réunion en 1899 puis à Alger. Ses séjours en métropole l'y rendirent bientôt populaire et le sourire triste de la reine déchue finit sur des réclames de biscuit et dans un livre de Proust..."

Si l'autrice n'avait pas glissé l'extrait proustien dans son ouvrage, j'aurais peut-être lu toute La Recherche pour tomber sur ce passage 😆, surtout qu'elle ne précise pas le titre du volume dans lequel on le trouve. Le voici :
"Le directeur se pencha vers ma grand-mère, et par amabilité (comme on montre le Shah de Perse ou la reine Ranavalo à un spectateur obscur qui ne peut évidemment avoir aucune relation avec le puissant souverain, mais peut trouver intéressant de l'avoir vu à quelques pas) il lui coula dans l'oreille : "La marquise de Villeparisis." "

L'histoire de cette reine est assez tragique en fin de compte, mais j'ai beaucoup aimé comment l'autrice a su en rendre compte en lui insufflant assez de vie pour en faire un récit captivant et passionnant tout en étant très instructif et documenté. On y retrouve par ailleurs quelques correspondances et photographies de l'époque (tout ce que j'aime !).
J'ai vraiment découvert l'histoire de cette reine, son quotidien, son mode de vie, ses aspirations, son entourage, son rapport avec ses sujets, les rivalités entre la bourgeoisie hova au pouvoir et les aristocrates andrianas au rôle seulement décoratif depuis le règne de Ranavalona Ière, tout l'aspect diplomatique franco-malgache, mais aussi les relations avec les Anglais, la colonisation brutale, l'exil de Ranavalo à La Réunion puis à Alger, ses séjours en France... Contre toute attente, j'ai trouvé absolument passionnants et fascinants les chapitres sur Alger où se trouvaient d'autres exilés politiques de l'époque. C'était intéressant de voir comment elle a dû s'adapter à un tout autre pays et à un autre train de vie. J'ai beaucoup aimé aussi le récit de ses séjours en France et la restitution de l'esprit et de l'atmosphère de l'époque, au début du 20e siècle.

Quelques réservounettes tout de même, liées entre autres à l'autrice qui se met parfois dans la tête de la reine (et pas pour la mettre à son avantage...), son ton quelque peu paternaliste, voire condescendant par moment, en se moquant quelque peu de la naïveté de Ranavalo, mais je me suis malgré tout franchement régalée de cette lecture. Voilà qui confirme encore que j'adore vraiment les récits historiques !

Il existe un autre livre sur le sujet, au titre similaire, Ranavalona III, dernière reine de Madagascar de Jean-Claude Legros, que j'avais hésité à lire. À la lecture du billet de Françoise, j'ai l'impression qu'il est moins complet, aussi je ne regrette pas d'avoir choisi plutôt cet ouvrage-ci. 

L'autrice
Agrégrée d'Histoire, Marie-France Barrier est l'autrice de plusieurs ouvrages, notamment d'une biographie d'Anne de Bretagne. Pour ce livre-ci, elle a eu accès à Madagascar à des documents inédits sur l'île au temps de Ranavalo et Gallieni. 

22 commentaires:

  1. Oh cela doit etre un livre vraiment passionnant...toute une ile passionnante mais helas en souffrance....et son histoire est bien riche....a lire

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    1. Oui, si je trouve encore quelques bons ouvrages historiques dans ce genre, je pense que je vais explorer toute son histoire petit à petit.^^

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  2. Merci d'être la première à blaguer sur la longueur des noms. Je suppose qu'ils ont une signification qui les rend beaucoup plus faciles à appréhender. Bon, ça me irait bien, cette incursion historique! Parle-telle aussi, au tout début du moins, du peuplement de l'ile par mer? Cela me fascine toujours, ces gens qui partent vers l'inconnu.
    Quant à Proust, il est partout!!! Volume 1 de la pléiade, A l'ombre des jeunes filles en fleurs, page 684. OK, il existe un résumé détaillé en fin de volume, ça aide.
    Le livre est à la bibli (en réserve)

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    1. Elle est incroyable ta bibli.^^ Elle a vraiment tout ! Très curieuse de ton avis si tu le lis. Oui, elle parle des premiers habitants de l'île arrivés par la mer, venant d'Asie et du Pacifique, au cours des cinq premiers siècles de notre ère, puis de l'évolution démographique de l'île, de sa découverte par un Portugais en 1500 et de plein d'autres faits historiques précédents le couronnement de Ranavalo. Très intéressant et très instructif dès le prologue, sans blablas trop longs.:)
      Pour la longueur des noms, c'est surtout leur prononciation qui les rend plus courts (entre autres spécificités, il y a des accents toniques qui raccourcissent certaines syllabes), mais sinon, oui, ils ont un sens qui facilite en effet leur approche.

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    2. C'est une de mes biblis !
      Cela m'intéresse s'il y a la partie relative aux premiers habitants, chapeau ces gens là, tu vois l'aventure? Un peu comme les polynésiens, quoi.

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    3. Ah oui, mais comme je le précisais, c'est dans le prologue et ça tient sur quelques lignes avec d'autres faits historiques, juste pour situer le contexte et l'histoire de l'île avant la période vraiment traitée. Ce n'est pas du tout le sujet du livre donc si c'est ce que tu en attends, tu risques d'être déçue.;) Pas d'aventures en mer, quoi.^^

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  3. Ne connaissant presque rien à Madagascar, son histoire et cette reine, voici un livre qui pourrait me plaire et certainement m'apprendre pas mal de choses.

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    1. Je n'ai aucune idée de sa réception si on ne connaît pas grand-chose de Madagascar, aussi je serais très curieuse d'avoir des retours de lecture.:)

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  4. J'aime beaucoup aussi ce genre de roman historique qui permet d'en savoir un peu plus sur un lieu (si possible éloigné de chez moi) et/ou une période. Au sujet des noms cela me rappelle une camarade de classe originaire de Madagascar. Je n'ai finalement jamais oublié son nom de famille justement parce qu'il est à rallonge...

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    1. C'est plus un essai biographique qu'un roman historique, mais ce n'est pas aussi austère qu'un essai et ça a la fluidité d'un bon récit historique (pas du niveau d'un David Grann, mais bon^^). C'est drôle mais je constate que tous ceux qui ont eu l'occasion de côtoyer des Malgaches ont été particulièrement marqués par leurs noms.^^

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  5. Le sujet est en effet intéressant, et tu sembles avoir vraiment passé un bon moment..

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    1. Un très bon moment de lecture, en effet.:)

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  6. merci pour ce billet ! je me souviendrai toujours d'une prof d'anglais remplaçante qui a écrit son nom malgache sur le tableau, il n'y avait pas moins de 20 lettres .. J'aime aussi quand les récits mêlent petite et grande histoire et j'ignorais tout des Reines de Madagascar. J'ai pas mal entendu parler de cette île car mes voisins profs y avaient enseigné plusieurs années.

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    1. Ah oui, 20 lettres tout de même, ça me semble particulièrement long là.^^ Il me semble que la moyenne est autour de 12. Il y en a de plus courts aussi.^^ J'aime beaucoup aussi les récits historiques en général et je pense continuer mon exploration côté Madagascar, en espérant en trouver d'aussi bons.

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  7. Je ne connais absolument pas Madagascar. Ce livre pourrait m'en apprendre beaucoup, mais je crois que je ne dois pas l'ajouter à ma PAL qui n'en peut plus ! Elle m'a fait promettre de la ménager !

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  8. Ayant connu des élèves de différentes origines, je ne trouve pas si long que cela le nom de la reine ;) Souvent d'ailleurs certains raccourcissent eux-mêmes leurs prénoms.
    Je ne connais rien de Madagascar, et je découvre grâce à ta chronique qu'il y avait une reine. Cela donne envie d'en savoir plus.

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    1. Oui, oui, il y a même le Palais de la reine, rénové récemment, qui se visite.:) Le nom de la reine n'est pas particulièrement long, non, comparé au nom d'un roi antérieur, Andrianampoinimerina.^^
      Oui, il y a des attitudes très différentes avec les prénoms étrangers. Certains tiennent à ce que ce soit prononcé correctement, d'autres sont là, faites comme vous voulez/pouvez, d'autres les raccourcissent pour (se) faciliter la vie. J'ai vu d'ailleurs une interview de Timothée Chalamet où les Américains lui demandaient, "mais donc la prononciation, c'est "timoteeille", pas "timothy"???" Et lui de répondre, "Timothy, Timothée, Tim, Timmy... comme vous voulez".^^

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  9. Je suis étonnée de ne jamais avoir entendu parler de cette reine ! Bon à ma décharge je connais peu de choses sur Madagascar et je n'ai lu que quelques rares romans pour ado à une période où je voulais agrandir le champ des lectures des collégiens en recherchant des histoires qui se passaient ailleurs dans les colonies ou pas. Je suis certaine que j'apprendrai beaucoup en le lisant moi qui lis si peu de documentaires ou de romans historiques...Je vais le noter au cas où il soit dans une de mes médiathèques

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    1. Elle a été populaire à son époque et reste icônique à Madagascar, mais elle ne fait plus l'actualité depuis des décennies, ce qui est le cas de bien des personnalités historiques de par le monde, donc pas très étonnant que, de nos jours, peu de gens aient entendu parler d'elle.^^ Très curieuse de ton retour de lecture si tu le trouves dans tes médiathèques.

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  10. Comme d'autres, j'en connais si peu ! Tu as réussi à intriguer tout le monde je crois :) Et je comprends que le livre ait pu avoir une résonance particulière pour toi.
    (il est trop gentil Timothée Chalamet ^^)

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    1. C'est un livre que j'ai bien été contente de trouver. J'appréhendais sa lecture en même temps que j'étais très curieuse, mais finalement c'était très fluide (pour moi) et j'ai beaucoup appris vraiment. Mais ça ne résonnera probablement pas de la même façon chez d'autres.:)
      (c'est une crème, ce garçon^^)

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