DANS LE DÉSERT
(lu en novembre 2018)
Julien Blanc-Gras, écrivain-voyageur chouchou depuis que j'ai lu Touriste, a bien réussi à me traîner dans le froid glacial du Groëland, son style unique animé par un grand sens de la dérision valant toutes les doudounes du monde. Il pouvait bien me convaincre de le suivre dans le désert, son style unique animé par un grand sens de la dérision ne manquerait sûrement pas de me rafraîchir.
Je n'aurais pas été très difficile à convaincre de toute façon, pour suivre qui que ce soit dans le désert, celui qui évoque les Mille et une nuits. Enfin, suivre de derrière les pages d'un livre car j'avoue que ce n'est pas vraiment un de mes rêves de voyage. Ça reste malgré tout une destination assez fascinante, intrigante et méconnue, comme il le souligne lui-même si bien, et en découvrir davantage culturellement sur ces pays (par livre interposé) est toujours une occasion à saisir :
"On en parle beaucoup de ces pétro-monarchies du Golfe, et on n'en parle pas beaucoup en bien. Elles sont accusées, pêle-mêle, d'acheter la France, de financer le terrorisme, d'opprimer les femmes, de pratiquer l'esclavage et de s'accaparer les meilleures pièces du magasin Vuitton des Champs-Élysées. On en parle surtout de loin et j'ai envie de voir de plus près."
Plus qu'un voyage, Julien Blanc-Gras n'a pu nous offrir cette fois qu'un survol culturel de la péninsule arabique, du Qatar à Oman, en passant par Dubaï. Je minimise mais malgré les difficultés qui se sont imposées à lui au court de ce séjour, il a réussi tout de même à le rendre aussi vivant, dépaysant, intéressant et instructif que possible. Il m'aura toutefois habituée à plus d'humour et de dérision. Leur manque serait peut-être à mettre sur le compte de sa frustration à ne pas avoir vraiment réussi à entrer en contact de manière satisfaisante avec les locaux. Impossible par ailleurs de mettre le pied en Arabie Saoudite qui n'accepte pas le simple touriste. Quant au Bahreïn, l'accès lui en a tout bonnement été refusé. Il y a de quoi être déçu. Et pour le lecteur aussi, il y a du coup une petite déception quand on s'attend à parcourir le désert de tous ces pays, plus si désertiques depuis que le gaz et le pétrole y font leur loi.
Des extraits qui parlent d'eux-mêmes :
"Je ne me heurte pas à de l'hostilité, plutôt à une réserve, une distance qui affirme sans ambiguïté : n'entre pas dans cette zone, je ne veux pas être ton ami. Tous les vents que je me prends commencent un peu à m'agacer.
Écrire un livre de voyage, c'est une déclaration d'amour. On égratigne parfois, on ironise, on témoigne des saloperies ou des absurdités dont on est témoin, mais on vante surtout des charmes, on dissèque la beauté, on tente de transmettre des bouquets de sensations. On passe des mois dessus, c'est un signe d'engagement, une preuve d'affection. Si tu ne te donnes pas un minimum, petit Qatar, comment veux-tu me séduire ? Tu es fermé à double tour. Montre-moi comment t'aimer. Notre histoire est partie du mauvais pied.
Je ne l'enterre pas tout de suite, mais si tu persistes à bouder, je vais finir par m'éloigner. [...]"
"Chère Arabie saoudite,
Je serais bien venu prendre le thé chez toi, seulement voilà, tu es le seul pays au monde qui ne délivre pas de visa touristique. Le seul. Même la Corée du Nord admet quelques voyageurs sous étroite surveillance. Ce qui fait de toi, de manière officielle, le pays le plus xénophobe de la planète.
Paradoxalement, tu accueilles beaucoup d'étrangers. Il est possible de pénétrer sur ton territoire pour travailler, faire du business et effectuer le pèlerinage à La Mecque. Je n'ai pas d'argent à investir et je ne suis pas musulman, tu ne me laisseras donc pas entrer. C'est dommage [...]."
Bon, il faut croire que ces gens n'ont pas envie qu'on les dérange tout simplement, ils ne demandent rien à personne et ne sont pas avides de déclaration d'amour ni de témoignages à tout prix sur leur mode de vie...
Et sur une note plus légère, le genre de remarques qui me plaît chez cet auteur :
"On ne s'imagine pas à quel point un vernissage peut être ennuyeux sans alcool. Les petits fours ont beau être de qualité supérieure, il manque le lubrifiant nécessaire pour supporter les affres de la mondanité."
Un récit de voyage au goût un peu amer et qui ne donne pas envie d'aller y voir de plus près soi-même mais ce livre vaut tout de même le détour pour l'originalité du périple et la rareté des récits de voyage consacrés à ces pays.
Également commenté par Keisha.
Désolée, ma chère, ma JBG est MON chouchou et je ne le partage pas ! Lol ! J'attends avec impatience la sortie en format poche de ce livre pour l'acheter... et le garder. Me voilà prévenue des quelques réserves qui finalement, ne sont pas étonnantes et donc réellement "témoignantes". Mais le désert, il y en a partout et c'est vraiment à vivre. J'ai vécu celui de l'Algérie et comme la Mauritanie est de nouveau ouverte aux touristes, elle est dans mes projets évidemement !
RépondreSupprimerOui, tu as raison, on ne pourra pas reprocher à l'auteur de broder pour essayer de rendre son récit plus "sensationnel", c'est vraiment le reflet de la réalité telle qu'il l'a vécue, avec ses échecs et ce qu'on pourrait en déduire.
SupprimerQuant au désert, je me suis mal exprimée mais en réalité, c'est une destination que j'aimerais faire mais plus côté Maghreb (Maroc, etc). Par contre, toute la région de la péninsule arabique (le désert dont il parle) me tente bien moins, voire pas du tout.
Quand je pense qu'un ex de la salle de muscu est parti là bas (arabie saoudite) pour y travailler (avec sa femme je suppose) j'aimerais bien avoir leur ressenti...
RépondreSupprimerOui, un peu façon On a marché dans Pyongyang d'Abel Meiers ! C'est vrai que ce serait intéressant.
SupprimerJe me suis rendue compte, en lisant ce livre, que je mélangeais un peu tous ces états de la péninsule arabique. J'y vois plus clair maintenant (c'est toujours ça de gagné) mais m'en souviendrais-je longtemps ?...
ah je mélangeais tout aussi et je m'en souviens à peine (un peu quand même)… je me souviens surtout que j'avais adoré cette lecture !
RépondreSupprimerC'est toujours plaisant de sortir de ce genre de livres en ayant le sentiment d'avoir bien assimilé la répartition géographique d'un coin du globe, genre on est incollable maintenant alors qu'on était une brêle sur le sujet auparavant, mais que c'est rageant de s'apercevoir qu'on a presque tout oublié des mois plus tard.^^
SupprimerJ'adore ses récits de voyage mais je suis moins fan de ses réflexions sur la paternité.
RépondreSupprimerIdem ! Enfin, je n'ai pas (encore ?) lu ses livres autour de la paternité mais d'emblée, ça me botte moins.
SupprimerMon message n'est pas passé. Je crois que je disais, que ça me ferait une bonne leçon de géo. Malgré les bémols je reste tentée.
RépondreSupprimerOui, c'est toujours ça de pris avec ce genre de récit.^^ Idéal pour joindre l'utile à l'agréable.
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