mardi 11 février 2014

PRINTEMPS NOIR


PRINTEMPS NOIR

D'après le témoignage d'Alejandro González Raga

Le Printemps noir à Cuba désigne la vague d'arrestations opérée par les autorités cubaines en mars 2003 sur ses opposants les plus gênants. Parmi eux, des journalistes, des défenseurs des droits humains, des militants politiques. Alejandro González Raga fait partie du lot et ne sortira de prison qu'en 2008 "suite aux tractations de l'Union Européenne et de l'église cubaine, et grâce au soutien d'organisations telles que Reporters sans frontières et Amnesty International" qui s'associe par ailleurs à cette BD dont elle signe la postface :
"Son parcours est à la fois "banal" et extraordinaire. Banal parce qu'il n'est pas le seul à subir la répression et extraordinaire parce qu'ils ne sont pas si nombreux à oser parler, s'opposer et dénoncer."

Voilà donc une BD qui ne manquait pas d'intérêt à première vue. Une bonne opportunité pour plonger au coeur du régime castriste et du système cubain et en savoir davantage sur les conditions de vie sur cette île que son gouvernement nous fait croire paradisiaque, mais qui n'est que répression, surveillance permanente, liberté de mouvement entravée et contrôlée.

"Il n'y a aucun avenir ici et nos libertés reculent un peu plus chaque jour, et j'en ai marre de devoir me battre pour tout."

"Cuba m'apparut désormais, à moi aussi, comme une prison à ciel ouvert."

"A Cuba, avoir un procès équitable était presque impossible car les tribunaux étaient sous contrôle gouvernemental et les avocats étaient des fonctionnaires."

J'ai eu un petit peu peur en la feuilletant rapidement et en découvrant les dessins que je trouvais personnellement affreux, les a-plats de couleurs criards qui ne donnaient franchement pas envie d'aller plus loin, des traits peu soignés. Heureusement, j'ai dépassé ma révulsion et la force du récit était telle que j'en ai vite oublié "le décor" pour n'entendre que ce témoignage bouleversant. J'ai même fini par m'accoutumer au choix d'illustration (à ce stade, je me dis que c'est forcément un choix), chaque tonalité et couleur contribuant à une certaine atmosphère. Les photos intégrant la BD en cours de récit participent également à ancrer ce témoignage dans une réalité palpable, j'ai beaucoup aimé leur insertion au milieu des dessins.

Un témoignage en BD très réussi (juste dommage pour les illustrations donc). Les auteurs ont su le rendre clair, captivant, bouleversant, sans que cela verse dans le pathos.
J'ai aimé le ton de ce témoignage, juste et décrivant simplement la réalité des conditions de vie sur l'île. C'est le témoignage personnel d'un exilé mais sans volonté de se mettre en lumière, ni d'apitoyer le lecteur sur son sort. C'est le sort de l'île et de ses habitants, la tragédie de tout un peuple, qui sont soulignés. J'ai aimé l'humilité derrière la voix, j'ai été touchée d'entendre la simplicité d'un désir qui devrait être un droit : la liberté.
Et la fin m'a serré le coeur, quand je pense à tous ces exilés cubains, et à Cuba, la carte postale.

En parlant de son exil en Espagne :
"Mais pour moi, cela n'a jamais été une libération. Une libération aurait signifié rentrer chez moi, dans un pays libre."
"Ces libérations ne traduisent pas une meilleure prise en compte des droits de l'homme mais servent plutôt au gouvernement cubain de monnaie d'échange pour obtenir l'appui d'autres états et tenter de restaurer une image qui se dégrade depuis des décennies.
Aujourd'hui, la situation des réfugiés est très difficile en Espagne. Beaucoup sont sans emploi, sans ressources [...]. La crise économique qui touche le pays les frappe de plein fouet."

L'avis de Zarline.

Les auteurs : Maxence Emery (scénario) et Thomas Humeau (dessin)

A lire également sur Cuba, l'incontournable Avant la nuit de Reinaldo Arenas.

Intègre le   et le 

12 commentaires:

  1. Aujourd'hui, chez toi, souffle un vent de sérieux, dis donc!

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    1. Arrrrrête, je ne suis pas que délires !^^ Cela dit, quand je vois que Linkwithin ("Autres curiosités en passant") propose, en relation avec cette BD, "Chi, une vie de chat", je me dis que j'ai dû mal me faire comprendre....:-o

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  2. Une lecture intéressante apparemment.

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  3. Si le dessin est vraiment beurk, difficile de passer outre pour moi.

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    1. Bah, c'est très personnel les goûts en dessin, je ne suis pas la référence en matière d'appréciation.^^ Moi j'aime quand c'est assez classique. Pour dire, si je ne me suis toujours pas lancée dans Betty Blues de Dillies, c'est parce que j'ai vraiment du mal avec les dessins.;-) Ma première réaction en l'ouvrant, c'était "beurk".;-)

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  4. Plusieurs mois après ma lecture de cette BD, je peine encore à dire si j'ai aimé. J'ai trouvé le témoignage vraiment intéressant mais en voulant coller au seul récit d'Alejandro, les auteurs limitent la portée plus générale du message... tout en peinant à rendre sa force à cette histoire personnelle. Dur dur de mettre des mots dessus, mais quelque chose m'a manqué.
    Les illustrations, on s'habitue et ça passe à mon avis un peu en second dans un tel récit qu'on lit plus comme un témoignage qu'une bd.

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    1. Aaaah mais c'est chez toi que j'avais vu cette BD ! Quand je l'ai vu à la bib', je n'arrivais plus à me souvenir où j'en avais entendu parler (ma pauvre mémoire...).
      Les témoignages, en BD ou autre support, surtout sur ces thématiques, c'est toujours assez difficile de résumer par "j'ai aimé/j'ai pas aimé". Généralement, on trouve ça intéressant, et ça touche ou non, et ça peut se borner à ça.:-) D'accord avec toi pour les illustrations qui finissent par passer en second plan, par contre j'ai trouvé le témoignage fort et efficace dans sa restitution simple d'une réalité cauchemardesque.

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    2. ;-) pour la mémoire. Et du coup, merci pour le lien.
      Je pense me replonger dans cette BD dans quelques temps; on verra si j'arrive à mieux cerner/accrocher à ce témoignage.

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    3. De rien pour le lien. C'est un livre dont j'ai vu peu d'avis et qui mérite tout de même le détour pour le sujet abordé. Possible qu'une relecture te fasse découvrir ce témoignage sous un autre angle. Tu me diras.;-)

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  5. Révulsion pour les dessins ! Eh ben ! Mais comme toi, je dépasserai cela car le sujet m'intéresse vivement, ayant déjà été à Cuba.

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    1. Ça te parlera encore plus alors, sûrement. Le sujet vaut en tout cas le détour, c'est clair. Quant aux dessins, c'est juste une affaire de goût.;-)

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