samedi 3 juin 2023

NOUS ÉTIONS LES ENNEMIS


THEY CALLED US ENEMY

( NOUS ÉTIONS LES ENNEMIS )

Repéré chez Violette, c'est davantage l'intérêt d'en apprendre davantage sur l'internement des Américains d'origine japonaise dans des camps pendant la Seconde Guerre mondiale que la renommée de l'auteur, George Takei, qui m'a attirée vers ce roman graphique. Oui, parce que, n'ayant jamais vu Star Trek, je n'avais aucune idée du nom de l'acteur qui y a tenu le rôle de ce fameux Sulu que je ne connaissais pas non plus.

Qu'importe finalement qu'on le connaisse ou non ! 
George Takei a pu profiter de sa notoriété pour diffuser au plus grand nombre ce fâcheux épisode de l'histoire américaine longtemps passé sous silence et son histoire qu'il nous partage ici est aussi celle de milliers de Nippo-Américains encore sous le coup de ces expériences traumatisantes.

"Adolescent, je me suis intéressé aux camps d'internement. J'ai cherché dans mes livres d'instruction civique et d'histoire mais il n'y avait rien sur l'internement des Nippo-Américains. [...] Je n'arrivais pas à faire coïncider ce que je lisais dans les livres, sur les idéaux brillants de notre démocratie, avec l'incarcération que j'avais vécue durant l'enfance."

La vie de George Takei, né en 1937 de parents d'origine japonaise installés à Los Angeles, se voit bouleversée en 1942, après l'attaque de Pearl Harbor qui va entraîner les États-Unis dans la guerre contre les Japonais et provoquer une véritable psychose chez les Américains qui voient alors tout citoyen d'origine japonaise comme des ennemis, "inassimilables". "Ils sont japonais et rien d'autre... Peu importe combien de générations sont nées en Amérique."
Le gouvernement instaure alors des lois visant à limiter leurs droits puis prend des dispositions plus drastiques au printemps 1942 en les expulsant de force de leur foyer et en les plaçant dans des camps d'internement de fortune.
"Cette mesure a été prise sans procès, sans jury. Elle n'était basée que sur la race, car ces 120 000 personnes étaient des Américains d'origine japonaise."
Une véritable tragédie pour ces Nippo-Américains.
"La plupart n'avaient jamais mis les pieds au Japon et se sentaient complètement américains. Que leur gouvernement les soupçonne d'allégeance avec l'empereur en raison de leur race était à la fois insultant et irritant."

C'est en 1946, "après quatre longues années d'une vie derrière les barbelés" que ce traitement ignoble prend fin... mais pas le traumatisme vécu par toutes ces familles, en particulier par leurs enfants internés en bas âge qui n'auront pas vraiment connu d'autre environnement que les clôtures en barbelés et pour qui la (ré)adaptation à la vie normale ne se fera pas sans difficulté.

C'est une expérience de vie relatée à hauteur d'enfant et complété par un regard d'adulte.
J'ai beaucoup aimé les réflexions de George Takei sur la manière étonnante dont la mémoire des enfants filtre la réalité pour en occulter toute l'horreur.

"Les souvenirs d'enfance sont les plus incertains. Doux et pleins de joie, ils sont souvent très éloignés de la réalité."

"Notre enfance continuait de s'accompagner de circonstances grotesques et anormales qui finiraient par nous sembler normales."

Mon avis Goodreads
Ça m'ennuie de ne mettre "que" 3/5 étoiles à ce roman graphique que je classerais volontiers dans les incontournables pour son sujet, mais la narration était peut-être trop linéaire et plate pour véritablement me bouleverser ou capter mon attention tout le long.
À lire malgré tout pour se documenter et/ou en découvrir davantage sur le sujet et ses répercussions traumatiques sur des milliers de familles nippo-américaines.

Les auteurs
Récit de George Takei avec Steven Scott et Justin Eisinger.
Dessin de Harmony Becker.

18 commentaires:

  1. Le sujet m'intéresse beaucoup. J'ai visité l'un de ses camps lorsque j'étais aux Etats-Unis et c'est ainsi que j'ai découvert ce pan de l'histoire Nippo-Américaine. J'ai lu le roman de Julie Otsuka qui traite du même sujet et, plus récemment, un polar intitulé Ma sœur est morte à Chicago. Ce qui est triste, c'est que la même histoire se répète partout. Au Japon notamment, les "Zaïnichi" (étranger) sont très mal vus. Il est très difficile d'obtenir la nationalité japonaise. Je viens de terminer la pentalogie d'Aki Shimazaki qui évoque cette histoire. Par exemple, après le tremblement de terre de Kanto, les Coréens résidant au Japon ont été accusés de brûler des maisons et massacrés par la police et l'armée. On pourrait bien sûr citer des tas d'exemple de persécution, d'enfermement ou de pogroms, aux quatre coins du monde et tout au long de l'histoire. Un autre roman que j'ai lu cette année, "La terre qui erre" concerne encore les Coréens. Des populations installées depuis des décennies en Russie orientale ont été déplacées de force en 1937 pendant la guerre soviéto-japonaise. Les Soviétiques avaient peur de les confondre avec de potentiels espions Japonais...

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    1. Je me souviens de ton billet sur Ma soeur est morte à Chicago que j'avais noté et que j'espère bien lire prochainement. C'est clair que ce schéma ne date pas d'hier et se retrouve un peu partout dans le monde, hélas. La préférence nationale est une prise de position quasi naturelle, mais quand s'y greffe le racisme primaire, là ça peut prendre des proportions démesurées. Le chômage, les guerres, n'arrangent rien et suscitent la méfiance, voire la haine, il faut bien des boucs émissaires... Et ce qui est terrible aussi, c'est que ça se répercute sur plusieurs générations... Merci pour tes références littéraires ! J'en ai découvert de bonnes aussi sur le traitement des Coréens au Japon après la Seconde Guerre mondiale et pendant des décennies dans Tokyo Detective de Jake Adelstein (lu tout récemment mais pas encore chroniqué).

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    2. je ne connais pas l'œuvre de Jake Adelstein. Je suis curieuse de lire ta prochaine chronique sur le sujet.

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    3. Mon grand coup de coeur, c'est son premier livre, Tokyo Vice, dans lequel il était encore un tout jeune journaliste d'investigation au Japon. C'est moins enthousiasmant par la suite - forcément, il a pris de la bouteille - mais ça reste toujours très intéressant sur la culture japonaise.

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  2. Je suis ravie d'avoir suscité une envie de lecture ! J'avais beaucoup aimé...

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    1. Merci à toi d'en avoir parlé ! Je ne l'aurais peut-être pas repéré aussi vite.

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  3. Je suis une fan absolue de Star Trek donc je connaissais cet acteur.....comme je me suis retrouvee devant un film qui parlait de cette partie de l'histoire US, il y a bien longtemps (il y a eu aussi des camps pour les allemands bref pas beau pas beau)
    PS: tiens le bouton est revenu yessss

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    1. Aah en temps de guerre, il y a beaucoup de pas joli joli...:(
      George Takei raconte aussi dans cet album comment il en est arrivé à joué dans Star Trek et comment cela a aussi changé sa vie.:)

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  4. Oh, j'ai vu Star Trek et je connais Sulu ! Incroyable, je ne savais pas qu'il avait fait un roman graphique, je note même si je connais déjà ce genre d'histoires et pas grave pour la narration linéaire !

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    1. Enfin, c'est un roman graphique basé sur son récit, mais le scénario à proprement parler a été mis entre les mains d'autres personnes.:) C'est un album assez copieux et riche d'informations qui enchaîne les faits historiques et l'histoire de George Takei, c'est peut-être pour ça que ça m'a donné cette impression de narration linéaire un peu désincarnée.

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  5. Je l'avais déjà noté et je lirai la bd dès que j'aurai mis la main dessus...

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    1. Très curieuse de ton avis quand tu l'auras lu ! (j'ai supposé que l'anonyme juste avant ce commentaire, c'était toi, du coup je ne l'ai pas publié pour que ça ne doublonne pas^^)

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  6. Ben moi je ne connais pas George Takei... ^_^
    Mais le thème m'intéresse vivement, même si j'ai quelques notions, avec Certaines n'avaient jamais vu la mer.

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    1. Ah oui, je l'avais lu et beaucoup aimé ! L'exil reste toujours une thématique forte.

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  7. Il me semble que je l'avais repéré aussi, tu fais une piqûre de rappel ! Et je ne connais pas non plus star trek donc c'est vraiment le sujet qui m'intéresse.

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    1. On finit par s'intéresser à l'acteur en lui-même et à cette série qui a changé sa vie. Je suis allée voir sur Youtube quelques extraits dans lesquels il apparaissait.^^

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  8. Apparemment, ce qui a joué un rôle dans cette décision d'internement (sans en être la cause unique, bien sûr!), c'est "l'aventure" d'un pilote japonais ayant bombardé Pearl Harbor, qui n'a pas pu rejoindre son porte-avions mais a atterri dans une île proche d'Hawaï, où il a été aidé par trois personnes y résident, l'une "issei" (née au Japon), les deux autres "de seconde génération" (nisséi, nées sur place)... ["incident de Niihau"].
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

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    1. Probable qu'il y a eu un ou plusieurs événements déclencheurs en effet, mais la généralisation de l'internement à tout Américain d'origine japonaise était tout de même assez extrême et abusive.

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