THE WAGER

THE WAGER

        A TALE OF SHIPWRECK, MUTINY AND MURDER

( LES NAUFRAGÉS DU WAGER )

       UNE HISTOIRE DE NAUFRAGE, DE MUTINERIE ET DE MEURTRES

Bon, je confirme. David Grann, auteur chouchou ! 

Qu'un auteur parvienne à me passionner pour une histoire en mer, une histoire de bateaux, une histoire de marins, c'est un sacré tour de force car ce n'était pas gagné, je suis assez rétive à ces thématiques. Je ne me suis d'ailleurs embarquée que parce que David Grann était aux commandes et je n'ai pas regretté le voyage. Il a vraiment l'art de raconter et de rendre ses récits captivants, vivants et enthousiasmants. Dès les premières pages, j'ai subitement eu envie de visiter un musée de la marine ! 😆

Qu'un auteur parvienne en plus à me passionner deux romans-récits de suite, le premier lu étant la formidable Note américaine qui avait déjà placé la barre haute, ça relève de l'exception, donc chapeau bas !

Pour ce nouvel opus, le sous-titre nous plonge tout de suite au coeur de ce récit historique. En 1740, le Wager, navire de guerre britannique, 250 officiers et hommes d'équipage à bord, est envoyé au sein d'une escouade en mission secrète pour piller les cargaisons d'un galion de l'Empire espagnol au large de l'Amérique du Sud. Après avoir franchi le cap Horn, le Wager fait naufrage. Échoués sur une île désolée, les quelques malheureux qui ont survécu à cette traversée infernale et au scorbut tentent de s'organiser pour affronter leur nouveau quotidien dans des conditions extrêmes, l'île étant soumise à un climat particulièrement rude, glacial et pluvieux, et n'offrant quasiment aucune ressource vitale (Koh-Lanta, ils peuvent aller se rhabiller ! 😆). 

La situation exacerbe les tensions, révélant la nature humaine dans ce qu'elle peut avoir de plus sombre face au désespoir. Certains en viennent à des "extrémités" et l'autorité du capitaine est remise en cause par quelques-uns. Les derniers survivants finissent par réussir à quitter l'île et atteindre le Brésil, en deux groupes distincts, le premier d'une trentaine de personnes, accueillies en héros pour avoir survécu de façon aussi improbable à toutes leurs mésaventures, et, quelques mois plus tard, le deuxième, de trois personnes, qui accuseront les premiers de mutinerie. 

Une fois rentrés en Angleterre, tous devront faire face à l'Amirauté et au grand public pour sauver leur honneur et répondre de leurs actes.

Au-delà de l'histoire en mer qui est déjà fascinante (et éprouvante) et qu'on pourrait lire comme un roman d'aventures palpitant, le récit revêt des atours de véritable thriller thrillant alors qu'on observe les réactions sur l'île de ces officiers et marins habitués à la hiérarchie et aux codes d'honneur de l'armée navale. Comment maintenir un semblant d'ordre et de civilisation là où les circonstances les rendent quasi impossibles ? Qui survivra dans ces conditions cauchemardesques ? Qui finira par succomber à ses démons et commettre l'irréparable ? Le règlement auquel ils sont soumis en mer est-il toujours en vigueur dans ce contexte exceptionnel ? Sont-ils toujours sous l'autorité du capitaine ? Doivent-ils continuer à lui obéir malgré son inaptitude à les sortir de ce pétrin ? Et lui-même, quelles décisions doit-il prendre ? Suivre coûte que coûte les ordres de la Couronne et mener à bien la mission ou préserver la vie de son équipage ? 

Qu'aurions-nous fait à leur place, en proie au désespoir, au froid extrême, à la famine ? Une question peu évidente qui donne toute une dimension universelle au récit.

Dans le doute, certains continuent de décrire dans leurs journaux leur quotidien sur l'île, ceci dans l'éventualité où ils pourraient s'en échapper et rentrer en Angleterre. Et c'est là que c'est particulièrement intéressant aussi, car David Grann nous laisse juge de la façon dont se sont réellement déroulés les événements en nous livrant le résultat de ses recherches documenté par les journaux des protagonistes. Ceci soulève pas mal de réflexions sur la subjectivité des récits qui présentent forcément un éclairage partial de la réalité, d'autant plus qu'ici, chacun voit midi à sa porte et prend soin, consciemment ou non, de ne pas se donner un trop mauvais rôle dans l'histoire. Le récit dans son ensemble s'articule en effet autour du point de vue de différents membres de l'équipage, issus de milieux sociaux divers, dont John Byron, le grand-père du poète, qui n'avait que 16 ans à l'époque ! Ça m'a donné le tournis de me dire que tout cela est vraiment arrivé, que les personnages ont existé.

Enfin, la tension monte encore d'un cran une fois rentrés en Angleterre. Quel sera le jugement de l'Amirauté et du grand public face aux accusations de chaque partie ?

La fin m'a quelque peu déroutée même si satisfaite dans une certaine mesure (j'avais pris parti, je crois 😅). Avec le recul, je trouve la façon dont s'est soldée cette affaire plutôt cohérente, remise dans le contexte de son époque, mais attention mini-spoiler ça m'a quand même fait l'effet de pétard mouillé.

Quelle puissance narrative et que de réflexions suscitées en tout cas ! David Grann arrive à bien nous immerger dans l'univers de l'armée navale et des marins en nous dépeignant toute une époque entre les lignes, celle de l'impérialisme britannique qui se voit au sommet de la civilisation, condescendant envers les indigènes, et pourtant, il suffit d'un rien pour qu'elle s'écroule et qu'eux-mêmes deviennent les vrais sauvages. Il a extrêmement bien documenté son récit tout en lui insufflant une fibre romanesque avec son lot de tension et de suspense. Il cite tout le long des journaux de bords ainsi que des sources juridiques et littéraires, mais le tout est très bien dosé et rend le récit encore plus riche et intéressant. J'ai appris énormément en tout cas. Notamment que la mer, ce n'est vraiment pas pour moi. Juste la plage. 😆

Et puis c'était tellement visuel et cinématographique. De quoi faire du grand spectacle ! D'ailleurs Scorsese et DiCaprio se sont encore emparés du projet d'adaptation sur grand écran !

J'ai été franchement épatée par le travail de recherche de David Grann à la lecture de ses notes. Dire qu'il est allé jusqu'à passer trois semaines sur l'île ! Et sa photo d'un morceau de l'épave m'a pas mal secouée.

On peut compter sur lui en tout cas pour écrire des récits formidables sur n'importe quelle thématique je crois, aussi il est certain que je vais continuer à le lire.

LC avec Stéphanie et Sarah. Également commenté par Claudialucia.