traduit de l'allemand par Rose Labourie
Malgré l'excellent souvenir que je garde de L'ultime question de Juli Zeh lu il y a un moment (quinze ans ! 😱), je ne suis pas revenue à cette autrice depuis. Peut-être la crainte de ne pas être aussi enthousiasmée par ses autres romans.
J'ai fini par répondre à l'appel de ce livre qui se présentait, résumé très brièvement, comme une histoire de voisinage. Ah ça, c'est une thématique qui me parle énormément ! J'aime assez ces contextes de petites communautés qui vivent quasi en vase clos et où l'on observe le quotidien et les interactions entre voisins, leurs querelles, les conflits, les embrouilles, les rivalités, les petits secrets mais aussi les élans de solidarité qui les soudent entre eux. C'est évidemment plus palpitant encore quand tout cela préfigure un meurtre, façon whodunit, mais même sans meurtre, je me régale vraiment de ce genre d'ambiance.
On a encore mieux ici d'ailleurs, car c'est une véritable partie d'échecs pleine de suspense qui se déroule sous nos yeux entre les villageois avec, en jeu, un projet de parc éolien qui pourrait rapporter gros à son propriétaire. Qui sera-t-il ?
C'est à Unterleuten, petit village du Brandebourg, une des contrées les plus précaires d'ex-Allemagne de l'Est, que Juli Zeh développe son intrigue et, ainsi que le décrit si bien la quatrième de couv, "fait de ce thriller rural contemporain une grande fresque sociétale". On y retrouve les villageois de souche qui fonctionnent presque en autarcie, règlent tout entre eux-mêmes et ne voient pas les changements d'un bon oeil et encore moins l'arrivée des nouveaux venus, des citadins berlinois las de la ville, qui voient dans la vie à la campagne un nouveau départ. Ils sont pleins de bonne volonté pour s'intégrer au village, mais ils n'ont pas les codes.
Je me suis beaucoup amusée de leurs interactions. Ce roman présente une galerie de personnages truculents aux relations explosives, impossible de ne pas ricaner tout le long ! L'intrigue se développe un peu sur fond de politique, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé habituellement, mais j'ai bien aimé le contexte qui, finalement, s'est révélé très intéressant.
Les chapitres alternent les points de vue des différents protagonistes, j'ai beaucoup aimé cette construction narrative. Juli Zeh dépeint parfaitement la psychologie des personnages (sans parler de la chienne !), c'est par moment franchement jubilatoire ! Des personnages hauts en couleur, certains que l'on prend en sympathie très rapidement, d'autres qui nous énervent bien vite, d'autres encore qui nous touchent... Tout un panel de personnages auxquels on finit par s'attacher et que l'on voit évoluer sous le regard lucide et la plume ironique de l'autrice qui joue ici la carte de l'humour et de la dérision.
La fin prend une tournure un peu plus dramatique, mais tout reste très cohérent. J'ai beaucoup aimé l'épilogue qui éclaire encore ce récit d'un autre point de vue, tout en concluant l'histoire avec brio.
Un excellent Juli Zeh, peut-être avec quelques longueurs par moment (intrigue un peu étirée), mais ça reste bien rythmé, avec des rebondissements inattendus et du suspense tout le long quant à la tournure des événements. On ne s'ennuie pas une seconde. Il est très différent de L'ultime question qui était davantage dans la veine du thriller psychologique, je n'ai pas souvenir d'avoir ri autant qu'ici, mais j'avais été bien bluffée. Je suis en tout cas très satisfaite de ce retour à l'autrice. Il faut vraiment que je lise ses autres romans !
Extraits
"Quand les adeptes de la protection des données s'emportaient dans les journaux contre la surveillance sur Internet, Kron ne pouvait s'empêcher de rire. Il suffisait d'aller dans un village lambda pour comprendre ce qu'était vraiment une société à la Big Brother."
"Elena estimait que le maquillage n'était pas nécessaire dans la première moitié de la vie d'une femme et ne servait plus à rien dans la seconde."
"Même sur place, il avait du mal à s'y retrouver dans la galerie de portraits d'Unterleuten. Quand il était à Berlin, le village devenait un roman de Dostoïevski où chaque personnage était accompagné de la question : qui c'est déjà, celui-là ?"
Intègre le Défi lecture 2024 (2/30/100) => catégorie 71 (un livre qui a la même couverture en grand format et en édition de poche).
C'est aussi mon premier pavé de l'année !
Une autrice que je n'ai pas lue ; je n'hésiterai pas si l'occasion se présente.
RépondreSupprimerElle vaut le détour, du moins pour les deux romans que j'ai lus, mais visiblement ses autres romans ne déçoivent pas non plus.
SupprimerAprès un billet laudateur je ne sais plus où (ah Sacha sans doute), je l'avais remis sur ma liste et emprunté (oui, je l'ai ici!). Bon, va falloir vraiment, maintenant.
RépondreSupprimerAh ben si ta bibli l'a, n'hésite pas ! Je lis, je blogue l'avait lu aussi il y a deux ans.
SupprimerJ'ai beaucoup apprécié ce roman choral. D'ailleurs, j'adore les Clochemerle moi aussi. Je me régale de ces histoires de de petites communautés, les tensions, les discordes, etc. J'ai découvert Juli Zeh grâce à Brandebourg justement et je me suis dis que je continuerai de suivre cette autrice. Apparemment Unterleuten a été adapté en série télévisée en Allemagne et a été diffusé sur ZDF
RépondreSupprimerhttps://allemagnest.hypotheses.org/2489
J'ai retrouvé ton billet dont j'ai rajouté le lien. Je découvre le terme Clochemerle avec toi, c'est tout à fait ça ! Je n'avais pas la réf, comme on dit.;) On en apprend tous les jours.^^ C'est vrai que ce livre se prête bien à une adaptation télévisée, mais j'ai l'impression que c'est quand même plus savoureux en roman.
SupprimerAh, c'est l'éternelle question du livre ou du film ! Merci pour le lien.
SupprimerAvec plaisir.:)
SupprimerOh j'adore cette autrice aussi (deja lu Corpus delicti et coeurs vides, j'avais adores) et j'avais prevu de lire justement ce roman d'elle...j'adore sa facon de traiter des themes assez fort dans une sorte de delires futuristes (vraiment coeurs vides est l'exemple meme)....bref tu me rappelles ce livre merci...;)
RépondreSupprimerAaah je note tout particulièrement Coeurs vides alors. J'avais prévu de lire Nouvel an, un de ses plus récents, son dernier traduit même, il me semble, et La Fille sans qualités qui était noté sur ma LAL à l'époque où j'avais lu L'ultime question.
SupprimerAlors je viens de verifier....car j'etais presque sure que c'etait "coeurs vides son dernier" (2022), nouvel an (2019)...donc tu as une double excuse pour le lire....;)
SupprimerAh oui en effet, c'est Coeurs vides son dernier traduit en France, mais il a été publié en Allemagne (2017) avant Nouvel an (2018).^^
SupprimerOooh okidou....tout s'explique...lol...donc a lire nouvel an...;)
SupprimerOui, moi j'ai les deux à lire. 😆
SupprimerUne autrice que tu me donnes envie de découvrir, il y a quelques titres à la BM... (mais pas celui-ci)
RépondreSupprimerJe pense que tu peux foncer sur l'un ou l'autre des titres disponibles dans ta bibli sans trop de risques.:)
SupprimerJe ne connais ni l'auteure ni le livre, mais tu dois envie de le(s) découvrir...
RépondreSupprimerAlors n'hésite pas !;)
SupprimerDe cette autrice, j'ai aimé Nouvel an, Décompression et Corpus delicti... mais il me reste à en découvrir quelques-uns, dont ce Brandebourg qui t'a bien plu !
RépondreSupprimerIl me reste à découvrir tous ceux que tu as cités ! 😆
SupprimerJ'ai découvert l'auteure avec ce roman l'année dernière, et j'avais beaucoup aimé.
RépondreSupprimerDifficile de ne pas aimer ce roman.:) J'ai retrouvé ton billet et rajouté le lien.
SupprimerJ'ai adoré ce roman, comme Nouvel An d'ailleurs, et je pense me fixer comme objectif de lire un Juli Zeh par an 😊!
RépondreSupprimerBonne idée ! Maintenant que j'ai renoué avec l'autrice, je pourrais faire de même. Nouvel an au prochain nouvel an, pour commencer.^^
SupprimerSi tu aimes les histoires de voisinage, je te conseille Propriété privée de Julia Deck. J'avais beaucoup aimé ! https://lescoupsdecoeurdegeraldine.com/2019/11/propriete-privee-de-julia-deck.html
RépondreSupprimerAh oui, je raffole même de cette thématique.^^ OK, noté pour Julia Deck. Je vois que j'avais commenté ton billet d'ailleurs.:)
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