BUNGALOW

Je n'ai pas résisté longtemps à la perspective de retrouver Julien Blanc-Gras dans un récit de voyage, en famille cette fois. Quatre mois de pérégrinations pour changer les idées de sa compagne en plein burn-out, faire vivre à son jeune fils une expérience culturellement enrichissante et "lutter contre l'encroûtement qui guette les hommes de son âge". Le projet ? Un tour de l'Asie du Sud-Est, "destination commode pour barouder avec un enfant (de neuf ans), sûre, peu coûteuse et gorgée de splendeurs" (et qui tombait à pic pour le challenge des littératures d'Asie du Sud-Est^^). Rien de vraiment planifié, un atterrissage à Bangkok, et ensuite, à voir au gré de leurs envies, quitte à étendre leur projet initial jusqu'à la Corée (pays natal de sa compagne qui a été adoptée bébé et n'a jamais remis les pieds là-bas) ou/et au Japon.

Au final, ils auront traversé la Thaïlande, le Cambodge, le Laos, le Vietnam, la Corée et le Japon.

"Nous avons bourlingué à pied, à vélo, à scooter, en tuk-tuk, en bus, en train, en pirogue, en ferry et en avion. [...] Nous avons dormi chez l'habitant hospitalier, dans des guesthouses familiales, des studios minuscules, des hôtels cosy, des motels louches, des tentes étouffantes, des auberges de jeunesse, des cabanes perchées dans les arbres et dans toutes sortes de bungalows [...]."

J'ai trouvé que c'était plus un récit de famille qu'un récit de voyage. Un récit de famille en voyage, disons, plus qu'un récit de voyage en famille (mais ça change pas mal de choses^^). Julien Blanc-Gras, en parent impliqué et en époux concerné, observe et commente quasi autant sur sa femme et son fils que sur les pays qu'ils visitent, et sa famille est vraiment au centre du récit.

On traverse en quatre mois toutes ces destinations qui me parlent et m'intéressent, mais voilà, on traverse plus qu'on n'y prend le temps. Il y a peu d'échanges authentiques avec les locaux (en famille, c'est plus compliqué), pas d'esprit d'aventures vraiment (encore une fois, en famille, c'est plus compliqué), des visites et un périple assez touristiques en fin de compte, même si l'auteur s'attache à s'isoler des villes au profit des villages quand cela est possible. Côté découvertes culinaires locales (mon bavoir était prêt), ce n'était pas foisonnant non plus, à mon plus grand regret. Bon, déjà, on a un gamin qui préfère les kébabs et le McDo, ça n'aide pas.😅

On ne s'ennuie pas une seconde, cela dit. Julien Blanc-Gras a toujours ses élans sarcastiques et son sens de l'(auto)dérision qui me réjouissent toujours autant. Il faut dire qu'on (je) le lit aussi un peu (beaucoup) pour ça. Ce récit est aussi traversé, outre d'observations pertinentes comme de coutume, de réflexions plus personnelles, autour du droit au bonheur, entre autres, et de dilemmes de parents, telle la question épineuse de visiter ou non les sites de souffrance avec son enfant de neuf ans (le musée du génocide de Tuol Sleng au Cambodge par exemple). 

Tout pesé, c'est un récit qui reste très sympathique et intéressant. 

Extraits

"Si on se laissait aller à des généralisations hâtives, on pourrait être tenté d'affirmer que tous les douaniers sont des gros bâtards fieffés gredins."

"Au moment de me rendre mon passeport, il dit d'une voix douce : "It's two dollars for the stamp, please." Voilà, lui au moins, il me vole poliment."😆

"Des records de températures ont été enregistrés ces derniers jours dans la région, jusqu'à 45 degrés. Le changement climatique gâche notre voyage. Notre voyage contribue au réchauffement. Dissonance cognitive, bonjour."

"[...] un sujet qui me titille depuis notre départ. On ne se mélange pas assez. Quand je voyage seul, je n'ai que ça à faire : me lier. C'est pour ça que je pars. Voyager à plusieurs, en famille, c'est former une bulle. Une bulle dont il n'est pas si simple de s'extraire et que les autres ne vont pas chercher à percer."

De retour en France

"Nous reprenons nos journées en tant qu'individus et non comme cellule tripartite."

Lu dans le cadre des