( LE MONDE INVERTI )
Bluffée par Le Prestige du même auteur, Christopher Priest, qui s'était révélé là comme un véritable magicien de l'intrigue, j'étais très curieuse du Monde inverti qui a lancé son succès et remporté le prix British Science Fiction du meilleur roman en 1974.
"J'avais atteint l'âge de mille kilomètres" (650 miles en anglais), c'est ainsi que s'ouvre le premier chapitre. Ça peut paraître impressionnant mais cela ne correspond en réalité qu'à l'âge de 17 ans (déduction faite après de savants calculs de ma part, élaborés au fil des pages^^).
Quel est donc ce monde où le temps écoulé se mesure en distance ? C'est à travers le jeune Helward Mann, mille km donc, que nous le découvrirons. Devenu apprenti dans la guilde du Futur, il a enfin le droit de sortir de la Cité-Terre où il a grandi sans avoir eu accès au monde extérieur jusque-là, le système des guildes maintenant le reste des habitants dans l'ignorance de la réalité qui les entoure, pour leur sécurité.
C'est que leur ville est en perpétuel mouvement, une nécessité quelque peu contraignante, mais leur survie à tous en dépend. Elle est tractée sur des rails dans une tentative de la rapprocher de "l'optimum", un point géographique où le temps et l'espace sont les plus semblables aux conditions de vie sur la planète Terre. En dehors de ce point d'équilibre, ce monde manifeste d'étranges distorsions de l'espace-temps et y traîner trop longtemps pourrait s'avérer fatal à la ville et ses habitants.
Quel monde étrange et fascinant que celui dans lequel nous plonge l'auteur ! Un monde déroutant avec ses propres règles, ses propres usages, très différent du nôtre et en même temps, étrangement semblable malgré tout.
Si, au départ, j'étais tout de même sceptique parce que, pendant des pages et des pages, l'auteur nous décrivait le processus laborieux de la tractation de la ville qui consiste en fait à déconstruire les rails derrière la ville pour les reconstruire à l'avant, puis activer un système de câbles pour déplacer la ville (illustration du processus en couverture), et que je me disais "mon dieu, mais quelle vie ! Pourquoi s'imposer ça ?" 😆, ce qui, bien sûr, et heureusement, sera finalement révélé plus tard (et là, coup de massue !), les choses ont fini par prendre forme (pour le sens, on attendra la fin^^) alors qu'on découvre les caractéristiques de ce monde bien curieux en même temps que le jeune apprenti, ce qui était très appréciable et assez palpitant même, l'imagination fébrile de l'auteur nous interrogeant tout le long.
Qui sont ces hommes et ces femmes condamnés à un tel sort ? Quelle est donc cette planète ? Quelle est leur histoire ? Leurs ancêtres ont-ils dû s'exiler de la Terre après un de ces cataclysmes inéluctables ? Ou bien sont-ils toujours sur la Terre, une Terre qui aurait subi des transformations radicales ? Ou bien ?(^^)
Au-delà de ces interrogations liées à l'intrigue en elle-même, la vie au sein de la Cité-Terre suscite bien des réflexions autour de questions et de thèmes sociétaux, tels l'éducation des masses fondée sur des préceptes mensongers et l'accès au savoir par une minorité, représentée ici par les guildes (aucune femme parmi eux, bien sûr), ou encore les droits fondamentaux à la liberté entravés par des obligations de sécurité décidées par une minorité.
Mais ce qui m'a complètement cueillie ici, c'est la notion de perception de la réalité sur laquelle je ne m'étendrai pas sous peine de spoiler, mais ça a été un des grands moments de cette intrigue. Assez dément même.
Si j'ai adoré la révélation finale, la fin en elle-même m'a paru un poil abrupte par certains aspects. Quelques facilités d'auteur regrettables, mais pardonnables.^^ L'intrigue était assez solide jusque-là pour ne pas s'effondrer.
Mon avis Goodreads pour résumer :
Tout à fait le genre de roman SF que j'adore ! Le genre qui défie l'imagination tout en posant un contexte assez simple mais très original, qui suscite moult réflexions, certaines assez philosophiques, et se termine en révélation claque !
Encore du grand Christopher Priest ! Je crois bien que je ne m'arrêterai pas là avec lui.
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