( DESARMADERO )
traduit de l'espagnol (Argentine) par Lise Belperron
Moi qui pensais me plonger au coeur de la ville dans toute sa dimension urbaine, tentaculaire et architecturale, je me suis retrouvée dans une histoire de gangs et de règlements de comptes.😅 Bon, la quatrième de couv l'annonçait un peu, mais elle insistait tellement sur la ville comme un organisme quasi vivant que je m'attendais un peu à un traitement différent.
" "Deux petits cons qui se bourrent la gueule et qui tout à coup ont envie de foutre la merde. Comme ça, pour rien. Et qui tuent. Qu'est-ce que tu voulais que je fasse ? Moi, je n'ai fait que te protéger." Et il a tué les gamins.
À partir de là, c'est tout l'équilibre de la ville qui est remis en question. Des voyous aux mafieux, des flics aux politiques, tous sont liés dans cette stabilité délabrée et fragile où chacun tente de vivre.
Avec une habileté incroyable dans la construction romanesque, Eugenia Almeida nous montre les désirs et les frustrations, les destins brisés, les vies multiples de ce qu'on appelle une ville. [...]"
Cette ville n'est d'ailleurs jamais nommée, mais elle pourrait bien être Córdoba, la ville de l'autrice, ce que semblent confirmer de rares indices disséminés ici et là dans le roman.
Tout commence donc par un événement qui pourrait paraître anecdotique, classique, un banal fait divers dans le milieu des gangs, mais tel l'effet papillon, il amorce une réaction en chaîne de toute une série de conséquences tragiques qu'exacerbera un quiproquo absurde, et là paf, effet domino, les problèmes se répercutent jusqu'à mettre la ville à feu et à sang quasi, impliquant toute une galerie de personnages explosifs. Un truc de dingue assez vertigineux que j'ai trouvé très finement élaboré !
J'ai beaucoup aimé l'écriture de l'autrice, toute en économie de mots, efficace, allant droit à l'essentiel. C'est même parfois lapidaire, voire elliptique, mais jamais cryptique. J'en ai, en tout cas, apprécié l'effet visuel et atmosphérique, comme un plan-séquence de flots de pensées, d'idées, d'images.
"Appels en absence. Messages. Corde au cou. Braise. Silence.
Une plume dans le feu. Quelque chose qui s'effondre. L'enfer qui s'installe, prend ses aises, gagne du terrain. La nuit, le petit jour. Des cigarettes dans une assiette en porcelaine. Des mégots. Une tache."
"Un minibar, la sensation de perdre pied, la pensée qu'il est peut-être déjà trop tard. Se lever du lit où il était couché. Regarder les horaires des vols, voir qu'il n'y a rien avant le lendemain. La certitude qui commence à se frayer un chemin dans son corps. Une sorte d'alarme. Mais peut-être qu'il exagère."
Bon, il y a bien sûr des phrases sujet-verbe-complément et plus si affinités, bien tournées, et les dialogues sont bien enlevés, des dialogues uppercut de big boss de gangs, de petites frappes et autres délinquants, de politiciens véreux, de flics corrompus, qui sonnaient très réalistes, à tel point que cela m'a surprise de la part de l'autrice. Les femmes aussi ont de la répartie, ça ne manque vraiment pas de vie.
Autre particularité : parfois, on rentre dans un chapitre qui s'ouvre directement sur des dialogues non introduits. Un peu comme si l'on entrait dans une pièce plongée dans l'obscurité et qu'on entendait des voix sans pouvoir y mettre de visages. C'est assez déroutant au début, puis à force de signes, on finit par deviner qui parle. On se félicite même quand, au fil des pages, cela nous devient tout naturel, comme si l'on avait développé un nouveau sens.😆Une expérience de lecture assez étrange sur ce point, mais pas désagréable une fois qu'on a pris le pli.
Mon avis Goodreads
Normalement, une histoire de casse et de gangs avait très peu de chance de me séduire, mais j'ai été bousculée par l'intrigue et admirative de sa puissance narrative (pourtant sans éclat, mais quelques effets percutants tout de même). Une grande Autrice ! Sûr que je ne m'en arrêterai pas là avec elle.
À méditer :
"Comment savoir jusqu'où s'enfuir si on ne sait pas ce qui nous poursuit."
Bon, alors, thème ville ou pas ?* J'ai du mal à y aller d'un oui franc. C'est un peu comme ces livres que l'éditeur qualifie de "thriller" au coin d'une ligne parce qu'il y a un peu de tension psychologique et que ça donne un goût de l'ambiance du roman, mais qu'un libraire pourrait aussi bien classer en fiction générale.
C'est en tout cas un roman noir vraiment bien mené et développé, jusqu'à la toute fin qui conclut magistralement cette intrigue et qui m'a laissée toute étourdie.
*[EDIT] Ingannmic a décrété que oui^^ donc cette lecture intègre Sous les pavés, les pages.
L'autrice
Eugenia Almeida est née en 1972 à Córdoba, en Argentine, où elle enseigne la littérature et publie des textes dans de nombreuses revues. L'Autobus, son premier roman, a reçu le prix Dos Orillas de Gijón, La Pièce du fond était finaliste du prix Rómulo Gallegos. Elle écrit également de la poésie.
Une autrice que j'aimerais bien lire, mais peut-être pas commencer par ce titre là.
RépondreSupprimerÇa faisait un moment que je voulais lire L'autobus de cette autrice et c'est toujours en projet, mais quand je suis tombée sur le résumé de La casse, je pensais que ce serait une belle opportunité pour le challenge urbain d'Ingannmic et Athalie.
SupprimerCela m'a l'air intéressant comme écriture, en tout cas. mais pas trop le temps actuellement! Le mois latino? ^_^
RépondreSupprimerBonne idée.:)
SupprimerEn lisant le résumé, je me suis dit que ce livre ne m'intéresserait pas forcément. Mais en lisant ton avis, je reviens sur mon idée de départ, car le style de l'autrice et la façon dont les éléments s'enchaînent pour faire boule de neige sont intéressants.
RépondreSupprimerOui, c'est précisément ce qui m'a séduit en fin de compte alors que départ, je pensais aussi que c'était assez mal parti.:)
SupprimerJ'avais lu L'autobus et beaucoup aimé son style minimaliste... J'étais censée la relire, et heureusement que ton billet me rappelle cette résolution !
RépondreSupprimerhttps://www.babelio.com/livres/Almeida-Lautobus/65487/critiques/49771
Ça fait des années que je veux lire L'autobus, mais mes biblis ne l'ont pas.:( Je ne regrette finalement pas d'avoir découvert l'écriture de l'autrice avec cet autre titre et ça m'a bien motivée à lire ses autres romans.
SupprimerOh effectivement...cela semble assez percutant....cela semble trop trop bien....
RépondreSupprimerJe pense que ça pourrait beaucoup te plaire, en effet.:)
SupprimerJ'ai lu L'Echange et L'autobus que j'avais beaucoup aimés. Je me souviens d'une tension terrible, surtout pour L'Echange...
RépondreSupprimerTu me fais rêver ! Ça fait des années que je veux lire cette autrice, mais mes biblis n'avaient aucun de ses romans jusque-là. Quand je suis tombée sur La casse, j'ai sauté sur l'occasion.
SupprimerEt donc, je récupère le lien ou pas ? :) Une autrice déjà repérée chez Actu du noir, je crois. En général, je suis attirée par les polars argentins, toujours très sombres...
RépondreSupprimerC'est vrai que c'est bien sombre là.:) Pour le lien, j'avoue que je ne sais pas.^^ J'avais choisi ce livre spécifiquement pour votre activité à Athalie et toi, et j'étais bien contente de ma trouvaille, mais finalement, je n'ai pas trouvé la thématique ville si flagrante, même si on ne peut pas dire non plus qu'elle soit complètement absente.
SupprimerDans le doute, il faut toujours dire "oui", donc je récupère !!
SupprimerSur ce coup-là, je me fie à ton bon jugement.:) Après tout, l'éditeur a choisi l'angle de la ville dans sa présentation.
SupprimerA priori, une histoire de casse et de gangs, ce n'est pas mon truc, mais je suis très intriguée par ce tu dis de la construction narrative et l'effet de lecture qu'elle provoque. Allez hop, je note l'autrice pour commencer !
RépondreSupprimerC'était pour moi une expérience de lecture assez inédite et vraiment très plaisante. Je n'en reviens pas encore d'écrire ça à propos d'une histoire de casse et de gangs.^^ L'autrice vaut vraiment le détour, oui.
SupprimerJ'avais repérée cette autrice pour Le (dernier) mois latino mais j'avais ensuite été prise par le temps. Voilà que je m'en mords les doigts 😉. Mais je vais réparer ça dès que possible!
RépondreSupprimerElle n'a pas tant de livres que ça traduits en France, mais j'ai l'impression que tous valent le détour. Je compte en tout cas poursuivre mon exploration de ses oeuvres. Ça pourrait être l'occasion d'une LC.;)
SupprimerJe ne connais pas l'auteure, mais malgré ce que tu en dis, une histoire de gangs, je ne pense pas que ce soit pour moi.
RépondreSupprimerJe n'ai pas l'impression non plus que tu y trouverais ton compte.:)
SupprimerJe ne me serais pas spontanément tournée vers une histoire de gangs mais tu rends le roman tellement intrigant que je le note, notamment pour l'écriture de l'autrice.
RépondreSupprimerTu peux peut-être tenter un autre roman de cette autrice si l'histoire de gangs ne t'emballe pas trop. J'ai l'impression qu'on y retrouve le même style d'écriture au vu des commentaires de celles qui ont lu ses autres livres.
SupprimerA priori, les histoires de gangs ect, pas trop pour moi !
RépondreSupprimerJe comprends. Je n'y serais pas allée bien volontiers si ce n'était pas signé de cette autrice.
SupprimerComme à toi, à priori, le thème ne me plaît pas mais tu me donnes envie de le lire. Ou peut-être un autre du même auteur?
RépondreSupprimerFranchement, j'ai beaucoup aimé celui-ci (contre toute attente), mais je ne doute pas que ses autres romans soient aussi percutants. Je compte revenir vers elle très prochainement d'ailleurs.
SupprimerTu titilles ma curiosité avec cette autrice que je ne connais pas. J'aime bien cet éditeur pour les polars, souvent il a de très bon choix...Les extraits sont parlants et ma foi l'économie de mots ne me rebute pas du tout, je crois même que son style serait une belle découverte. Il faut juste que je le trouve en médiathèque
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup le catalogue de cet éditeur, quelle que soit la collection, et je n'ai en effet pas été déçue ici. J'espère que tu pourras trouver cette autrice en médiathèque, ce titre ou un autre. Elle a un style qui vaut vraiment le détour.
SupprimerJ'avais bien aimé ce roman et cette particularité des débuts de chapitres.
RépondreSupprimerJe n'ai pas retrouvé de billet sur ton blog, dommage ! Mais j'ai peut-être mal cherché.
Supprimerje ne l'ai pas lu mais le style et l'histoire ont l'air pas mal du tout (j'aime bien quand lire se transforme en une sorte d'expérience différente pour le lecteur)
RépondreSupprimerJe pense que ça pourrait bien te plaire. Je serais en tout cas très curieuse de ton avis si tu le lis.
SupprimerEn fait ce qui me gêne c'est que lorsque l'on parle et écrit sur ces pays d'Amérique Latine c'est souvent en parlant gang et drogue. Mais si ce n'est que le "prétexte"...pourquoi pas découvrit cette auteure.
RépondreSupprimerC'est vrai que c'est un thème récurrent, le reflet d'une certaine réalité sans doute, même si ces auteurs ne s'interdisent pas de parler d'autres choses.^^ Ici le traitement est assez inédit, c'est vraiment ce qui m'a plu, et il n'est d'ailleurs pas question de drogue mais de vol de voitures (ça change un peu^^). Il me semble que ses autres livres traitent d'autres sujets. Peut-être commencer par l'un deux pour découvrir l'autrice ?
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