mardi 1 décembre 2015

REBECCA


REBECCA

Pfooouaaah ! Roman multi-claques là encore une fois, après mon expérience de lecture mémorable du Puits de solitude de Radclyffe Hall !

Claque : ce roman n'a rien à voir avec ce que j'ai toujours cru que c'était, càd, ce que j'appelle de la littérature féminine. Je n'y voyais tout de même pas, comme Enna, une sorte de roman à l'eau de rose type Harlequin, mais j'imaginais quand même du léger et romantique, au mieux quelque chose d'austenien (même si j'ai beaucoup de respect pour cette dame, je me comprends). Je ne sais pas d'où je me suis forgée cette image, le titre peut-être, le nom de l'auteure aussi, des fois on fait de ces associations..., l'enthousiasme général des lectrices probablement (peu croisé de lecteurs dans le lot). C'est toujours avec beaucoup de réticence donc que j'envisageais de m'y aventurer un jour, et très dubitative que je m'y suis finalement lancée.

Claque : quelle atmosphère angoissante, inquiétante, glaçante par moment ! Un récit d'une intensité psychologique hypnotique, qui a ce quelque chose de noir et sinistre. On frôle le thriller psychologique ! Et ça c'est une méga claque qui a mis en pièces tous mes préjugés. J'aurais dû m'en douter d'ailleurs, sachant que Hitchcock s'est emparé du scénario. 

Claque : l'écriture, le style de l'auteure, son habileté à dresser avec profondeur et réalisme un portrait psychologique saisissant de ses personnages. Pour situer le contexte, Max de Winter, riche veuf et homme de la haute société épouse une femme de 20 ans plus jeune que lui et de milieu social très modeste. Elle s'installe alors chez lui, à Manderley, une grande demeure encore hantée par le souvenir de son ex-épouse, Rebecca. J'ai trouvé le personnage de Mme de Winter épatant de réalisme, très convaincant. Je l'imaginais et la comprenais parfaitement, sa gaucherie, sa timidité, son manque de confiance en elle, ses craintes, ses doutes, son complexe d'infériorité. Il y a eu des passages qui m'ont d'ailleurs fait mourir de rire tellement elle était pathétique dans son attitude. Parfois même, j'étais mortifiée pour elle. De même, on se figure parfaitement le personnage de Max de Winter, énigmatique et torturé. Mais les autres n'étaient pas en reste, jusqu'aux domestiques, dont l'inquiétante et glaçante Mme Danvers. 

Claque : la mise en scène et la construction du récit. J'ai adoré la façon dont l'auteure mélangeait subtilement les rêves éveillés de Mme de Winter et le moment présent, brouillant les pistes et créant ainsi une tension où l'on sent que le rêve peut basculer en cauchemar à tout moment. Et puis que de mystères ! Tout le long du récit, je me faisais des théories, j'essayais de comprendre ce qui se passait, ce qui avait pu se passer, entre autres à la lumière des premières pages, essayant de soutirer des informations ici et là. J'étais partie loin dans mon imagination ! C'est assez fort ce suspense inquiétant que l'auteure parvient à instaurer dès le début sans que rien ne laisse vraiment entrevoir le véritable drame qui est le moment clé du récit.

Claque : une intrigue maîtrisée, bluffante, habilement développée, avec des rebondissements qui vous feraient frôler la crise cardiaque et des révélations et coups de théâtre qui mettent vos nerfs à rude épreuve. Jamais je n'ai pu deviner ni même envisager ce qui s'était réellement passé, jusqu'à la toute fin, où tremblante, l'estomac noué, appréhendant la vérité, je découvrais avec tout le monde les archives du médecin (la méga claque ici, j'avais failli m'évanouir de peur juste avant).

Claque : que de réflexions j'ai pu mener sur ces personnages qui m'ont hantée longtemps. J'étais pleine de ce livre tout au long de ma lecture. Quel talent, quel génie et quelle imagination pour réussir à faire de cette Rebecca le personnage principal de son roman jusqu'à immortaliser son nom en titre, tandis que de Mme de Winter, on ne saura finalement jamais le prénom.

Rebecca m'a évoqué par moment un conte aux accents Grimmesques dans ses aspects noirs, cruels et inquiétants. On y retrouve un peu de Cendrillon, de Barbe-Bleue,  de la Belle et le Bête, et j'en passe. Oui, il y a définitivement quelque chose de l'ordre du conte qui explique aussi peut-être l'enthousiasme du lectorat féminin, mais c'est tellement noir, subtil, fin, astucieux, psychologique, que tout comme il faut voir dans les contes plus qu'une gentille histoire pour enfants, il faut voir dans Rebecca plus qu'une romance gothique à destination des lectrices. Hitchcock l'aura bien vu.

Une lecture dont je me suis régalée, qui m'a fait passer par toutes sortes d'états, en particulier sur la fin (c'est fou comme on en arrive à prendre partie pour certains personnages), un sacré page-turner, bref, je me rallie à l'enthousiasme général : à lire, à lire, à lire !

L'auteure
Daphne du Maurier est une romancière anglaise née en 1907. Son oeuvre la plus connue est certainement Rebecca, parue en 1938 et saluée par la critique. Trois de ses écrits ont été portés à l'écran par Alfred Hitchcock : L'Auberge de la Jamaïque (1936), adapté au cinéma sous le titre "La Taverne de la Jamaïque" en 1939, Rebecca, adapté en 1940, et Les Oiseaux (1952), adapté en 1963.

Intègre  

38 commentaires:

  1. Ah oui, j'ai pris une claque aussi : quel roman d'une richesse!! et une ambiance! On se met effectivement bien à la place de la nouvelle Mme De Winter et cette ombre de Rebecca qui plane au-dessus de Manderley... Du grand roman ! ;-) (merci pour le clin d'oeil ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Du grand roman, du grand art ! Un de mes plus grands plaisirs de lecture de l'année !
      Et de rien pour le clin d'oeil. J'étais tellement rassurée (et très amusée) quand je suis tombée sur ton billet. Je m'étais dit que je n'étais pas la seule à m'être fourvoyée. Étrange quand même cette image qu'on a pu avoir de ce roman !

      Supprimer
  2. Hé bé! Tu aurais raté quelque chose, hein, en restant sur l'idée d'une nunucherie sucrée! Tu comprends qu'en VO je n'ai pas lâché les 50 dernières pages -je voulais savoiiiiiiiir. Quelle atmosphère aussi. Tu l'as dit, si Hitch lui même l'a adapté, c'est que le super potentiel était là!
    Ton billet est d'anthologie aussi!!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Nunucherie sucrée hahaha ! Oui, c'est vraiment l'idée que je m'étais faite de ce roman. Bon, peut-être pas nunucherie mais sucrée quand même.;-)
      C'est clair que je serais passée à côté de quelque chose ! Pfiou, heureusement que je prends le temps de céder à la curiosité, hein.;-) C'est pour ça que parfois, les challenges, ça a du bon quand même. C'est comme les LC, c'est le coup de "chauffe" nécessaire.;-)

      Supprimer
  3. Je l'ai lu il y a un bon moment, peut-être même relu... J'ai adoré aussi L'auberge de la Jamaïque.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mais je crois bien que je vais tous les lire ! Et même si j'ai vu Les oiseaux de Hitchcock (dont il me reste un très vague souvenir), je lirais bien la nouvelle dont le film a été adapté.

      Supprimer
  4. Moi c'est avec Le général du roi que j'avais pris une claque, car la couverture d'époque laissait clairement penser à un roman à l'eau de rose. Que nenni! DdM sait parfaitement construire ses personnages et ses intrigues, elle a un talent fou! j'avais aussi beaucoup aimé Les oiseaux. Tu me redonnes sacrément envie de lire Rebecca.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Voilà, c'est peut-être certaines couvertures qui m'ont mal orientée aussi ! Le général du roi ! Je note ! Comme je disais plus haut, je crois bien que je vais tous les lire. Du Maurier a un talent fou, c'est clair, j'en redemande, j'en redemande !

      Supprimer
  5. OK. Message reçu. Je crois que je ne dois pas le laisser dormir sur mes étagères celui-là...!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh nononononon, ne fais pas l'erreur que j'ai faite, n'attends pas plus longtemps ! Mais quelle chance tu as de pouvoir encore découvrir ce récit !!

      Supprimer
  6. Il est dans ma pal. J'avais tellement aimé "Ma cousine Rachel". Il est rare de te voir enthousiaste à ce point, tu me donnes envie de m'y plonger au plus tôt... avant 2018 quoi ;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pfffrt... pas avant 2018... Ce roman ne mérite pas d'attendre aussi longtemps. Hitchcock n'a même pas attendu deux ans après sa parution pour l'adapter !;-) En tout cas, moi je compte lire tous les DdM, donc il va falloir que je m'y attèle dès 2016.;-)
      Ah oui, je suis rarement aussi enthousiaste, c'est vrai, mais là c'était un plaisir de lecture tel que je ne pouvais le contenir.:-)

      Supprimer
  7. Okay, j'ai vraiment loupé une coche en ne faisant pas cette lecture blogoclub. J'ai plus ou moins les mêmes a priori que toi sur l'auteur et justement, je me réjouissais d'avoir l'excuse d'une lecture commune pour enfin me lancer. Mais j'ai une grosse panne de lecture (un nouveau petit boutchou qui hurle beaucoup n'est pas étranger à l'affaire) et du coup, je n'ai pas pu être au rendez-vous.
    Vu ton billet, il va vraiment falloir que je me motive à découvrir cet auteur très vite.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oooh le petit boutchou est arrivé !! Hé bien félicitations ! Je te souhaite beaucoup de bonheur à venir ! Bon, dommage pour la LC, oui, c'était une belle occasion mais maintenant tu sauras que tu peux te lancer sans crainte (ça me rassure et m'amuse beaucoup que tu aies eu les mêmes a priori que moi sur Daphne du Maurier. C'est dingue quand même ces préjugés qu'on a eus !).
      En parlant LC, j'ai commencé (et fini) Gros-Câlin de Romain Gary.;-)

      Supprimer
    2. Merci A girl!
      Pour les a priori, je sais que de mon côté, c'est probablement à cause du prénom de l'auteur. Daphne, j'ai toujours trouvé que ça faisait nunuche (et là je prie pour qu'aucune Daphne ne se dissimule derrière un pseudo de la blog ;-))
      Pour Gary, ben pareil que pour du Maurier, je suis à l'arrache. J'essaie de m'y mettre pour le fin de l'année, ça va pour toi?

      Supprimer
    3. Hahahaha oui c'est vrai, Daphne, ça fait tellement héroïne de roman rose.;-) Ça ne rend vraiment pas justice au talent, à la finesse et à l'intelligence de du Maurier. Très joli prénom en passant. Je pense que ça a dû jouer aussi pour moi, sans compter certaines couvertures qui évoquent vraiment la bonne grosse romance alors qu'on en est loin loin loin.
      Pas de souci pour Gary, tu me dis quand tu es prête. Je n'ai pas encore rédigé mon billet.:-)

      Supprimer
  8. Tu me donnes envie de le relire direct !!!

    RépondreSupprimer
  9. Une grande différence avec tes aprioris effectivement. J'aurai voulu être une petite souris pour te voir lire ce livre. On en reparlera peut-être un jour (du livre) parce qu'avec une critique comme ça on a bien envie de le lire.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'étais tellement pleine de ce livre que j'en parlais tous les jours à ma collègue (elle l'avait lu et avait vu le film aussi). J'adore quand mes lectures se passent comme ça, quand elles me font vibrer autant et que je pourrais passer des heures à en parler.
      J'espère que tu le liras prochainement, je suis sûre que tu sauras l'apprécier, et j'adorerais en discuter avec toi.:-)

      Supprimer
  10. Des années que je dis que je vais le lire...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah oui là il faut passer le cap.;-) Surtout parce que ça vaut vraiment le détour.

      Supprimer
  11. rho mais oui, c'est une splendeur ce roman, il est dans mon top 10 des romans les plus importants, lu récemment (il y a 2 ou 3ans) avec les mêmes a priori que toi et le même transfert d'étapes, et la même méga claque ;-) (et même au pluriel).
    Encore une fois: archi d'accord avec toi A Girl
    A lire, à lire, à lire ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est fou ces a priori quand j'y pense. On est finalement assez nombreuses à les avoir (eus). Tu vois, là justement, le prénom lui a peut-être porté préjudice, à notre du Maurier ! Elle se serait appelée Simone, ça faisait tout de suite moins rose...;-)

      Supprimer
  12. Quel chef d’œuvre!!! :-) J'aime beaucoup la fin ! Qui croire ???????

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Une sacrée manipulatrice cette Daphne du Maurier. On ne s'en méfie pas assez.;-) Oui, un chef d'oeuvre, lâchons le mot !

      Supprimer
  13. Ton enthousiasme me fait plaisir et le roman le mérite bien. Je n'ai rien à rajouter, c'est un grand roman que tout le monde devrait avoir lu !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. 100% d'accord ! Dire que j'ai été réticente... J'espère ne pas être en train de passer à côté d'autres incontournables pour cause de préjugés stupides !

      Supprimer
  14. Comme je suis contente de lire ce genre de billet :) J'aime beaucoup Daphné du Maurier et je trouve que les vieilles éditions du livre de poche lui collent parfois une étiquette un peu trop "harlequin" justement! Je te conseille La chaîne d'amour, mon préféré.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. La chaîne d'amour ? Pfouaah ! Moi qui pensais avoir répertorié tous les préférés des uns et des autres avec "Ma cousine Rachel", "L'auberge de la Jamaïque", et "Le général du roi", et m'en sortir à bon compte, voilà que tu me sors un nouveau titre ! Mais bon, c'est là où je vois que je lui fais une confiance totale, à Daphne du Maurier, car je suis prête à lire tout ce qu'on me recommande d'elle !:-) Et je me frotte les mains d'avance à l'idée de tous ces romans qui ne manqueront pas de me faire vibrer, j'en suis sûre !:-)

      Supprimer
  15. J'ai lu pas mal de bouquins de cette auteure à une époque. J'en ai aimé plusieurs comme celui-ci ou "L'auberge de la Jamaïque".
    Bonne semaine.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est une bonne nouvelle ! Je sens que je vais me régaler avec tout ce qu'il me reste à lire de l'auteure ! J'ai hâte de me replonger dans son univers !
      Bonne semaine.

      Supprimer
  16. Et en plus (je viens d'aller vérifier sur Amazon, ce n'est même pas un pavé ! Alors je note et je renote, car tu donnes fichtrement envie, et il est grand temps que je me penche sur mon absence de culture à propos des classiques !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oh ne t'inquiète pas, je me croyais moi-même au point, pensant avoir fait un large tour des classiques tout en étant bien consciente de mes lacunes, mais là, grosse claque avec mes préjugés sur Daphne du Maurier. C'est pas me pencher que je devrais faire moi, c'est plonger la tête dedans, haha !

      Supprimer
  17. Ah mais moi ce n'est pas me plonger, mais me noyer ! Je crois que mon cas est bien pire que le tiens, car tu chroniques tout de même pas mal de classiques avec tes lectures communes !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui c'est vrai, et j'ai lu vraiment beaucoup de classiques plus jeune. J'ai arrêté un temps justement, pour diversifier mes lectures, mais là ça faisait des années que je n'étais pas retournée côté classiques, donc j'essaie de m'y remettre tout doucement.

      Supprimer
  18. Et bien voilà, lu ! J'ai globalement bien aimé. mais j'avais gardé en tête les avis plus qu'élogieux de mes blogos copines, donc je sais pas, je ressens comme une petite déception. Je m'attendais à plus angoissant, plus terrifiant en fait. Mais bon, contente de l'avoir lu, de m'être "culturée" ! euh, lu en audio au fait !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah ben zut alors ! J'étais quasi convaincue que tu serais transportée et conquise par ce roman toi aussi. Bon, tu en attendais peut-être trop suite à tous les billets enthousiastes. C'est toujours le risque. Mais c'est sûr que ce n'est pas un roman d'horreur ou d'épouvante façon Stephen King par exemple. Ça joue davantage sur la tension psychologique, de façon plus subtile et fine que la terreur ou l'angoisse brute.

      Supprimer

Merci pour votre petit mot. Les commentaires sont modérés par défaut, mais j'y réponds toujours.