mercredi 30 mars 2022

LA FRONTIÈRE DE VERRE


LA FRONTIERA DE CRISTAL
       UNA NOVELA EN NUEVE CUENTOS

( LA FRONTIÈRE DE VERRE 
       ROMAN EN NEUF RÉCITS )

traduit de l'espagnol (Mexique) par Céline Zins

Mon premier Carlos Fuentes, un des grands auteurs classiques mexicains ! J'avoue que j'y suis allée peu rassurée, réticente même. J'avais l'image d'un auteur sérieux, à l'écriture exigeante, peu accessible, très littéraire, ou littéreux comme j'aime à dire, académique. Et pourtant, on me le recommandait tout de même comme un écrivain génial, ce qui était tout de même intrigant. J'ai donc épluché sa bibliographie et les avis pour me trouver un roman où je ne prenais pas trop de risques, pas trop épais, et surtout, sur des thèmes qui me parlaient. J'ai finalement opté pour ce roman en neuf récits dont la quatrième de couv m'a convaincue que je pourrais y trouver mon compte :
"Tissés entre eux, les neuf récits qui composent ce roman sont comme des fragments de l'âme des Mexicains. On y croise un homme d'affaires sans scrupule amoureux de sa belle-fille ; un chef cuisinier horrifier par la déliquescence culinaire aux États-Unis ; une vieille femme raciste qui emploie des bonnes étrangères ; un laveur de vitres immigré au sommet d'un building où travaille une Américaine.
Tout semble à la fois les séparer et les rapprocher, hormis peut-être cette frontière de verre, celle qui sépare le Mexique des États-Unis.

Parfois on ressent de l'antipathie pour quelqu'un sans le connaître vraiment, c'est une question d'ondes, de feeling, de ressenti qu'on ne contrôle pas par rapport à ce que dégage cette personne. Parfois nos intuitions sont bonnes, et d'autres fois, au gré d'un échange fortuit, on se rend compte qu'on a beaucoup plus d'affinités qu'on ne le pensait, et ça peut même aller jusqu'à, mais cette personne est super sympa en fait ! Ça m'a fait exactement ça avec Carlos Fuentes ! 
Je ne sais pas ce qui me faisait peur ou que je n'aimais pas chez lui, et qui s'est confirmé en plus à la lecture du premier récit où j'étais encore très auto-influencée, mais j'ai moi-même été sciée, au fur et à mesure de ma lecture, de réaliser que je le prenais de plus en plus en sympathie, que j'adhérais complètement à son écriture que je trouvais admirable, claire, précise mais sans maniérismes, et à sa façon de raconter les événements, que je me régalais de ses récits et qu'il avait beaucoup d'humanité dans son traitement de ces thématiques de la frontière et des migrations.

Oui, ce roman m'a vraiment épatée. Je ne m'attendais pas à quelque chose d'aussi accessible, et de profond et subtil en même temps. Sans parler de son sens de l'humour ! Car si Carlos Fuentes est bien un écrivain sérieux, il ne se prend pas au sérieux, et ça, ça change tout !
C'était en tout cas le livre idéal pour le découvrir, et peut-être toucher au plus profond de l'âme des Mexicains et mieux comprendre aussi leurs rapports aux États-Unis.

J'ai particulièrement aimé le récit avec le chef mexicain, cuisine oblige, et son "mépris des cuisines de triste profil, comme celle des États-Unis d'Amérique". 😆
"Avant d'avoir atteint l'âge de vingt ans, il avait décidé qu'il n'y avait que cinq grandes cuisines dans le monde : la chinoise, la française, l'italienne, l'espagnole et la mexicaine. D'autres nations avaient d'excellents plats [...] mais seule la cuisine mexicaine était tout un univers en soi." [Et moi qui ne connaissais quasi que les tacos, il a illuminé mes papilles des splendeurs culinaires régionales mexicaines que je ne soupçonnais pas et qui me donnent terriblement envie maintenant ! Le chilorio du Sinaola, le poulet aux herbes de la sierra de Oaxaca, les tamales du Michoacan, le bar au persil accompagné de langoustines de Colima, les croquettes de San Luis Potosí, et ce suprême délice qu'est le mole jaune de Oaxaca (je me note tout ça pour un futur vrai voyage au Mexique^^).] 
"Pour Dionisio, la cuisine mexicaine était une constellation à part, avec ses trajectoires propres dans la voûte céleste du palais, ses planètes, ses satellites, ses comètes, ses bolides, bref pareille à l'espace même, c'est-à-dire infinie."

Carlos Fuentes y fait même preuve d'autodérision et c'est dans ce récit en particulier que son sens de l'humour m'a le plus frappée :
"Combien de Mexicains, en revanche, parlaient correctement anglais ? Dionisio n'en connaissait que deux, Jorge Castañeda et Carlos Fuentes, ce qui, à ses yeux, rendait ces derniers fort suspects."

"Le dessert était une coupe du strawberry shortcake, mais dans sa version éponge de bain."

"Les auditeurs de "Bacchus" le regardaient comme s'il était fou et, pour démentir ses allégations, l'invitaient parfois dans un McDonald's après le cours, avec des airs de protéger un type qui a perdu l'esprit ou de venir en aide à un nécessiteux. Comment auraient-ils compris qu'au Mexique un pauvre, même s'il mange peu, mange bien ?"

J'ai beaucoup aimé aussi le récit intitulé "La frontière de verre" pour sa symbolique émouvante et sa métaphore très poétique de la frontière Mexique/États-Unis à travers l'histoire de ce laveur de vitres.
En réalité, quasiment tous les récits m'ont touchée d'une manière ou d'une autre. Ils étaient tous à la fois tristes et beaux, comme un blues qui vous noue la gorge et vous fend l'âme.

D'autres extraits :
"[...] puis, faisant montre de son audace et de son originalité - il n'était pas Leonardo Barroso pour rien -, la salive du fils encore sur les lèvres, il souleva une nouvelle fois le voile de la mariée - une beauté, Rosalba, tu avais raison ! - et lui planta un long et terrible baiser qui, franchement, n'avait rien de beau-paternel (ni même de parrainant)."

"Il a honte, dit-il. Ou plutôt, comme il dit : "Ça me fait de la peine."
La "peine" comme synonyme de "honte" est une particularité du parler mexicain, comme de dire "d'un certain âge" au lieu de "vieux" pour ne blesser personne, ou de dire de quelqu'un "il ne va pas bien" pour atténuer l'annonce d'une maladie mortelle. La honte fait souffrir ; la souffrance, parfois, fait honte."

"Mais les gringos n'aimaient pas notre cuisine. Mettre du chocolat dans le poulet leur donnait la nausée."
Lu dans le cadre du
🌶 Book Trip Mexicain => 3 points (thème classique + 368 pages)
     Total à date => 25 points

L'auteur
Carlos Fuentes est né à Mexico en 1928. Il a poursuivi ses études au Chili, en Argentine et aux États-Unis. De 1975 à 1977, il a été ambassadeur à Paris, où il avait longuement vécu auparavant. Tout en explorant le champ du roman, de la nouvelle, du théâtre et de l'essai littéraire, il a mené un nombre considérable d'activités culturelles dans les deux Amériques et écrit pour la presse américaine et européenne. Il est décédé en 2012.

18 commentaires:

  1. Je viens de relirm on billet sur l'instinct d'inez, le gros flop!!!
    https://enlisantenvoyageant.blogspot.com/2009/05/linstinct-dines.html
    Je pourrais lui laisser une chance?

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    1. Oui, vraiment ! Après je t'avouerais que les thèmes de L'instinct d'Inez ne me parlaient pas trop et que même maintenant que j'ai goûté et apprécié le style Fuentes, je ne suis pas sûre de m'y aventurer un jour.^^

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  2. J'avais lu L'instinct d'Inez, et aimé, sans déborder d'enthousiasme, (mais c'est loin !).

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    1. Comme je disais à Keisha, celui-là ne me tentait pas trop et ne me tente toujours pas, mais Fuentes a écrit bien d'autres choses que je suis prête à découvrir maintenant.:)

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  3. Oh cela fait 10 ans pour sa mort....ouiii tout un grand auteur....tant de choses a lire de lui...ouiii....;)

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    1. C'est vrai que ce sont les 10 ans de sa mort ! Je lirai peut-être un deuxième Fuentes pour l'occasion, tiens ! :)

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  4. Tu m'intéresses là, et pas qu'un peu !! Mais je ne comprends pas très bien : c'est un recueil de nouvelles ou un roman ?

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    1. Disons que chaque récit se lit comme une nouvelle mais ils sont liés les uns aux autres à travers les personnages que l'on retrouve parfois d'un récit à l'autre. Un peu comme si chaque chapitre d'un roman se focalisait sur chaque personnage le peuplant. L'intitulé "roman en neuf récits" correspond bien à ce livre en ce sens.:)

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    2. Cela m'intéresse d'autant plus, j'aime beaucoup ce type de construction.. à vrai dire, passée hier en librairie, il a déjà rejoint mes étagères !!

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    3. Top, j'espère que tu apprécieras ! Je précise bien tout de même que ce n'est pas un roman avec une intrigue de A à Z et un focus sur chaque personnage mais plutôt un roman autour d'une thématique (la frontière) que l'on explore à travers neuf récits autour de personnages ayant plus ou moins des liens entre eux.

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  5. Aaah, en choisissant sur la table de la librairie de l'exposition G.Iturbide, j'ai hésité entre Octavio Paz et Carlos Fuentes, je suis partie avec Octavio Paz ;-). Bien, ce sera pour une prochaine fois.

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    1. Octavio Paz me fait encore plus peur que Carlos Fuentes, haha, mais je crois que c'est parce qu'il est clairement poète.^^ En revanche j'ai repéré un roman plus dans mes cordes - absurde, ironie, humour noir - "Apportez-moi Octavio Paz" de Federico Vite, qui a de bonnes chances de me plaire, mais pas sûre de pouvoir le caser d'ici deux mois celui-là.^^

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  6. Ah là, tu me tentes et me parles bien !!!

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  7. Jamais lu cet auteur mais tu donnes envie !

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    1. Ce livre est un bon choix pour le découvrir.:)

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  8. Un auteur que je n'ai jamais lu... Mais, euh... du chocolat dans le poulet ???

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    1. Ahaha, oui, ça doit être plus une sauce au cacao qu'au chocolat, ou alors chocolat bien noir, et je suppose que c'est assez bien dosé, avec des épices et autres.^^ Je n'ai encore jamais eu l'occasion d'en goûter mais je suis assez curieuse !

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