lundi 25 juillet 2016

AMOURS : VOYAGE DANS L'INTIMITÉ DES ÉGYPTIENS


AMOURS

       VOYAGE DANS L'INTIMITÉ DES ÉGYPTIENS

Repéré chez Keisha, il me fallait ce livre qui s'annonçait culturellement instructif sur l'Égypte, et ce, de façon plutôt originale. En effet, l'auteure, Marion Touboul, voyage façon "J'irai dormir chez vous" (quand elle peut) d'Assouan au Caire, en passant par Port-Saïd, le mont Sinaï, et j'en passe, pour mener une enquête inédite sur l'amour dans ce pays. 
"Amours" au pluriel car ce n'est pas tout à fait la même chose d'une ville ou d'un village à l'autre. Les traditions sont similaires mais localement adaptées, les moeurs plus souples par certains endroits, les mentalités identiques mais avec des variantes.
Il ne s'agit par ailleurs pas juste d'amour entre homme et femme mais également d'amour familial, d'un pays, des traditions... (sur ce dernier point, j'ai été traumatisée par l'horreur de la réalité de l'excision...).
Et malgré le poids des traditions et de la société, il y a parfois (mais rarement) le désir individuel qui arrive à prendre le dessus et imposer ses envies, permettant à certains de suivre leurs ambitions, de vivre leur vie à leur façon, quitte à se couper de la famille.

Ce qui m'a dérangée, étrangement, c'est le côté littéraire de ce récit, avec de belles envolées descriptives, peut-être parce que je ne m'attendais pas à ça. Je m'attendais à quelque chose de plus neutre et factuel dans le ton, de plus journalistique, et je crois même que j'aurais préféré. Non pas que l'auteure n'écrive pas bien, au contraire, l'écriture est soignée, mais ça sonnait comme une tentative de romancer et d'enjoliver cette expérience comme pour compenser un manque de faits. Pas tout à fait roman, pas tout à fait non-fiction, je ne savais pas toujours par quel bout prendre ce récit. 

"Ils m'auraient donc certainement comprise quoique les termes me manquassent."

J'ai trouvé aussi qu'il y avait plus de parties récit de voyage, description des gens et des paysages, que témoignages bruts restitués. Ceux-ci sont d'ailleurs souvent résumés presque en quelques phrases ou quelques échanges, ce qui m'a un peu déçue. Certes, c'était très intéressant culturellement ce côté récit de voyage, mais je m'attendais davantage à... davantage de témoignages. 
Il est vrai toutefois que ce n'était pas si simple de faire parler ces Égyptiens sur l'amour, de leur soutirer quelque chose de particulièrement original, et que finalement, les réponses étaient à peu près souvent les mêmes : l'amour (l'affection, la tendresse, la complicité), c'est quelque chose qui vient (éventuellement) après le mariage (arrangé) (ou de raison).

"Pour me comprendre, il faut savoir une chose : en Égypte, amour et mariage sont deux choses bien distinctes. Il est rare d'aimer la femme qu'on épouse et il est encore plus exceptionnel d'épouser la personne qu'on aime..."

Ce qui m'a dérangée bis, c'est son interprétation constante de ce qui se passe dans la tête des gens qu'elle croise, et qui frôle parfois le jugement. Elle imagine beaucoup, prête des intentions, et explique des comportements suivant ses intuitions et ce qu'elle ressent, plus qu'elle ne se contente de restituer. Dans sa tentative de comprendre et d'analyser ce phénomène de l'amour dans la culture égyptienne, elle oblige presque le lecteur finalement à voir les choses à sa façon, selon son prisme à elle, l'Occidentale, sans laisser beaucoup d'ouverture à d'autres interprétations possibles.

"Un seul fait ne faisait pas de doute : sa femme et lui étaient parvenus à discuter. Le reste, je ne pouvais que le supposer."

Ceci dit, certaines de ses rencontres parviennent tout de même à remettre en question sa conception de l'amour et du bonheur, à secouer ses convictions, et à réaliser que l'Occident (contemporain) ne détient pas la vérité sur l'amour, la liberté et le bonheur.
En fait, cette enquête sur l'amour en Égypte m'a paru avant tout comme une quête personnelle de l'auteure sur l'amour en général, la quête de réponses à des interrogations personnelles. Pas la recherche de la meilleure recette du bonheur mais presque.

Malgré mes bémols qui sont juste le reflet de goûts et d'attentes très personnels qui ne sauraient engager que moi, un grand bravo pour ce périple, cette aventure sans filet, ce projet assez unique en son genre, ce récit de voyage vivant et vibrant sur fond d'actualités, et la récolte de ces témoignages.

L'auteure
Journaliste arabophone reporter d'images, Marion Touboul, née en France en 1985, a arpenté le Proche-Orient et vécu en Égypte où elle a été la correspondante de nombreux médias comme de la chaîne Arte.

14 commentaires:

  1. Ce livre a le mérite d'exister, je n'avais pas ressenti tout cela, en fait! Il ne faut pas trop tarder à le lire, la situation politique change souvent par là bas. On est parfois au coeur des événements.

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    1. C'est clair, ce livre a le mérite d'exister, c'est en cela que j'applaudis l'auteure. Après, mon ressenti était tellement fort tout au long de ma lecture que je ne pouvais pas ne pas en parler mais je conçois totalement que ce qui m'a dérangée ne dérange pas d'autres lecteurs, et même qu'ils apprécient pleinement ce côté que je qualifie de littéraire.
      Ah ça oui, le monde change vite...

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  2. je l'avais repéré aussi chez Keisha

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  3. J'ai du mal avec les documentaires. Je n'arrive pas à accrocher.

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    1. Ah ? Mais alors peut-être que tu accrocherais bien avec celui-ci qui a d'excellentes qualités littéraires et qui se lit presque comme un roman.

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    2. Peut-être, à essayer :).

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    3. Oui, le sujet est loin d'être inintéressant.;-)

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  4. Je comprends ton souci avec l'interprétation, c'est toujours sujet à caution et je préfère qu'on en reste aux faits et qu'on laisse chacun se faire son propre jugement.

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    1. Après, elle avait certainement de bonnes raisons de penser avoir vu juste (vivre les situations en live, ça peut donner des indices supplémentaires), et peut-être qu'elle voyait vraiment juste, mais bon...

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  5. Pas trop envie de cette lecture...

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  6. Je crois que son "interprétation constante" me dérangerait aussi. (Ton billet m'a fait penser à un couple d'Egyptiens rencontrés dans un train il y a plus de 20 ans. Leur complicité m'avait tellement impressionnée que je m'en souviens après toutes ces années.)

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    1. Il y a de très beaux exemples de ce type de complicité dans ce récit. D'une manière générale, c'est assez rare tout de même, Egyptien ou non, ce qui est bien dommage.:-)

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