MORT ACCIDENTELLE D'UN ANARCHISTE

 

traduit de l'italien par Nicole Colchat et Toni Cecchinato

Ça fait un moment que j'essaie de réintroduire un peu le théâtre dans mes lectures (avec quel succès ! 😆). 

Plus jeune, j'appréciais vraiment lire des pièces de théâtre, mais j'ai fini par préférer les voir jouées. Par ailleurs, je ne trouve rien qui me tente vraiment quand j'arpente le rayon théâtre en librairie. Soit je les ai déjà lues, soit les thèmes ou le genre ne me parlent vraiment pas.

Lors de ma dernière virée à la bibli, j'ai de nouveau tenté ma chance, et alors que je pensais repartir bredouille, je suis tombée sur cette courte pièce estampillée "Coup de coeur". 

Le titre n'était pas très prometteur et j'étais encore moins rassurée en lisant le prologue qui décrivait un spectacle sur le thème du massacre d'État (dans quoi me suis-je embarquée encore ?). La quatrième de couv parlait d'une "saisissante contre-enquête sur l'assassinat de Giuseppe Pinelli, le cheminot anarchiste tombé depuis la fenêtre du quatrième étage du commissariat central de Milan en 1969, à la suite d'un interrogatoire, tandis que l'enquête officielle avait conclu à un suicide."

Ah vraiment, ce n'était pas très emballant à vue de nez comme ça - je visualisais une pièce un peu trop sérieuse et quelque peu plombante - mais le traitement du sujet semblait tout de même tirer vers la comédie, aussi improbable que cela puisse paraître : "Dans cette satire politique sur la corruption de la justice, Dario Fo et Franca Rame déploient tous les ressorts de la farce pour dénoncer la démesure de la supercherie mise en scène par les autorités, la bêtise et l'impunité des puissants."

Vu comme ça, c'était plus affriolant, c'est sûr, et dès les premières pages, je n'ai pas été déçue. On était en plein humour par l'absurde, tout ce que j'aime, avec un "Fou" qui tourne les autorités en bourrique et en dérision pour forcer leurs aveux à la mine de rien, et c'était en réalité franchement réjouissant.

C'est une pièce que j'aurais bien aimé voir jouée au théâtre mais que je suis bien contente d'avoir pu découvrir par la lecture.

Quelques extraits pour une idée de l'esprit de la pièce :

"Le Préfet. Vous êtes donc toujours convaincu que si l'anarchiste s'est jeté par la fenêtre, c'est parce que nous l'aurions poussé ?

Le Fou. Vous venez de me le confirmer il y a quelques instants... quand vous avez perdu les pédales!

Le Commissaire sportif. Mais nous n'étions pas présents au moment où il a sauté ! Demandez à l'agent.

L'Agent. Oui, monsieur le juge, ils venaient de sortir quand l'autre a sauté !

Le Fou. Cela reviendrait à dire que si quelqu'un amorce une bombe à l'intérieur d'une banque, puis s'en va, il n'est pas coupable puisqu'il n'était pas présent au moment de l'explosion ? Ah, ah, ah ! Elle est belle votre logique !"

"La Journaliste. Étrange hécatombe d'horloges !

Le Fou. Qu'est-ce que cela a d'étrange ? Nous ne sommes pas en Suisse... Chez nous, chacun règle sa montre comme bon lui semble... certains préfèrent qu'elle avance, d'autres qu'elle retarde... nous sommes dans un pays d'artistes, d'individualistes forcenés, rebelles aux conventions..."

L'auteur

Né en 1926 à Sangiano, Dario Fo était écrivain, dramaturge, metteur en scène, acteur et théoricien de théâtre. Ses comédies fustigent les institutions et le pouvoir, lui valant d'innombrables procès et controverses. En 1997, le prix Nobel de littérature lui est décerné.

Cette pièce a été coécrite avec sa femme, Franca Rame.