PETITES COUPURES À SHIOGUNI

PETITES COUPURES À SHIOGUNI

"Premières pages et je surkiffe ! Cet album frôle le génie et la perfection !" m'étais-je exclamée sur FB cinq minutes après avoir commencé le dernier Chavouet (lu en décembre). À la question, "genre, c'est excellent ?" (car je suis très avare de ce mot qui pour moi ne se prête à un livre qu'une fois tous les dix ans), j'ai répondu "époustouflant même. J'en suis à la moitié et je pense même que je vais devoir le relire."

L'album terminé, je confirme que cet ouvrage est épatant jusqu'au dernier point de la dernière page ! Bref, si cela n'est pas assez clair, j'ai a-do-ré !

Repéré chez Jérôme, j'ai littéralement sauté de joie quand j'ai découvert le nouveau bébé de Florent Chavouet, devenu un de mes auteurs chouchou depuis que j'ai lu Manabe Shima et Tokyo Sanpo.

C'était donc plutôt confiante et palpitante que j'en ai fait l'acquisition immédiate au détour d'une librairie, même si j'avoue avoir été un peu décontenancée au départ par le format de l'album, une à deux tailles bien en deçà des précédents de l'auteur. Petite déception même. Je n'étais pas plus rassurée en feuilletant l'album et en découvrant ces dessins qui donnent l'impression de grand chaos à première vue, dans des coloris sombres, glauques et mornes, qui rebutent plutôt qu'ils n'incitent à se plonger dans le récit.

Amplement convaincue par les albums précédents, c'est tout de même avec confiance que j'aborde les premières pages, et là, je renvoie à mon premier paragraphe.^^

Il y a peu, Alison Mossharty parlait de vrai roman graphique en se référant à Selznick. Moi j'ai trouvé LE vrai roman graphique parfait, enfin, thriller graphique devrais-je dire, car dans cet album on sort totalement du cadre "carnet de voyage" auquel Chavouet nous avait habitués. Ici à Shioguni, on explore encore autre chose. L'auteur nous offre une intrigue policière étonnamment bien développée, dans une construction incroyable, et surtout cohérente de bout en bout, avec des rebondissements et des retournements de situation bluffants !

Au-delà du graphisme qui m'a régalée à chaque page, fourmillant de détails visuels sur lesquels on pourrait s'arrêter des heures, l'intrigue en elle-même est étourdissante dans sa conception et sa maîtrise.  Chavouet reprend ici les codes et principes des enquêtes policières. Alternant les faits et événements portés par plusieurs voix et interviews, reproduisant les rapports de police sur carnet (très réaliste ça, j'ai adoré) avec annotations, les indices et pièces à conviction (des billets, des tickets de caisse...), et les mêlant à sa fantaisie, il nous pond un récit décoiffant ancré dans une ville japonaise a priori imaginaire mais qui pourrait être Tokyo, nous offrant ainsi un énième voyage inédit au coeur du Japon et de ses particularités. 

On suit l'enquête à l'instant "t", essayant nous-même de débroussailler les événements et de comprendre ce qui se trame (le pied pour moi !), risquant de nous perdre à tout instant. Il y a quelque chose d'interactif, un peu à la façon des jeux vidéos quand j'y pense bien. C'est très très réussi.

Rien n'est laissé au hasard. Tout personnage, tout événement, toute coupure de journaux, toute note, tout gribouillis, a sa place dans ce récit, même si parfois ça parait farfelu.

C'est un album d'une richesse incroyable, graphiquement et conceptuellement, un polar noir que l'auteur assaisonne d'humour et d'un brin de fantaisie juste ce qu'il faut. Par moment, le tout ressemble à une grande farce, un grand délire d'auteur, et ça j'adore !

Je trouvais Chavouet doué mais là, il est carrément bluffant ! J'en suis encore sonnée et étourdie. Très fort ce Chavouet, très très fort !

J'ai franchement hâte qu'il nous sorte d'autres albums de ce genre !