vendredi 13 décembre 2019

LE MEURTRE DU COMMANDEUR - LIVRE 2


LE MEURTRE DU COMMANDEUR

            Livre 2 - LA MÉTAPHORE SE DÉPLACE

traduit du japonais par Hélène Morita avec la collaboration de Tomoko Oono

Quand un livre commence par le chapitre 33 sans préambule, on peut s'interroger sur les raisons de l'existence de deux volumes, mais bon, passons ces convenances éditoriales. Il ne faut en tout cas pas attendre trop longtemps pour le lire car contrairement à la plupart des suites classiques, on n'y trouvera pas de résumé du tome 1 ni de rappel du contexte.

En revanche, comme pour la plupart des suites, je suis passée de méga-enthousiaste à - sur Goodreads - un 3/5 étoiles assez tiède, plus proche du 2,5.
Étonnant si on considère ces deux tomes comme un seul et même livre. Mais ici, pourtant bien disposée au départ, et même confiante tellement le tome 1 m'avait conquise, j'ai eu l'impression qu'il y a eu une baisse flagrante de qualité narrative. Une avalanche de comparaisons qui m'a fait penser à 1Q84, ce que j'avais un peu déploré. Beaucoup de blabla, de répétitions, de détails inutiles (des descriptions et des dialogues qui n'apportent rien, des histoires anecdotiques où l'on cherche le rapport avec la choucroute)...
Murakami dilue son histoire et ralentit son rythme pour créer l'attente et le suspense, mais on le ressent fortement. Ce n'est pas désagréable, ceci dit, car le style et l'ambiance restent hypnotiques mais on sent l'artifice pour remplir les pages, ce qui m'a un peu chiffonnée. Ça aurait pu facilement faire 200 pages de moins mais c'est comme si, pour équilibrer la deuxième partie par rapport à la première (en terme de nombre de pages), il a dû faire du remplissage (mais ce ne sont qu'impressions et interprétations de ma part).

Il y a tout de même un aspect de ce roman que j'ai vraiment adoré et auquel j'ai totalement adhéré : le personnage du Commandeur (l'Idée), avec ses expressions désuètes, voire totalement anachroniques et décalées. Il apparaît malheureusement peu dans la première moitié de ce tome 2 mais par la suite, d'autres idées complètement folles dont j'ai bien aimé l'esprit et les personnages aussi (la Métaphore, le Rien...) entrent en scène. J'ai adoré la folie de cette imagination autour de ces concepts, l'idée du relatif, du passage du rien à l'être, de l'action qui engendre les faits... (lire pour comprendre). Ce roman vaut vraiment le détour rien que pour ces passages épatants !

Malgré tout, je sors de là avec un sentiment variant de WTF à "tout ça pour ça". Plein de mystères restent irrésolus, un peu comme si l'auteur nous dirait, 'débrouillez-vous avec ça, faites-en ce que vous voulez/pouvez", or ils ne sont pas assez intéressants au final (pour moi du moins) pour que je m'y penche de plus près ou que j'y réfléchisse.
J'ai lu ce tome 2 sans que mon oeil ne tressaille, sans un battement de coeur de plus. On pourrait presque parler d'encéphalogramme plat. Oui, voilà, je l'ai lu avec régularité, sans soupir, sans hâte, parce que ça se laisse lire, et plutôt bien, mais sans que ça ne suscite quasi aucune émotion.
J'ai même achevé le roman sur un sentiment de "enfin fini, je peux passer à autre chose". Une deuxième partie qui ne m'a pas apporté grand-chose. Des promesses, surtout au tome 1, et puis rien au final. On nous crée des espoirs d'une fin subtile, grandiose, avec toute une mise en scène de départ, et au final, on nous lâche lâchement. Oui, on peut le dire, je suis assez déçue.

C'est peut-être un roman à lire un peu comme on aborderait Alice aux pays des merveilles, avec cette frontière floue entre rêve et réalité, des métaphores, une allégorie... mais de quoi ? J'aurais aimé quelques pistes plus claires, pas forcément des explications, mais des choses plus tangibles sur lesquelles baser nos réflexions.

Des pistes pour comprendre peut-être 
Philippe Pons dans Le Monde :
"Haruki Murakami entraîne le lecteur dans les arcanes de l'âme, et ce qu'il nomme "le second sous-sol" que chacun porte en lui : "Là, gisent les amas épars où tout se joue.""

Minh Tranh Huy dans Le Magazine littéraire :
"Facile d'accès et pourtant insaisissable, l'oeuvre de Murakami, attachante et subtile, ne cesse de fasciner. Ses romans aux allures de parabole mêlent les choses pour explorer la part d'ombre de toute chose, de tout être."

Quelques extraits notables tout de même :
"Pour toutes les femmes, chaque âge est délicat, instable. Qu'elles aient quarante et un ans ou treize ans, c'est toujours une période difficile, et l'incertitude de leur âge les met à fleur de peau. Voilà une des leçons tirées de la modeste expérience des femmes que j'ai eue jusqu'à présent."

" "- Je ne suis qu'une modeste Métaphore, tout en bas de l'échelle. Je ne suis pas capable de vous sortir une figure de style raffinée.
- Peu importe si elle n'est pas raffinée, dis-en une."
Long Visage resta longuement plongé dans ses pensées. Puis : "C'était un homme qui attire les regards, dit-il. Comme un homme qui porte un chapeau pointu orange parmi une foule de gens se rendant au bureau."
En effet, il ne s'agissait vraiment pas d'une figure de style élégante. D'ailleurs, ce n'était même pas une métaphore.
"Ce n'est pas une métaphore, remarquai-je. C'est une comparaison.
- Pardon. Je vais corriger, dit Long Visage, la sueur au front. Il vivait comme s'il avait porté un chapeau pointu orange parmi une foule de gens se rendant au travail.
- Cette phrase n'a aucun sens et en outre, ce n'est toujours pas une métaphore. J'ai du mal à croire que tu sois vraiment une Métaphore. [...]"
De frayeur, la bouche de Long Visage trembla convulsivement. [...]
"Pardon. Je suis encore apprenti. Je n'arrive pas à trouver de belles métaphores. [...]"

J'avoue, ces passages et bien d'autres valaient le détour mais je reste quand même sur ma faim... Malgré tout, Murakami restera un de mes auteurs fétiches et je continuerai à le lire.:)

12 commentaires:

  1. Bon, tu m'avais prévenue en réponse à mon commentaire sur ton billet du tome 1... Dommage. Ceci dit, j'ai déjà acheté les deux tomes, puisqu'ils sont déjà sortis en poche.. je les mets de côté pour l'instant.

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    1. Ça se trouve, tu sauras apprécier mieux que moi. En plus tu peux enchaîner la lecture des tomes. Cela change peut-être la donne et l'appréciation de l'intrigue dans son ensemble.

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  2. Mouais les 2 tomes qui auraient pu en faire un, en coupant quelques passages éventuellement. C'est comme hypérion en deux petits poches de 250 pages ... (j'y reviens toujours!)

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    1. Oui, pour Hypérion, c'est vraiment ridicule, surtout que la version anglaise est en un volume...

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  3. Tu n'engages pas vraiment à le découvrir. Ceci dit j'ai aimé 1Q84... alors peut-être pourrait-il me plaire ?

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    1. Ah oui, si tu as aimé 1Q84, tout est possible !;) Ceci dit, je ne cherchais pas à décourager de découvrir ce roman mais je ne pouvais livrer autrement mon avis. C'est vraiment ainsi que j'ai ressenti et vécu ma lecture mais ça reste un avis parmi d'autres, qui n'a pas valeur de référence.;)

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  4. Je passe. les livres à tomes... pas trop pour moi.
    Et puis j'ai quelques livres de l'auteur (pas trop longs) dans ma PAL audio, donc je vais commencer par ceux-là !

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    1. C'est faussement un livre à tomes en réalité, vu que ce diptyque aurait pu être publié en un volume et ne constituer qu'un seul roman. Ceci dit, si tu as d'autres livres de Murakami dans ta PAL, je comprends que tu préfères les faire passer avant.;)

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  5. Je n'aimais pas trop cet auteur mais là, je ne me lancerai pas dans ce roman-là. Pour 1Q84, c'était la même chose : des mystères, plein de choses irrésolues..

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    1. Ah oui si tu n'as pas aimé 1Q84, je ne t'inciterai pas à te lancer dans celui-ci. En revanche, il reste mon auteur chouchou car j'ai quand même adoré la majorité de ses romans, et j'aime son univers, l'ambiance de ses intrigues, sa façon de raconter les événements, ses réflexions assez originales et sa plume malgré tout.

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  6. 2,5 pour une suite de Murakami alors que je n'accroche pas avec le bonhomme, tu penses bien que je vais passer mon chemin sans même me retourner ;)

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