lundi 23 décembre 2024

AN EXPERIMENT IN CRITICISM


( EXPÉRIENCE DE CRITIQUE LITTÉRAIRE )

Repéré par hasard sur Goodreads, j'ai tout de suite été happée par la première phrase du résumé : "Why do we read literature and how do we judge it ?" C'était peu après ma lecture de Moby Dick de Herman Melville et je dois dire que cette question a immédiatement résonné en moi.😆 J'étais d'autant plus intéressée par le sujet que c'était C.S. Lewis, l'auteur, entre autres, du Monde de Narnia, qui se proposait de l'explorer ici.

Dans ce court essai, C.S. Lewis tente une expérience. Plutôt que de prendre le parti de juger un livre selon qu'il soit bon ou mauvais comme le fait traditionnellement la critique littéraire, définissant ainsi le bon ou le mauvais goût des lecteurs, il propose d'essayer plutôt de comprendre comment on lit les livres. Il prend ainsi comme point de départ la distinction entre les lecteurs, ou plus précisément, entre leurs différentes manières de lire, et théorise qu'il y a deux types de lecteurs, les "non-littéraires" et les "littéraires", en soulignant qu'il n'est nulle question ici de bon ou de mauvais goût, ni d'intelligence.

Une théorie que j'ai vécue comme une révélation ! Ce livre m'a enfin permis de comprendre pourquoi certains lecteurs aimaient ou préféraient ces best-sellers qui me semblaient pourtant mal écrits, et n'avaient aucun intérêt pour de la littérature plus "qualitative" (à mon sens).
D'après lui, les gens (les "non-littéraires") qui aiment les livres dont on trouve le style mauvais ne voit même pas que le style est mauvais parce que cet aspect ne les intéresse absolument pas. Ce qui motive leur lecture, ce sont les événements dans l'histoire : qu'est-ce qui arrive à qui, quoi, comment. Point. Il faut que les images leur apparaissent immédiatement à l'esprit, donc moins il y a d'effets stylistiques, mieux c'est, sinon ça les parasite, et plus le style s'articule autour de clichés, plus ça leur parle, car ce sont des images qui résonnent déjà en eux. Tout s'explique !

L'autre catégorie de lecteurs (les "littéraires") est certainement plus sensible à la qualité des textes, à la façon dont ils résonnent en eux, tout comme certains seraient plus sensibles à la structure ou aux composantes d'une pièce musicale au-delà de la simple mélodie. De même pour la peinture ou d'autres formes d'art. Ce sont des comparaisons qu'il fait et ça m'a permis de mieux me représenter les différences de perception quand cela se rapportait au livre. C'était absolument passionnant de conscientiser tout ça ! J'ai trouvé très cohérent tout ce que C.S. Lewis exposait, même si parfois, il poussait un peu le curseur. 
Bien sûr, il y a aussi des nuances entre ces deux façons un peu schématiques d'appréhender la lecture, mais je ne m'attarderai pas là-dessus.

Autre conséquence de son raisonnement : si un livre a été trouvé bon (par un "littéraire" tout de même, faut pas déconner^^), et qu'on l'a soi-même trouvé mauvais, c'est simplement qu'on n'a pas su le lire comme l'autre ni détecter ce qui pouvait en faire un bon livre. Ça ne peut en aucun cas remettre en cause ses goûts ou son jugement. En somme, ça rejoint mon idée des goûts et des couleurs qui ne se discutent pas. Ça paraît une évidence, mais c'est vrai qu'on a souvent tendance à être convaincu que notre façon de lire et d'appréhender un texte est forcément la meilleure. Ce qui est normal puisque c'est ce qui nous convient.^^

Bref, c'est un essai que j'ai trouvé passionnant et riche en réflexions. Je n'ai pas suivi l'auteur dans tout ce qu'il disait, surtout quand il faisait un peu des généralités, mais certaines idées et façons de voir les choses m'ont vraiment plu et éclairée.
J'en viens aux bémols : j'ai trouvé dommage qu'il se base sur des classiques purs et durs, quelque peu rébarbatifs et trop sérieux (des livres de l'Antiquité, du Moyen-Âge...) pour illustrer son propos. Ce livre a été écrit en 1961. Il aurait pu se référer à des livres du début au milieu du 20e siècle, ou de son époque. J'avoue que j'aurais aimé (si cela avait été possible^^) quelques exemples contemporains pour encore mieux m'identifier, mais étonnamment (ou non finalement), c'est assez intemporel, notre passion pour la lecture, ce qu'on y cherche et comment on juge les livres, et en fin de compte, beaucoup d'exemples de romans du 21e siècle, voire d'actualité, me sont venus à l'esprit en cours de lecture. 
Parfois, je trouvais aussi qu'il se répétait ou répétait la même idée en essayant de la mener ailleurs et surtout d'y venir par différents chemins, ce qui me faisait perdre le fil de sa démonstration.

Bon, alors, et moi dans tout ça, non-littéraire ou littéraire ?^^
Mon sentiment, c'est que je me situe entre les deux. Les best-sellers mal écrits, non, franchement, je ne peux pas (mais je comprends mieux leur succès maintenant, ce que je considère être un énorme pas). Cela dit, je peux franchement prendre plaisir à lire du léger pas forcément hautement qualitatif en le prenant pour ce que c'est. 
J'ai tendance à m'ennuyer aussi si ça manque d'action, surtout si on est dans le genre contemplatif, méditatif. Cette phrase "il ne se passe rien" revient souvent dans mes retours de lecture négatifs. Ça se trouve, je ne suis qu'une bouseuse non-littéraire 😆, mais tout de même, il me semble que j'ai besoin aussi que les livres me transcendent, me secouent, à travers la forme, le fond, le travail d'écriture de l'auteur, etc. Cependant, je ne suis pas spécialement sensible non plus à tout ce qui est encensé par la critique, disons, plus académique. Shakespeare, par exemple, m'a toujours laissée de marbre et, euh, ne rappelons pas comment Moby Dick a failli me tomber des mains.^^
Bref, entre les deux, je disais.

Finalement, on recherche le plaisir de lecture et chacun le trouve à sa manière, avec plus ou moins de degré de profondeur, et si chacun y trouve son compte dans ce qu'il lit, c'est l'essentiel, non ?

18 commentaires:

  1. J'ai vérifié, ce livre n'est pas à la bibli (j'ai lu des bouquins de lui en anglais, faut s'accrocher, sur des thèmes plus religieux, disons, genre problème de la souffrance et miracles)(lui et Tolkien étaient amis et enseignaient à Oxford)
    Bref, en dépit de tes (mini) bémols, le bouquin continue à m'intéresser...
    Bien sûr on s'interroge, où suis-je là-dedans? Il me semble que je suis entre les deux... Le gnangnan et le trop haut de gamme?

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    1. Tout dépend sûrement de notre humeur et de nos envies du moment aussi, mais dans tous les cas, on sait détecter quand c'est mal écrit.;)
      Je l'ai lu en VO numérique. Il me semble que l'édition française est épuisée, et comme ça date, ça ne doit pas se trouver facilement, même en bibliothèque. Mais il existe sûrement plein d'autres ouvrages plus récents sur le sujet, d'autres théories qu'il peut être intéressant d'explorer.

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  2. Très intéressant ! C'est vrai qu'on comprend mieux le fossé entre certains lecteurs et d'autres... Pas parmi les blogs, où nous sommes toutes et tous plutôt littéraires, avec des degrés, et des périodes où nous le sommes un peu moins ;-) mais surtout par rapport à d'autres lecteurs de notre entourage, clairement non littéraires, ou pas encore littéraires, dirai-je... on évolue dans le temps aussi, peut-être ?

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    1. Oui, pendant ma lecture, je pensais surtout à des (non-)lecteurs de mon entourage qui ne lisent pas bien volontiers et quand c'est le cas, ce qui les agrippe, ce sont des livres de qualité discutable mais très efficace en termes d'intrigue. Et c'est finalement la recette de la plupart des gros best-sellers qui nous paraissent bien creux. Je n'avais jamais compris ce phénomène jusqu'à présent, mais je suis assez convaincue par les théories de CS Lewis sur ce point.
      Quant à l'évolution des lecteurs, oui, c'est un fait (j'ai bien fini par me passionner pour la littérature maritime^^), mais il faut pour cela un peu de curiosité tout de même et aussi tomber sur LE livre qui va changer la donne.

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  3. Pendant longtemps je n'ai pas compris comment les gens pouvaient adorer Da vinci code, et les "trucs" du même genre. J'étais vraiment incrédule quand on me disait: "Jai lu tous les Harlan Coben ,j'adore"...alors que le gars écrit toujours la même chose! Et en fait c'est ça: les "non-littéraires" aiment les sentiers battus, les chemins balisés, les clichés et ce qui leur parle immédiatement sans demander un effort (si tant est que lire puisse représenter un effort dans la littérature de fiction - par là, je veux dire que ça doit être un plaisir y compris et surtout si ça nous amène à réfléchir). Je ne crache pas, moi-même, de temps en temps sur un thriller.
    Ce à quoi j'ai vraiment du mal à adhérer, c'est les bouquins écrits avec les pieds. Je suis désolée, le style est quand même essentiel il me semble. Il y a des fois, vraiment, ça pique les yeux... bref, comme toi, je pense me situer un peu entre les deux. Parce qu'il y a quand même des classiques qui me tombent des mains!! ;)

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    1. Oui, je dirais que les "non-littéraires" sont ceux qui, typiquement, préfèrent mille fois regarder un film ou une série adaptée d'un livre que de lire le livre. C'est l'adrénaline liée aux événements d'une intrigue qui les anime avant tout, ainsi que l'immédiateté de l'image. Combien de fois j'ai bouilli intérieurement quand j'entendais dire, "non, mais The Handmaid's Tale [par exemple], c'est trop bien ! Tu l'as vu ? Il faut que tu le vois ! L'histoire est géniale !" Alors que je suis à peu près certaine que si on leur disait, "lis tel roman, l'histoire est géniale", ça ne susciterait pas le même intérêt.^^ D'ailleurs, dans son essai, CS Lewis évoque aussi le fait que les "non-littéraires" ne comprennent pas que les "littéraires" puissent s'animer autant autour d'un livre.^^
      Pour les thrillers, je peux comprendre l'attrait pour le côté thrillant, haletant, captivant, la tension, le suspense, mais clairement, ils ne se valent pas tous. En tout cas, là où on pourrait affirmer qu'on est plus "littéraire" que "non-littéraire", c'est qu'on se rend compte quand même quand c'est mal écrit car ça nous rend la lecture désagréable, même s'il peut y avoir quelque intérêt dans l'intrigue ou les thèmes explorés. Et de la même façon, on peut très bien avoir conscience que c'est merveilleusement écrit, mais ça n'empêche pas que le livre nous tombe des mains.^^

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  4. Il a l'air passionnant et éclairant cet essai. Je pense que je peux passer d'un type de lecteur à l'autre en fonction des moments et de mon état de fatigue. Alors si on n'est pas forcément l'un ou l'autre à 100%, cette typologie apporte un éclairage intéressant sur notre manière de lire.

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    1. Oui, c'est ce que j'ai trouvé vraiment intéressant ici, cet éclairage sur les différentes manières de lire d'un lecteur à l'autre qui illustre aussi le fait que l'on ne recherche pas tous la même chose dans nos lectures, ou plus précisément, nous ne sommes pas tous sensibles aux mêmes éléments. Je trouve ça assez amusant que pour certains, le style est d'une importance capitale pour apprécier la lecture et pour d'autres, le style (un peu élaboré, s'entend) dérange presque dans la mesure où il parasite leur lecture.

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  5. Cet essai est très intéressant. Comme tu le dis, le propos est sans doute à nuancer entre les "littéraires" et les "non littéraires". Je me considère aussi quelque part entre les deux. J'aime alterner des lectures "sérieuses" et plus distrayantes. Je ne suis pas très contemplative non plus mais cela ne m'empêche pas d'apprécier un style d'écriture travaillé. A l'inverse, j'ai parfois besoin de lectures faciles (thriller, Cosy Mysteries, etc). La question reste : pourquoi on lit ? Apprendre, se distraire, etc.

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    1. Apprendre, se distraire et surtout pour le plaisir que peut procurer la lecture, je dirais. Quels que soient les livres qu'on lit (sérieux, faciles, plus élaborés, etc), je pense que ce qu'on recherche avant tout, c'est le plaisir de lecture. C'est comme ça que ça devient une drogue et qu'on se retrouve avec des PAL phénoménales, haha ! On est toujours à la recherche du prochain coup de coeur.
      Sinon je me retrouve assez dans ton "profil". J'aime aussi varier mes lectures (genres, BD incluses, pays, etc), ça fait partie de mon plaisir de lecture. En fait, ce qui m'attire en premier dans les livres, ce sont les thématiques explorées. En fonction, je peux me retrouver dans de la SF, du thriller, du manga, en Argentine, en Corée, et dans du "sérieux" ou plus léger, et prendre plaisir à toutes ces lectures.

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  6. Je suis aussi quelque part entre les deux. J'ai des exemples récents: j'ai bien aimé lire The Kamogawa Food Detectives, c'était facile et plaisant, mais après quelques chapitres, je me suis ennuyée à cause de la structure répétitive. D'autre part, j'ai commencé Polostan de Neil Stephenson (dont j'ai adoré le Cryptonomicon) mais j'ai abandonné: l'histoire n'avançait plus à un moment précis et se complaisait dans des détails fastidieux à propos du mouvement communiste aux USA dans les années 30. Je pourrais aussi rajouter dd's Umbrella, mais là je vais écrire un billet entier qui explique ce qui m'a dérangée (en deux mots, c'est très intello).

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    1. C'est super intéressant de lire les raisons pour lesquelles tu as abandonné tel livre ou que tu t'es ennuyée dans un autre. Je trouve que ça en dit toujours plus long sur ce qui nous anime dans les livres que lorsqu'on parle de livres qui nous ont plu. C'est peut-être pour ça d'ailleurs que j'ai une certaine tendresse pour les retours de lecture négatifs (au-delà du fait qu'ils préservent nos PAL).^^

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  7. Je dois me situer entre les deux comme toi. Pourtant, nous ne lisons pas du tout les mêmes livres !
    Combien de best-sellers me sont tombés des mains comme "Le parfum" ou "L'alchimiste", par ex.
    Il me faut de l'action, qu'on aille droit au but, mais je suis sensible au style poétique de certains auteurs.

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    1. Je pense que quand on aime lire, et surtout parler de nos lectures (au point de tenir un blog), c'est qu'on a une fibre "littéraire" certaine.^^ Elle est juste plus ou moins prononcée d'une personne à l'autre. Et c'est vrai que nous n'avons pas les mêmes affinités ou sensibilités pour les livres, mais le champ de la littérature est vaste. Nous finirons par nous croiser sur une lecture, je ne désespère pas.^^

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  8. oh je vais m'empresser de le lire, si on le trouve en numérique. Je trouve le propos fort intéressant. Les gros lecteurs que nous sommes se retrouvent peu dans les "romans de gare" ou livres de "plage" mais je crois que quelqu'un peut commencer avec ces romans et finir dans une littérature plus avancée. J'ai du mal avec également le mauvais style, je n'ai pas terminé Dieudonné car je n'ai pas accroché à son style, et celui de Vuillard très littéraire me tombe des mains. Mais j'aime la belle écriture (quoique plein de noms me viennent en tête) car je n'aime pas le lyrisme, ni quand c'est poétique (j'aime la poésie mais pas les romans poétiques) bref je suis difficile. Jerome forever (Salinger). Je suis d'accord avec CS (que j'ai adoré lire quand j'étais étudiante, il faut que je le relise) les lecteurs qui lisent peu aiment l'intrigue, l'action, les personnages et préfèrent souvent les adaptations. Je recherche aussi la facilité, le repos de l'esprit dans les séries mais pas dans les livres. Je lis très peu de romans cosy ou faciles car finalement je préfère voir des séries. Mais je comprends pourquoi on aime Harlan Coben. La fac et les centaines de livres m'avaient dégouté de la lecture. J'ai repris à la lire en fin de vingtaine avec des thriller et des Harlan ! Heureusement j'ai croisé Lonesome Dove et je suis vite repartie vers des valeurs sûres. J'adore la fiction contemporaine et les classiques et comme toi je peux passer de l'Irlande à la Corée. Mais bref, ces thriller m'ont remis le pied à l'étrier et donc je valide toute lecture ! (enfin ne me forcez pas à lire la dizaine de noms que j'ai en tête maintenant LOL)

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    1. Tout comme toi, j'ai du mal avec le style mauvais, mais je n'accroche pas non plus au style poético-lyrique ou au style qu'on sent trop travaillé, trop littéraire, dont on ressent l'artifice. Oui, on paraît bien exigeantes, 😆 mais finalement, je crois que tout ce qu'on demande, c'est que ce soit un minimum bien écrit, la base quoi, et si c'est un poil plus, c'est encore mieux, mais n'abusons pas des fioritures non plus.^^
      J'ai vécu quelques moment difficiles aussi à la fac, mais heureusement, ça a été compensé par d'excellentes découvertes en parallèle donc je n'ai jamais vécu ce dégoût de la lecture (juste de certains auteurs^^). Cela dit, je n'ai pas été mécontente, une fois sortie des prescriptions universitaires, de ne plus me consacrer qu'à des livres qui me faisaient vraiment envie ou des lectures de mon choix.
      Très curieuse de ton avis sur cet essai de CS Lewis si tu le lis !

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  9. C'est intéressant cette théorie. Il me semble être souvent littéraire, mais je ne suis pas contre des lectures détente qui font du bien à lire et changent les idées.

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    1. Tu as bien résumé le profil de la plupart des lectrices de la blogosphère, je pense.:)

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