RELIRE
ENQUÊTE SUR UNE PASSION LITTÉRAIRE
Dans la vie d'un lecteur, relire n'est pas anodin. Que quelqu'un se pose sérieusement la question du pourquoi du comment et enquête sur ce phénomène ne pouvait que m'intéresser !
Laure Murat s'y attelle en envoyant un questionnaire précis de 10 questions sur les pratiques et raisons de relecture à 200 écrivains, éditeurs, universitaires, traducteurs, libraires, pour résumer, des personnes des métiers du livre, gros lecteurs par excellence.
Dans une première partie, elle synthétise les réponses reçues et en tire quelques conclusions pour dresser une sorte de grand portrait de la relecture, puis laisse la parole à une vingtaine d'interviewés en publiant telles quelles leurs réponses à son questionnaire.
Dans une première partie, elle synthétise les réponses reçues et en tire quelques conclusions pour dresser une sorte de grand portrait de la relecture, puis laisse la parole à une vingtaine d'interviewés en publiant telles quelles leurs réponses à son questionnaire.
J'ai trouvé cette initiative géniale ! Merci, Laure Murat, d'y avoir pensé, car si je n'ai pas toujours éprouvé la même nécessité de relire que les personnes de cet ouvrage, si chaque expérience semble finalement unique et personnelle et que je ne m'y suis pas toujours retrouvée, si parfois même j'étais en désaccord avec certaines réponses ou que j'avais du mal à les concevoir de cette façon, je me suis reconnue dans plusieurs témoignages.
Ce livre m'a du coup rassurée dans une certaine mesure car j'ai retrouvé chez quelques-uns ces étrangetés qui m'avaient inquiétée chez moi, comme être convaincue de l'existence d'une scène qui n'a jamais existé et être ahurie de ne pas la repérer, comme sentir un décalage et une déception entre la relecture et le souvenir du "choc de la première lecture". Tout est donc normal (et fort amusant aussi du coup) !
Ce livre m'a du coup rassurée dans une certaine mesure car j'ai retrouvé chez quelques-uns ces étrangetés qui m'avaient inquiétée chez moi, comme être convaincue de l'existence d'une scène qui n'a jamais existé et être ahurie de ne pas la repérer, comme sentir un décalage et une déception entre la relecture et le souvenir du "choc de la première lecture". Tout est donc normal (et fort amusant aussi du coup) !
Ce livre m'a beaucoup fait réfléchir et a animé des débats dans mon entourage. C'est là que j'ai réalisé que ce livre était tout simplement génial en ce qu'il donnait matière à réflexion au-delà de ce qui est déjà évoqué dans le livre. Relire : redécouverte ? Refuge ? Reprise ? Répétition ? Réinterprétation ? Peut-on, par ailleurs, vraiment revivre un moment passé à l'identique ?
J'ai aimé l'idée qu'un texte change à chaque lecture, sous l'action du temps et des interprétations : "chaque relecture serait en fait une nouvelle lecture".
J'ai aimé l'idée qu'un texte change à chaque lecture, sous l'action du temps et des interprétations : "chaque relecture serait en fait une nouvelle lecture".
J'ai aimé découvrir les habitudes de certains écrivains. J'ai été étonnée de voir que les mêmes relectures revenaient souvent d'un lecteur à l'autre, souvent des lectures d'enfance et des classiques (il va falloir que je lise Bouvard et Pécuchet ! Proust, c'est prévu pour cette année - ahem).
C'est érudit, grandiloquent, académique. C'est une étude qui se veut sérieuse et qui l'est, mais qui est tout de même accessible et très intéressante parce qu'on frôle de près le domaine de la psychanalyse mine de rien (les affaires de mémoire, c'est tout un monde tout de même).
"La pratique de la relecture s'apparente de près à l'expérience psychanalytique."
"La pratique de la relecture s'apparente de près à l'expérience psychanalytique."
Comme à mon habitude, j'avais commencé à post-iter les pages de ce livre tellement il y avait de réflexions intéressantes, amusantes, et des extraits que je voulais citer ici. Je me suis finalement rendu compte que j'avais quasiment post-ité toutes les pages, ce qui revenait à devoir relire cet essai ! Quelle ironie !
Je suis tombée à temps sur la réflexion d'un auteur, Luc Lang, sur la mémoire. Ce qu'on retenait était l'essentiel, le reste était dispensable.
Je suis tombée à temps sur la réflexion d'un auteur, Luc Lang, sur la mémoire. Ce qu'on retenait était l'essentiel, le reste était dispensable.
"Si je l'oublie, c'est que ce n'était pas important. Je suis très bergsonien sur la question de la mémoire : la mémoire retient tout à proportion de ce dont on a besoin dans le présent. [...] Le reste, s'il bascule dans l'oubli, c'est que ce n'était pas nécessaire. Sans d'ailleurs préjuger que l'oubli soit définitif."
Ça m'a beaucoup détendue et du coup je n'ai plus post-ité les pages suivantes du livre !
On l'aura compris, j'ai beaucoup apprécié cette "enquête littéraire". Dommage toutefois que parmi la sélection d'écrivains, il y en ait beaucoup qui s'écoutaient réfléchir, frôlant la masturbation intellectuelle. J'ai lu des blablas en diagonal, et peut-être que j'aurais aimé plus de lecteurs lambda, ou un panel plus large que des érudits et des gens du milieu du livre (et de la même génération !), pour m'identifier davantage.
Ma prochaine relecture, prévue depuis bien deux ans, l'autobiographie d'Helen Keller.
Qui me suit ? :-)
Qui me suit ? :-)
Également commenté par Keisha.
L'auteure
Laure Murat a publié plusieurs livres qui ont obtenu un succès public et critique exceptionnel, notamment Passage de l'Odéon : Sylvia Beach, Adrienne Monnier et la vie littéraire à Paris dans l'entre-deux-guerres, et L'homme qui se prenait pour Napoléon. Elle est professeure au département d'études françaises et francophones de l'Université de Californie-Los Angeles (UCLA).
Je suis en train de le lire :-) une relecture compulsive comme moi ne pouvait pas passer à côté :-)
RépondreSupprimerAh ça c'est sûr ! C'est un livre pour tous les psychopathes de la lecture que nous sommes ! Je ne vois pas qui d'autres pourraient s'intéresser à ce phénomène.:-) Hâte de te lire à ce sujet !
SupprimerTrès très intéressant. Et stimulant.
RépondreSupprimerJ'ai décidé en 2016 de relire. Sans le crier sur les toits pour ne pas être moquée si jamais je flope... mais bon, j'ai déjà relu "Le nom de la rose"...
Au programme (oui oui, si je l'écris ici, je sens que ça me stimulera) : "La reine Margot", "L'enfant", "Journal" (d'Anne Frank), "Le roi des aulnes". Et peut-être d'autres en SF (mais ça, c'est plus illusoire vu que j'arrive tout juste à lire ce qu'il faut pour le GPI...).
Il y a des périodes comme ça où l'envie de relire s'impose.:-) Ce qui est assez épatant, c'est ceux qui relisent régulièrement (chaque année), souvent les mêmes classiques. C'est plus de l'amour, c'est de la rage !:-) Ce n'est déjà pas simple de faire diminuer nos PAL de nouveautés plus ou moins récentes avec les tentations quotidiennes.
SupprimerBon courage pour tes relectures, joli programme ! Même pas lu La reine Margot, ni Le roi des aulnes...
Le décalage entre le choc de la première lecture et la relecture est logique il me semble, surtout si on est un gros lecteur (on gagne en maturité et en expérience à chaque livre, non ? Du coup le ressenti n'est plus forcément le même - sauf quand je relis Bukowski en ce qui me concerne !).
RépondreSupprimerÇa paraît logique et évident en effet, mais pour moi, je t'assure, c'était une révélation !:-) Ça m'a vraiment rassurée de voir que plusieurs grands lecteurs étaient passés par là, pour des oeuvres en plus réputées. En ce qui me concerne, quand j'ai a-do-ré un livre lu il y a plusieurs années, je ne me fais pas à l'expérience de la déception quelques années plus tard. J'espère en fait apprécier encore davantage, discerner d'autres niveaux de lecture encore plus transcendants, avec justement toutes ces années gagnées en maturité. Ça n'a jamais été le cas (mais je relis très peu) (une méfiance intuitive sûrement^^). Le passage du "génial" au "bof" ou "mais c'est nul" est toujours un grand désarroi. On s'en reparlera quand tu reliras Buk dans quelques années.;-)
SupprimerHaha! D'accord pour certains interrogés qui se la pètent un peu trop (aucun intérêt pour moi) j'ai préféré ceux qui étaient plus personnels, plus humbles (plus proches du lecteur lambda?). lecteurs lambda qu'on aurait aimé voir aussi mais là il aurait fallu les détecter .
RépondreSupprimerBref, c'est quand même un chouette bouquin sur un bon sujet. Tu sais qu'après j'ai ouvert une rubrique relecture sur mon blog, car j'ai beaucoup relu, en fait. Psychanalytique? Mouarf, tu sais, je viens juste de relire Le grand méchant renard, et ensuite de le conseiller à la bibliothécaire (existe à la bibli).
J'ai d'ailleurs découvert que Goodreads ne permet pas le 'relu' ou si?
J'ai lu une histoire d'H Keller, mais une autobiographie, connais pas.
A la bibli hier j'ai découvert DEUX exemplaires du Prophète, dans des traductions différentes, alors j'ai choisi la plus 'prose' et la moins 'poésie' restons prudents.
Bouvard et Pécuchet, c'est spécial. je l'ai lu, mais vers le milieu j'ai un peu survolé.
Squatty va bien, il est au régime (5 kg la bête!)(je lui donnais trop à manger, c'est donc ma faute)
Ouh alors concernant Helen Keller, tu viens de me faire réaliser que c'est bien son histoire racontée par Lorena A. Hickok que j'ai dû lire enfant. Par contre, j'ai chargé sur ma liseuse son autobiographie (Sourde, muette et aveugle : histoire de ma vie) en pensant que c'était l'autre. Bon du coup, il s'agira d'une première lecture quand je m'y mettrai.:-) Je garde un super souvenir de l'autre pourtant, c'est celui-là que j'aimerais lire à nouveau. Mais bon, si je lis les deux, je risque de frôler l'overdose. Pas plus mal que je découvre l'autobiographie.
SupprimerSinon, parmi les débats que j'ai eu avec mon entourage, il semblerait que relire une BD ne compte pas.;-) Ce ne serait pas une relecture digne de considération, haha (pffrt, l'éternel problème des BD non considérés comme des livres quoi...) ! Moi je voulais relire les Tintin un jour, histoire de voir si mon regard d'adulte y perçoit des choses qui m'auraient échappé enfant.
Pas de rubrique "relu" sur Goodreads à ma connaissance.
Quant au Prophète, j'ai lu une ou deux pages d'accroche sur Amazon hier, c'était en anglais, ça m'a un peu fait peur, haha ! Mais bon, c'est le genre de lecture justement où on ne sera pas trop de deux ou trois pour se motiver et s'encourager !:-)
Ah ben voilà que tu m'as cassé mon envie de lire Bouvard et Pécuchet... Pas grave, j'ai d'autres casseroles sur le feu.:-)
Squatty mais oui ! Pas de nouvelles, bonnes nouvelles que je me disais ! Au régime, en hiver, le pauvre.;-) Bon, comme il se dépense à l'extérieur, ça va. C'est pas comme s'il était avachi toute la journée dans le fauteuil.
Tu sais, le Prophète a été écrit en anglais, donc tente la VO (gratuit?), il y a quelques trucs pas mal quand même et c'est court; Rien que par curiosité, il faut le lire;
SupprimerOui, c'est la VO que j'ai chargée sur mon Kindle, tu sais, la quarantaine de pages.;-)
SupprimerIci j'en ai une quatre vingtaine, mais c'est aéré. Il y a aussi une préface d'un poète, que je compte lire aussi -après.
SupprimerAh non, pas d'autres poètes cette année ! Avec Le Prophète, j'aurai largement dépassé le quota.;-)
SupprimerLes bibliothèques ici ont plusieurs éditions du Prophète, allant de 60 à 116 pages. Il y en a même une de 1923 mais j'ai peur que le livre se désintègre dans mes mains.
Supprimer(J'ai lu The Story of My Life, l'autobiographie d'Helen Keller, il y a quelques années. J'ai été un peu déçue. Le film Miracle en Alabama (The Miracle Worker, le film, pas le téléfilm) m'avait tellement marquée quand j'étais enfant.
Ah oui, un collector, l'édition de 1923 ! Bon, avec mon édition, l'avantage de la liseuse, c'est que si c'est une mise en page un peu condensée façon 80 pages en 40, je pourrai toujours agrandir la police.:-)
SupprimerSinon j'hésite à lire l'autobiographie d'Hellen Keller maintenant... Je vais peut-être plutôt relire son histoire par Lorena A. Hickok. C'est celle qui m'avait marquée enfant.
Comme tu n'as pas vu le film, tu risques moins la déception. (Et c'est peut-être moi qui devrais le relire.)
SupprimerThe Prophet n'est pas encore dans le domaine public aux Etats-Unis, donc je ne l'ai pas trouvé en ebook gratuit (je n'ai pas beaucoup cherché non plus).
Aah les joies de la non harmonisation des législations internationales sur le domaine public.;-) J'avoue que j'étais surprise de le trouver en gratuit, mais 70 ans, ça laisse pas mal de marge finalement.
SupprimerJe ne relis jamais. Il y a tellement de bouquins que je n'arrive pas à lire faute de temps que je ne veux pas relire un livre. Plus tard, peut-être, que je relirai mes coups de coeur. Mais le resteront-ils?
RépondreSupprimerHelen Keller, je connais son histoire par coeur. As-tu vu le film "Miracle en Alabama"?
Non, je n'ai pas eu cette occasion. Dois-je comprendre que je dois le voir ?:-) Helen Keller, je visualise très bien certains épisodes de sa vie mais relire son histoire ne serait pas du luxe...
SupprimerJe relis assez peu pour mapart, plus parce que l'envie s'en fait rarement ressentir. Je crois que je préfère rester sur le souvenir du plaisir d'une lecture et rechercher des pépites au moins équivalentes dans de nouvelles lectures. Comme une chasse au trésor !:-) Mais j'ai eu des périodes d'envies de relecture sur des livres très précis. Des livres d'enfance généralement, ou des classiques coups de coeur dont les détails de l'intrigue ne sont plus très frais dans ma tête. Ça reste rare cela dit.
bien sûr que ça m'intéresse ! Dommage pour les adeptes de la masturbation intellectuelle :)
RépondreSupprimerOn y survit.:-) Ça peut faire sourire aussi, ça m'a même parfois fait rire tellement c'était un peu grotesque par moment.
SupprimerSi je lisais plus vite, je pourrais me permettre de relire. Hélas, ce n'est pas le quoi. Quoiqu'il en soit, ce bouquin m'intéresse !
RépondreSupprimerA lire en effet, qu'on ait le temps ou non de relire.;-) Ne serait-ce qu'avoir l'envie de relire justifie la lecture de cet essai.:-)
SupprimerEt évoque-t-elle le cas de la "relecture" d'un livre d'abord lu en traduction ?
RépondreSupprimerElle-même non (de mémoire) mais certains des interviewés abordent le sujet (assez brièvement). Julia Deck, dont l'anglais est la langue maternelle, dit : "lire une traduction puis l'original ne constitue pas une relecture, car la première est nécessairement une réinterprétation." Un traducteur de métier, Bernard Hoepffner, s'est prêté au jeu des réponses, et évoque lui le fait de relire des livres dans différentes traductions, entre autres pour apprendre les langues.
SupprimerUne question intéressante aussi figurait dans le lot : les auteurs se relisaient-ils (après avoir été publiés, s'entend)?