ENCABANÉE
Repéré chez Aifelle, bien que je ne sois pas trop récits d'exode urbain à l'échelle individuelle, et encore moins vers des grands espaces enneigés et bien isolés de la civilisation, j'ai senti que ce roman court pourrait tout de même m'amuser car il m'a semblé que la narratrice allait galérer dans son nouvel environnement tant idéalisé (quelle raison horrible pour être attirée par ce type de récit 😅 mais ce côté réaliste m'a plu d'emblée).
La narratrice, Anouk, lassée de "la rage carriériste et de la folie des grandeurs des temps modernes", décide de quitter son appartement à Montréal pour une cabane rustique dans les bois du Kamouraska, en quête d'une vie qui ait du sens. Hélas, si elle est en effet débarrassée du superflu, du système et de tout le cirque social des grandes villes qui lui pesaient tant, la nature et les nuits glacées lui réservent quelques autres épreuves peu enviables et son quotidien est bien loin d'être aussi idyllique qu'elle l'avait imaginé.
Dès les premières pages, j'ai été frappée et charmée par l'écriture de l'auteure, Gabrielle Filteau-Chiba, précise, maîtrisée, presque poétique par moment, aux tournures de phrases exquises. Le journal intime et les listes qui se greffent et complètent le récit en fin de chapitre sont par ailleurs une chouette trouvaille, la cerise sur le gâteau qui apporte une petite touche d'humour assez bienvenue.
J'ai beaucoup aimé, au début, le récit de l'arrivée dans la cabane, l'adaptation difficile, et la façon dont la narratrice s'accroche malgré tout à son idéal, en se rendant compte que c'est quand même plus compliqué qu'elle ne s'y attendait (le froid glacial, les bêtes sauvages, être une femme seule face à l'aspérité de la nature, le quotidien éprouvant (trouver de l'eau, se réchauffer, etc)). On sent qu'elle est à la limite du doute - a-t-elle fait le bon choix ? - et en même temps, il lui est impossible de revenir en arrière. L'ancienne vie n'est juste pas possible, pas plus que l'actuelle qui a au moins l'avantage de correspondre à son idéal moral même si elle en bave. J'ai aimé le fait qu'elle ne se voile pas la face sur sa nouvelle réalité, ni qu'elle ne tente de nous vendre du rêve. C'est le récit d'un parcours de vie, qu'elle ne cherche pas à embellir.
Et puis, une rencontre, et là, tout bascule ! J'ai beaucoup aimé que l'auteure passe alors à un langage plus local. J'adore tellement le parler québécois et ses expressions, ce qui m'avait un peu manqué dans la première partie. J'ai moins aimé, en revanche, le côté un peu miraculeux, providentiel, un peu trop romanesque, rapide, abrupt de cette rencontre, malgré son côté sauvage, brut, nature, qui la rend plus acceptable.
Heureusement, ce n'est pas tout à fait ce qu'on pourrait croire non plus mais là je ne peux vraiment pas en dire plus. Le livre est court et je ne laisserais pas beaucoup de marge à la surprise si j'en révélais davantage.:) J'ai été moyennement convaincue par cette surprise d'ailleurs. Je trouvais que ça faisait un peu beaucoup dans la barque, mais c'est un choix de l'auteure qui se défend et qui a une certaine cohérence tout de même dans l'ensemble du récit.
Tout cela s'est déroulé par ailleurs très vite, à partir de la rencontre, tellement vite que ça en est un peu déstabilisant.
Quelques extraits :
"Chaque kilomètre qui m'éloigne de Montréal est un pas de plus dans le pèlerinage vers la seule cathédrale qui m'inspire la foi, une profonde forêt qui abrite toutes mes confessions."
"Pisser à l'orée du bois pour éloigner les ours noirs. [...] Rentrer du bois, toujours plus qu'il en faut réellement, d'un coup que le mercure chuterait encore. Dur à croire qu'il pourrait faire plus froid, mais qui ne se prépare pas au pire se fera surprendre."
Et une sélection de passages de son journal et de ses listes (férocement drôles malgré la situation) :
"Phrases pour ne pas sombrer dans la folie quand tu as froid :
- Il n'y a pas de mauvais temps, seulement du mauvais équipement.
- Allô, la Sibérie.
- Les prisonniers des goulags ont vu pire.
- Hypothermie = mort rapide.
- Les Inuits riraient de ma déconfiture."
"J'ai froid. Un peu, beaucoup, passionnément, non... à la folie."
"Questionnements en position foetale :
- Le sang gèle à quelle température ?
- Le froid de canard correspond-il à la gelée des poils de nez ?"
"Qualités requises pour survivre en forêt :
- Tolérance aux techniques d'hygiène médiocres.
- Méditation dans le noir silence sur ce qui t'a poussée à t'encabaner loin de tout.
- Observation des traces fraîches de tes supérieurs dans la chaîne alimentaire.
- Miction contrôlée pour marquer ton territoire autour de la cabane."
J'adore !
L'auteure
Gabrielle Filteau-Chiba écrit, traduit, illustre et défend la beauté des régions sauvages du Québec. Encabanée, son premier roman inspiré par sa propre vie dans les bois du Kamouraska, a conquis un vaste public ici et à l'étranger.
C'est une lecture dont je garde un très bon souvenir. Tu me rappelles que je voulais me procurer le suivant, mais il n'était sorti qu'au Canada pour le moment. Je vais chercher à nouveau.
RépondreSupprimerOoh, intéressant ! Tu viens de me faire découvrir que ce roman faisait en fait partie d'un triptyque ! Je vais fouiner pour les deux suivants moi aussi.^^
SupprimerIls ne sont toujours pas sortis en France, j'espère qu'ils le seront un jour ...
SupprimerPeut-être lors de la sortie poche d'Encabanée. Heureusement qu'on a de quoi patienter en attendant.;)
SupprimerPuisque tu as aimé celui-ci, tu devrais aimer aussi "Un hiver de coyote" de Gabrielle Ardence, chez Transboréal. Ambiance québécoise garentie. Je n'ai pas fait de billet, j'avais déjà arrêté mon blog : https://www.babelio.com/livres/Ardence-Un-hiver-de-coyote/1321500
SupprimerOh oui, je sens que ça pourrait me plaire là aussi ! C'est fou parce que je n'aime vraiment pas le grand froid mais peut-être que la lecture de ce genre d'ouvrages me conforte justement dans l'idée qu'on est décidément mieux au chaud.^^
SupprimerTiens tiens, une lecture différente, et qui t'a plu. Cela me dirait bien, évidemment...
RépondreSupprimerOui, ce ne sont tellement pas mes thèmes de prédilection à la base mais l'auteure a réussi à m'embarquer avec elle. Étonnant !
SupprimerRooooh tu aurais des penchants sadiques alors??? ;)
RépondreSupprimerj'aime bien ce que tu en dis (confirmé par Aifelle en plus), je ne connais pas du tout l'auteure, donc je note. C'est dépaysant à souhait!
Ahaha, oui, il semblerait que j'ai quelques penchants sadiques.^^
SupprimerUne lecture que je recommande chaudement, une auteure à découvrir absolument, oui !
J'attends sa sortie en poche et je l'achète !
RépondreSupprimerExcellente idée !
SupprimerOups...j'avoue ne pas l'avoir selectionne pour le "hors concours"....et pas sure que cela va me plaire de plus...;)
RépondreSupprimerPour le "hors concours" ? J'ai beaucoup aimé et j'aurais tendance à le recommander mais j'avoue que je suis incapable d'affirmer que tu apprécierais autant que moi.
SupprimerCe concours....https://www.hors-concours.fr/.....
SupprimerIl faut se decider a partir d'un extrait....et cela ne m'a pas enthousiasme...et en plus il faut en choisir 5...seulement...;)
Je ne connaissais pas du tout ! C'est super le concept de ce projet et la volonté de donner plus de visibilité aux éditeurs indépendants.
SupprimerOh oui vraiment toute une bien bonne idee....mais un exercice vraiment difficile pour les lecteurs...lol
SupprimerJ'imagine ! Mais c'est une super expérience et aventure quand même.;)
SupprimerJe ne connais pas.
RépondreSupprimerOn pense souvent que ça sera mieux ailleurs, mais on retrouve souvent des problèmes...
C'est bien vrai. La vie est un long fleuve de problèmes en fait.^^
SupprimerJ'aime ce que tu dis de l'écriture, je suis presque certain que ça me plairait !
RépondreSupprimerJe pense aussi. Très curieuse de savoir ce que tu penserais de la rencontre en revanche.:)
SupprimerIl m'attend dans la PAL (si, si) ;-)
RépondreSupprimerAlors là tu peux te lancer sans risque. C'est une lecture rapide en plus.;)
Supprimertrop de bémols dans ton billet et trop de romans dans ma PAL, du coup, le choix est vite fait...
RépondreSupprimerC'est vrai que la deuxième partie pourrait faire tiquer un peu, mais pour moi, ça reste un roman (court qui plus est^^) qui vaut le détour. Ceci dit, je connais trop bien ce problème de choix à faire quand la PAL déborde déjà.;)
Supprimerça pourrait bien me plaire aussi!
RépondreSupprimerFranchement, c'est une belle petite surprise, malgré mes bémols sur la fin.
SupprimerBonjour A_girl_from_earth, à Paris, on a du mal à le trouver en bibliothèque. Mon ami veut le lire depuis qu'il a lu le billet d'Aifelle. Ce livre fait l'unanimité en bien sur les blogs. Bonne journée.
RépondreSupprimerLe poche ne devrait plus trop tarder. Peut-être à la rentrée littéraire de janvier. La saison s'y prêterait bien en tout cas.:)
SupprimerSinon je l'ai emprunté sur le catalogue numérique de la bibliothèque de Paris. Si vous avez une liseuse, c'est l'occasion d'en profiter.
Je l'avais noté chez Aifelle aussi, je crois pour les mêmes raisons que toi ;-) ( écrit la fille en pleine rénovation d'une maisonnette perdue ^-^ ). L'hiver approche, ce sera la lecture parfaite...
RépondreSupprimerMais oui, une lecture de saison, c'est une bonne idée ! Bon, j'espère que tu ne galères pas autant que la narratrice dans ta maisonnette.^^
Supprimerj'avais noté aussi déjà. Ma bibli ne le connaît pas, dommage !
RépondreSupprimerOui, ça viendra peut-être à la sortie poche.
SupprimerPourquoi pas ! Et puis dans ce style de roman, dans une environnement âpre, un peu de romanesque peut alléger un peu la lecture !
RépondreSupprimerC'est ce qu'a dû se dire l'auteure.:)
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