SOLÉNOÏDE
traduit du roumain par Laure Hinckel
C'est sur la foi de l'enthousiasme de quelques lecteurs qui ont eu le courage (et le plaisir) d'aller au bout de ce roman bien dense que j'ai noté ce titre dont le contenu m'intriguait fortement ! Le lecteur curieux était prévenu que ce n'était pas une lecture aisée, sans être forcément ardue, mais elle valait le détour. Une lecture qui se méritait en somme.
Lors d'une rencontre, Guadalupe Nettel, une auteure mexicaine, a fini par me convaincre de me lancer en exprimant toute son admiration pour l'auteur de ce roman, Mircea Cărtărescu, dont elle parlait comme d'un phénomène littéraire rare. Un appel à la LC qui s'est concrétisée avec Stéphanie, Cryssilda et Sarah, et c'était parti !
Je ne saurais trop résumer ce livre mais la quatrième de couv le décrit comme "le (long) journal halluciné d'un homme ayant renoncé à devenir écrivain, mais non à percer le mystère de l'existence." Et c'est exactement ça ! J'insiste particulièrement sur le "halluciné" qu'on aurait pu mettre en gras et souligner. 😂 Ajoutons à cela les mots "solitude", "introversion", "mélancolie", "ruine", "délire", "anomalies", "sens de la vie", "démence", "tristesse", désespoir", "Le Horla", Kafka, et mes co-lectrices ont évoqué 2666 de Roberto Bolaño (que je n'ai pas lu encore mais m'y risquerais-je un jour ?), et vous aurez une idée de l'ambiance générale.
Le premier tiers du livre, j'étais plutôt dans mon élément et j'adhérais assez bien aux délires de l'auteur à travers son personnage. Il faut dire que j'ai quelque affinité avec les gens un peu bizarres dans leur tête, qui paraissent décalés mais qui sont extrêmement lucides sur la vie ou qui interrogent la réalité. Mircea Cărtărescu m'a épatée par la justesse et la précision de son écriture, et le narrateur m'a fascinée par la profondeur de ses réflexions et observations sur notre rapport au monde, aux rêves, à la mort, tout en étant très accessible, et même irrésistiblement drôle par moment, surtout à travers son quotidien à la fois monotone et insolite.
J'ai toutefois rapidement ressenti qu'il allait me manquer un peu d'action, ou une vraie intrigue sur 900 pages, et des moments un peu gais aussi. Mon intérêt en cours de lecture était assez fluctuant, avec des pics d'enthousiasme et des moments hyène hilare, pour retomber comme un soufflé à la page suivante, et même pour s'éteindre complètement au dernier tiers du livre.
Il manquait (à mon goût) une perspective, un fil rouge. Le côté "journal halluciné" était amusant au début, mais sur la longueur, un peu répétitif par moment et ça manquait sévèrement de diversité, d'intrigue, de quelque chose vers lequel on pouvait se projeter.
Cette lecture (pour moi), c'était comme être spectateur d'un homme qui ne va pas bien dans sa tête, ou qui est peut-être trop lucide, et ne rien pouvoir faire d'autre que de le regarder et l'écouter. Alors oui, par moment ce qu'il raconte a quelque chose d'ingénieux, de lumineux presque, de cocasse même, et puis d'autres fois, c'est du radotage (enfin, pour moi, encore une fois).
Plus court, plus condensé, ça aurait sans doute mieux pris avec moi.
Sur mes trois co-lectrices, deux ont adoré (coup de coeur même pour l'une), et la troisième a abandonné.
Je suis allée jusqu'au bout mais j'aurais pu résumer ma traversée du dernier tiers par cet appel à l'aide du narrateur répété sur plusieurs pages vers le dernier quart du livre (cf ci-dessus). J'avoue que ce délire de l'auteur m'a beaucoup amusée, d'autant plus que ça faisait écho à mes propres pensées !
Quelques extraits :
"... et j'espère que cela n'est pas une illusion de plus, sur le vrai sens de la vie. Je n'ai pas écrit de fiction, mais cela a libéré ma véritable vocation : chercher dans la réalité, dans la réalité de la lucidité, du rêve, du souvenir, de l'hallucination et dans toute autre réalité. Bien qu'elle soit source de peur et d'horreur, ma quête me satisfait pleinement, comme les arts méprisés et non homologués du dressage de puces ou de la prestidigitation."
"Je me pelotonnais sur mon lit et je désirais si intensément mourir que je sentais quelques-unes de mes vertèbres finir par y consentir. Mon lit devenait alors un site archéologique dans lequel, jaunes et poreux, placés dans une position impossible de créature écrasée, gisaient les os d'un animal éteint."
"[...] la littérature est une machine à produire d'abord de la béatitude, ensuite de la déception. Ayant lu dix mille livres, tu ne peux que te demander : où était ma vie pendant ce temps-là ? Tu as avalé en vrac les vies des autres, toujours d'une dimension juste inférieure à celle du monde où tu existes, et peu importe les étonnants tours de force artistiques qu'ils représentent."
3ème pavé de l'année (976 pages) !
L'auteur
Mircea Cărtărescu est né en Roumanie en 1956. Docteur en Lettres, il enseigne aujourd'hui la littérature roumaine à l'université de Bucarest. Poète, romancier, critique littéraire, journaliste, son travail a été traduit dans une vingtaine de langues.
Hum, un peu comme Les lionnes, génial, mais long.
RépondreSupprimerAh, je ne connais pas Les lionnes mais je ne vais pas trop insister pour connaître alors.^^
SupprimerOui mais non...comme tu dis...c'est trop long
RépondreSupprimer"Oui mais non", ça aurait aussi pu résumer mon ressenti de lecture, tiens !^^
SupprimerLes gros pavés ont souvent beaucoup de pages qu'on pourrait facilement supprimer. J'aime quand on va droit au but. Beaucoup trop long pour moi !
RépondreSupprimerPour nous lecteurs, c'est toujours un peu trop long (et pourtant on enchaîne sans sourciller des livres de 200, 300, 400 pages qui finissent bien par en faire 1000 au total^^) mais pour l'écrivain, je me dis toujours que ça doit être pire, non ? Et je ne parle pas du travail des traducteurs sur d'aussi longs textes !^^
SupprimerHé bien merci de l'avoir lu pour nous, plus que la longueur, c'est l'aspect "journal halluciné" qui me freine...
RépondreSupprimerC'est pour ça que j'ai bien insisté là-dessus car je pense aussi qu'en tant que gros lecteurs, on peut toujours surmonter la hantise du gros pavé si on sent qu'un livre est fait pour nous, alors que certains thèmes en revanche sont vraiment rédhibitoires, même en textes courts.:)
SupprimerLe voilà :-D. J'avoue que je ne suis toujours pas décidée, pour la disponibilité que demande cette lecture. En te lisant, clairement, le premier tiers m'enthousiasme, mais je crains d'avoir le même ressenti que toi par la suite.
RépondreSupprimerCertains lecteurs ont quand même été enthousiastes jusqu'au bout.^^ J'avoue que là, je n'ai aucune idée de qui aimera ou non, ou qui aimera et finira par se lasser. Je n'ai vraiment pas détesté, même quand je commençais à fatiguer, mais j'avais franchement envie de passer à une autre ambiance. C'est le genre de livre qu'il faut lire quand l'envie se fait sentir, quand l'appel du livre est très très clair.^^
SupprimerJ'aurais dû me joindre à vous, cela m'aurait incitée à le sortir de mes étagères où il traîne depuis bien longtemps (et en grand format, pas très pratique pour le trimballer...)..
RépondreSupprimerOui, c'est vraiment le genre de livre à lire idéalement en LC. L'énergie de groupe est très motivante, surtout dans les moments où l'intérêt commence à fléchir.
SupprimerC'était moi, l'anonyme (un souci temporaire avec les commentaires sur blogger...).
RépondreSupprimerAaah merci, mystère résolu !^^
SupprimerVoilà bien un livre que j'ai acheté pour rien ! Impossible de le lire, pour moi, vraiment. C'est chez Jérôme que j'avais piqué l'idée.
RépondreSupprimerAaah voilà, il me semble bien que c'était chez Jérôme que je l'avais repéré en premier aussi ! Bon, pour celui-là, je suis restée prudente, je l'ai emprunté à la bibli.;)
SupprimerJ'ai vu ton comm sur le Baxter, retiré des parutions le 20, tu me dis!
RépondreSupprimerCe qu'il y a, c'est que vu mon planning cette semaine, je suis incapable de garantir une date. Je cible jeudi.;)
SupprimerSi tu aurais aimé plus court et qu'une de tes co-lectrices a abandonné, je passe tout de suite !
RépondreSupprimerOh oui, celui-là tu peux le passer sans scrupule. Je doute vraiment que tu y trouves ton compte.^^
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