LE COEUR NE CÈDE PAS

LE COEUR NE CÈDE PAS

⚠ Warning 1 : ce livre fait 903 pages.

⚠ Warning 2 : il ne traite pas de ce qu'on croit qu'il traite.

⚠ Warning 3 : l'auteur, Grégoire Bouillier (surnommé Boubouille entre nous, co-lectrices), est un véritable psychopathe.

⚠ Warning 4 : fuyez, tant que vous le pouvez ! (amicalement)

Non, en réalité, loin de moi l'idée de détourner quiconque de ce livre, beaucoup ont aimé, voire adoré (cf chez Keisha), mais sachez que si vous souhaitez vous y aventurer, c'est à vos risques et périls. Pour ma part, j'aurais aimé être prévenue, qu'il y ait une mention en 4ème de couv du genre "pour public averti - interdit aux lecteurs qui détestent qu'on les fasse tourner en bourrique".

Une fois que j'ai compris dans quoi je m'étais embarquée, j'étais en mode traumatisée dès que je voyais l'auteur surgir pour une nouvelle digression ou spéculation, c'est-à-dire, quasiment tout le temps.

Car voilà, le résumé présentait ce livre comme une enquête sur les circonstances autour de la mort d'une femme qui s'était laissée mourir de faim chez elle en tenant le journal de son agonie. Un fait divers survenu à Paris en 1985 et qui obsède furieusement l'auteur lorsque le hasard le met sur la piste de cette femme en 2018. "Qui était-elle ? Pourquoi avoir écrit son agonie ? Comment un être humain peut-il s'infliger une telle punition ?"

En soi, ce fait divers n'était pas ce qui m'intriguait le plus, il ne s'agissait pas d'un meurtre non élucidé, d'une affaire sordide entourée de sombres mystères, je n'étais pas particulièrement frétillante à l'idée d'en savoir plus (peut-être la première vraie alerte en ce qui me concerne), en revanche, j'aimais l'idée d'une enquête sur un fait divers un peu façon Jaenada (Philou), impliquant rigueur, enthousiasme contagieux, autodérision, loufoquerie et, pas ce que je préfère mais ça m'amuse de temps à autre, digressions. 

Sauf que Boubouille, lui, a une sacrée propension à la digression. C'est le bavard agaçant et épuisant que personne ne fera taire, qui s'enflamme d'un brin d'information ou d'une pensée fugace sans rapport avec la choucroute mais souvent avec lui-même, et qui vous entraîne avec lui dans sa perdition. Bref, avec lui, point de boussole, ça part dans tous les sens et ça peut durer des pages et des pages, un chapitre entier même, ce qui vous donnera à chaque fois l'impression d'avoir perdu un quart d'heure de votre vie que vous ne récupérerez jaaaamais.

Mais le pire, le pire (car oui, il y a pire), c'est que faute d'éléments concrets dans son enquête, il ne fait que spéculer sur ce qui a pu se passer, et comme c'est un grand bavard qui a de l'imagination à revendre, côté spéculation, ça y va. Des pages et des pages. Des chapitres entiers.

Pour brouiller les pistes, et c'est peut-être sa meilleure trouvaille, ce qui, pour moi, m'a rendu l'auteur et son livre sympathiques malgré tout, il se met en scène en tant que Baltimore (Bmore), détective privé agissant pour le compte de Grégoire Bouillier (himself), et, assisté de la jeune Penny (un sacré phénomène), ils se lancent tout deux dans la reconstitution de la vie de cette femme qui s'est laissée mourir de faim. Là, j'avoue, ce duo d'enquêteurs fictifs était truculent. C'est un délire haut niveau qui vaut le détour et qui aura valu quelques fous rires à celle-ci (lire le livre pour comprendre).

Malgré cette bonne surprise, ce livre, c'est à 70% beaucoup de blabla pour meubler (903 pages, je le rappelle), on finit donc par s'essouffler. Par ailleurs, j'étais mal à l'aise avec le voyeurisme de Boubouille et cette façon de fouiner dans la vie des gens tel le pire des paparazzis, en fantasmant davantage leurs vies qu'en fournissant des faits avérés. Et surtout, on a l'impression d'un gros foutage de gueule quand on se rend compte que ce livre est avant tout un prétexte pour parler de lui et de sa vie façon thérapie, en mode monologue "je m'écoute parler, je me regarde écrire". Certes, il y a de l'autodérision, mais voilà, toujours sur la longueur, on se lasse, on se lasse (enfin, moi). 

J'ai vécu cette lecture comme une prise d'otage. J'ai été appâtée au début, j'y ai cru un bout et une fois ferrée, je n'arrivais plus à fuir (je ne sais pas abandonner un livre après les 100 pages passées) même si je sentais qu'il était toxique. Je devais aussi être subjuguée par son audace sans limite. 

C'était particulier comme expérience de lecture qui se sera déroulée principalement en diagonale. Il y a de bonnes choses, certaines lues avec beaucoup d'intérêt, j'ai quand même bien ri par moment, il y a de l'originalité dans la forme et la structure même du récit, avec tout le délire impliquant le duo d'enquêteurs, complété par le site Le coeur ne cède pas qui atteste d'un sacré travail de recherches que je tiens tout de même à saluer, mais trop de spéculations faute de pistes solides, de voyeurisme malaisant, de digressions sur sa vie personnelle (ça franchement, c'était pénible) et sur d'autres hors sujets sans intérêt la plupart du temps, auront aussi fait de cette lecture un calvaire. 

Pas vraiment de regrets ceci dit. Malgré toute la souffrance et le traumatisme. Particulier, je disais.

LC avec Stéphanie et Sarah (abandon de cette dernière au tiers) (je la comprends).

Intègre le Défi lecture 2023 (11/30/100) => catégorie 12 (littérature ergodique).

L'auteur

Grégoire Bouillier, né en Algérie en 1960, est un écrivain français.