GROS-CÂLIN
Romain Gary, c'est tellement un de mes rares auteurs chouchou que je me suis embarquée avec Zarline dans deux LC en une année. La première, j'ai lu Lady L. et elle, Gros-Câlin, et la deuxième, nous avons inversé nos lectures (son billet à venir un jour ;-)).
Loufoque, bien barré même, Zarline m'avait prévenue, et c'est ce qui m'a d'ailleurs particulièrement motivée pour ce titre de Gary que je ne connaissais pas dans ce registre. Ce n'est finalement pas celui dans lequel je le préfère. Je le préfère quand il fait le philosophe sous couvert de dérision et surtout à travers une histoire plus classique, au moins dans les formes. Ce roman-ci s'apparentait en fait beaucoup à un exercice de style. Ceci dit, j'ai tout de même retrouvé ici ce que j'aime chez lui, sa lucidité sur la vie, sur le monde, exprimée avec beaucoup de justesse et de saveur, son côté piquant et tendre à la fois.
Je ne suis juste pas sûre d'avoir compris son délire, en tout cas, c'en est un immense !
Le postulat de départ ne laisse absolument pas présager ce vers quoi on s'embarque en ouvrant ce livre : un employé de bureau vit dans son appartement parisien avec comme seule compagnie, pour combler l'absence de bras réconfortants autour de ses épaules, un python de plus de deux mètres de long (le Gros-Câlin du titre). C'est pourtant le début d'un récit abracadabrantesque, aussi tortueux qu'un python, où l'on pourrait se perdre entre ses noeuds, confondre la tête et la queue. C'est sans compter le talent de Romain Gary qui, tel un charmeur de serpent, déroule son récit avec une maîtrise bluffante avec l'air pourtant de ne pas y toucher, et retombe sur ses pieds malgré des digressions qui n'en sont pas tout en l'étant !
Loufoque, barré donc, mais des délires pas toujours évidents à saisir, assez surprenants même parfois de la part d'un Gary. C'est peut-être plus ça qui m'a laissée perplexe plutôt que le fait que j'ai moins apprécié Gary dans ce registre.
J'ai bien aimé d'ailleurs, même si le récit m'a déstabilisée par moment. Souvent c'était du fou, délirant, accessible, à mon niveau disons, je ne pouvais donc qu'adhérer. Rien que la langue dans laquelle Cousin, notre (anti)-héros, s'exprime, vaut le détour. Un français très curieux mais savoureux, une langue véritablement unique, à moitié inventée dans les tournures de phrase et les expressions. C'était franchement très drôle à lire. Des tours de phrases inhabituels mais d'une grande logique dans leur formulations, et empreintes de dérision et de n'importe quoi, qui vous laissent parfois interdit car malgré tout, il s'en dégage une certaine profondeur, une justesse de pensée renversante.
J'ai bien aimé d'ailleurs, même si le récit m'a déstabilisée par moment. Souvent c'était du fou, délirant, accessible, à mon niveau disons, je ne pouvais donc qu'adhérer. Rien que la langue dans laquelle Cousin, notre (anti)-héros, s'exprime, vaut le détour. Un français très curieux mais savoureux, une langue véritablement unique, à moitié inventée dans les tournures de phrase et les expressions. C'était franchement très drôle à lire. Des tours de phrases inhabituels mais d'une grande logique dans leur formulations, et empreintes de dérision et de n'importe quoi, qui vous laissent parfois interdit car malgré tout, il s'en dégage une certaine profondeur, une justesse de pensée renversante.
"Je vis seul, et je l'ai appelée Blondine, à cause, justement, de personne."
"Moi aussi j'aurais voulu être quelqu'un d'autre, j'aurais voulu être moi-même."
"Monsieur Burak retira sa main et me regarda d'une façon, oui, d'une façon, il n'y a pas d'autres mots."
"Je ne saurais vous en dire plus sur mon état de confusion, en raison même de cet état."
"J'étonnerai en disant que la Cordillère des Andes doit être très belle. Mais je le dis hors de propos pour montrer que je suis libre. Je tiens à ma liberté par-dessus tout."
"D'ailleurs, je n'attendais nullement qu'il mette son bras autour de mes épaules, en me jetant un de ces "ça va?" qui permettent aux gens de se désintéresser de vous en deux mots et de vaquer à eux-mêmes."
"Le professeur Tsourès avait une voix indignée, elle était indignée une fois pour toutes, comme si elle était tombée en panne à ce ton-là au cours d'une indignation particulièrement grande."
"La vie est une affaire sérieuse, à cause de sa futilité." (ça, c'est du grand Gary !)
Loufoque, barré, oui, mais il y a aussi quelque chose d'infiniment triste dans ce récit. Cet homme seul, avec son python. La notion de solitude au milieu de la multitude (Paris, des millions d'habitants) qui résonne tout le long. Un homme un peu simple d'esprit, illuminé, qui m'a par moment fait penser à Parpot dans son côté faussement inoffensif. Son amour pour Mlle Dreyfus, "une Noire de la Guyane française, comme son nom l'indique", une collègue de bureau dont il est persuadé qu'elle partage ses sentiments, m'a valu des moments "hyène hilare" tellement ces passages sont truculents. Pauvre Cousin tout de même.
D'autres thématiques surfacent entre les lignes, plus subtiles, mais tellement subtiles que je pense les avoir à peine entr'aperçues. C'est d'ailleurs indéniablement un de ces livres qui mériterait études sur études et analyses approfondies (peut-être en existe-t-il d'ailleurs), ne serait-ce que du point de vue linguistique, tellement c'est foisonnant d'ingéniosité, de réflexions plus profondes qu'il n'y paraît, de messages subliminaux même, j'en suis sûre, en tout cas de multicouches de lecture sous une surface de loufoquerie que l'on pourrait balayer d'un revers de la main.
Je dois dire aussi que je serai marquée à vie par sa lettre au professeur Lortat-Jacob où il relate une histoire de spermatozoïdes à la chute totalement inattendue. Un choc pour moi (m'enfin, Gary!), et drôlissime, pour peu qu'on ait du 1000è degré.:-)
L'édition que j'ai lue est une nouvelle édition par rapport à celle de 1974 dont la fin avait été modifiée par Gary à la demande des éditeurs. Celle-ci reprend donc la fin initiale souhaitée par l'auteur.
J'avoue que, personnellement, je n'ai rien compris à cette fin "écologique".
Je reste déconcertée, là. Je me souviens de L'angoisse du roi Salomon, pas mal, ça te plairait. Je voyais Gary plus 'classique', mais finalement le côté barré devrait me plaire. Tu me conseilles quoi en grosse priorité?
RépondreSupprimerPfff je viens d'aller voir le résumé (en fait un extrait) de L'angoisse du roi Salomon, ça me plaît bien oui ! Je sens que ça va être mon prochain Gary ! Peut-être pour cette année tiens !:-)
SupprimerBon, si tu veux du barré, c'est Gros-Câlin qu'il faut que tu lises. Je n'ai pas adhéré à tout comme je disais, mais c'est barré, y a pas à dire, et je pense que tu es bien armée pour apprécier.;-) Sinon moi j'aurais tendance à recommander La promesse de l'aube que j'ai adoré, bien que j'ai un sacré faible pour La vie devant soi, un coup de coeur aussi. Voilà !:-)
Sais-tu que je n'ai jamais lu Romain Gary ? Mais je compte y remédier, tu donnes envie, là !
RépondreSupprimerJe l'ai découvert tardivement moi-même, il y a 6 ans par là. Il n'est jamais trop tard.;-) Et quelle chance même de pouvoir encore découvrir de tels talents !
SupprimerJ'aime beaucoup Romain Gary. Mon opinion ne se base que sur "La promesse de l'aube" (que j'ai très envie de relire avec les illustrations de Joann Sfar). Pour "Gros-Câlin", malgré ta longue critique très motivée, je passe mon tour. Je préfère Gary dans un registre plus autobiographique ;-)
RépondreSupprimerAaah La promesse de l'aube ! Quel régal ! Mais j'aime aussi Gary à travers ses romans. Je n'en ai lu que deux, enfin trois avec Gros-Câlin, mais ce dernier, pour moi, c'est un cas à part. Plus de l'ordre de l'exercice de style, de l'expérimental même, je dirais. Je ne le recommanderais pas à tout le monde, non.;-)
SupprimerJ'ai honte, je n'ai encore jamais lu Gary... La vie devant soi est à mon programme de l'année...!
RépondreSupprimerQuelle chance ! Ma rencontre avec Gary s'est faite il y a 6 ans avec ce livre, et c'est là que j'ai décrété que c'était mon auteur chouchou ! Hâte de te lire à son sujet !
SupprimerMoi non plus je n'ai jamais lu Gary. Mais j'aimerais bien ;)
RépondreSupprimerMais finalement on est nombreux à avoir raté Gary à l'école ! Je croyais que j'étais la seule. Je n'ai plongé dans son univers qu'il y a 6 ans, histoire de combler une lacune, et depuis, je suis fan ! Allez, Jérôme ! Gary en 2016 !:-)
SupprimerAlala, j'ai honte de ne pas être au rendez-vous mais pas facile de lire et encore moins de bloguer avec un petit bout de 5kg dans les bras. J'espère trouver une solution pour m'y remettre bientôt ;-)
RépondreSupprimerBref, Gros-Câlin, pfiou, tellement éloigné de l'image que j'avais de son auteur. Ce n'est pas non plus mon registre préféré pour Gary mais c'est vrai que le message reste très percutant et certaines tournures de phrases tout simplement géniales.
Très beau billet en tous cas. Tu me donnes envies de ressortir mon exemplaire pour relire cette histoire de spermatozoïdes dont j'ai peu de souvenir et tu m'intrigues aussi pour la fin. Il faudra que tu me racontes dans un mail si tu as le temps ;-)
Allez, rendez-vous pour Brink!
Ohlala franchement pas de souci pour les LC.;-) On projette, on essaie et puis si on n'y arrive pas pour x ou y raison, ce n'est que partie remise. J'ai en plus une grosse dette LC avec Guerre et Paix (dont je n'oublierai jamais mon immense raté haha !). Et puis j'imagine bien qu'avec mini-Z, c'est tout une autre organisation maintenant.
SupprimerSinon pour Gros-Câlin, ce que je rajouterai et que j'ai oublié de mettre dans mon billet (déjà bien bavard), c'est que pour moi, ça confirme encore Gary au rang de génie ! Il m'épate, même s'il m'a par moment perdue ici. Quant à l'histoire des spermatozoïdes, si tu ne l'as pas retenue, oublie.;-) Ce n'est pas le moment le plus glorieux de Gary mais je ne l'attendais tellement pas avec cette histoire que ça m'a scotchée !
Next, Brink, oui.;-)
Oui alors, déjà un serpent dans l'histoire, pour moi c'est IM_PO_SSI_BLE donc je serais passée de toutes manières. Sans compter que le loufoque j'ai du mal. Je connais Gary moins bien que toi mais je préfère me contenter de son registre plus classique (plus connu aussi) qui m'a réjouie à 20 ans. Mais là solitude n'est ce pas ce qui guide une grosse partie de son oeuvre quand même ?...
RépondreSupprimerÇa ne m'a pas frappée mais je ne suis pas si experte en Gary que ça.;-) Disons que ce qui m'a toujours marquée dans ses oeuvres, c'est sa grande lucidité sur la vie, sa grande compréhension de la nature humaine, et son sens de la dérision. Après, les gens dotés de ces qualités doivent se sentir très certainement seuls au fond, oui, et cela transparaît peut-être dans ses oeuvres. Je me pencherai sur la question à la lecture de mon prochain Gary.;-)
SupprimerGros-Câlin n'est pas mon préféré de ses livres, et je ne le mettrais pas entre toutes les mains (à l'inverse des autres ouvrages que j'ai lus, La vie devant soi, La promesse de l'aube, Lady L.), alors si tu ne le sens pas, je ne m'acharnerai pas.;-)