LA MAIN DE JOSEPH CASTORP
traduit du portugais par Elisabeth Monteiro Rodrigues
Ça va être un brin décousu et bien vague sur l'intrigue en elle-même mais je ne pouvais vraiment faire autrement.
Deux commentaires de lecteurs pour situer :
"Brillant, énigmatique et agaçant" (lu sur Amazon)
"On adore ou on déteste" (lu sur Goodreads)
Mon grain de sel :
Un roman très surprenant, avec une originalité certaine, où l'on a l'impression d'avancer comme sur un fil.
Au début, j'ai cru tenir le personnage principal car l'auteur le présente de façon à nous intriguer. On pense qu'on va en savoir plus, on veut en savoir plus, et puis, il meurt. Ah ? Zut ! Aaah mais peut-être qu'on va en savoir plus sur sa vie quand même, par le biais de flashbacks. Le récit semble en tout cas parti pour. Hé bien, non, encore une fois, non... Et pourtant... Si ?...
En réalité, cet auteur portugais, João Ricardo Pedro, est un vrai Shéhérazade. Au fur et à mesure de son récit, il donne l'impression de digressions mais qui n'en sont pas, avec des détails sur certains aspects ou personnages du récit qui paraissent incongrus et superflus mais on a énormément plaisir à les lire quand même. On le suit sans savoir où on va, et puis brusquement il termine ses chapitres par une chute qui laisse comme en suspens, mais qui boucle tout de même une boucle. Ça donne la sensation d'être abandonné avec une information dont on ne sait quoi faire, et en même temps, elle fait partie intégrante de l'histoire. C'est vraiment très spécial.
J'ai beaucoup aimé le style de l'auteur, sa façon un brin désinvolte de dire les choses qui, en même temps, laisse l'intérêt et la curiosité à vif. J'ai trouvé qu'il avait un talent narratif original, avec quelque chose qui frôle l'humour noir et froid, un très léger poil décalé. On ne sait pas trop s'il se moque, on se demande la tête qu'il a quand il écrit tout ça, comment on doit prendre les choses, en tout cas il s'amuse clairement. J'ai adoré par ailleurs ses observations sur la vie, ses petites vérités, et ses anecdotes qui illustrent toujours des moments sur l'ironie de la vie, le tout en mêlant habilement langue brute, peu châtiée, et poésie dans les mots et tournures des phrases.
C'est un récit vivant et foisonnant, profondément humain, avec ce quelque chose de toujours émouvant dans le fond, comme un violon ou un saxo qui accompagnerait ce récit en sourdine, sans qu'on en perçoive les sons, mais la résonance est là, éveillant une vieille mélancolie du fond des âges. C'est vraiment très particulier.
Il m'est impossible de résumer l'intrigue, je ne saurais par quel bout le prendre. Ce roman, c'est comme un puzzle qu'on rassemble petit à petit ou qu'on croit rassembler. On trouve des ensembles, et puis, subitement, on se retrouve avec une pièce qu'on ne saurait où placer, et qui va former le début d'un autre ensemble. Et petit à petit, on aperçoit les liens entre chaque ensemble.
Le meilleur résumé, ce serait la description de ce tableau dans ce livre :
Le meilleur résumé, ce serait la description de ce tableau dans ce livre :
" "Devant celui-ci", dit mon père, et il désigna un tableau. Un tableau dont la difficulté majeure pour celui qui le voyait, du moins pour la première fois, de surcroît pour un Européen du Sud né à Vila Viçosa, était de décider où porter son regard, tant les situations représentées apparemment sans lien étaient légion. On pouvait bien sûr le regarder en quête seulement d'une idée d'ensemble, de ce qu'on appelle un effet plastique. Mais, on aurait alors sûrement affaire à une oeuvre vide de sens ou dépourvue de toute narration, ce qui serait d'autant plus lamentable."
Et au final, incroyablement, tout se tient. On croit que l'auteur nous balade, mais il maîtrise son récit à merveille. On pourrait croire qu'il s'est égaré dans les méandres de son intrigue mais du tout, il savait où il allait. Il sait ce qui nous tient en haleine et il aime à se jouer de nous, nous surprenant toujours là où on ne l'attendait pas.
Pouah et la fin, comment a-t-il osé ?! J'en suis encore toute AaaAAaaah ! Énervement et en même temps admiration ! Cet auteur, c'est une vraie ordure ! J'aurais très bien pu lui mettre un zéro sur 5 rien que pour ça et je pressens que certains détesteront ce roman précisément pour son audace, limite foutage de gueule ! Il y a de quoi être déçu. Mais cette fin fait vraiment partie de la force de son récit. Il a osé ! Je n'en reviens pas ! Un sacré tour de force. Mais pour le coup, j'adhère. À 100%. Un génie ! Un auteur à suivre, assurément (et j'ose espérer une suite à ce récit). Je serais presque tentée de dire, voilà le Baricco portugais (quand ce dernier est à son meilleur) !
Pour finir, la quatrième de couv' met en avant l'aspect "histoire du Portugal" mais ce n'est pas ce qui m'aura le plus marquée, même si effectivement, on sent le vent de l'histoire portugaise passer à travers la vie et l'histoire des personnages sur trois générations.
Également admirablement commenté par Ingannmic.
Également admirablement commenté par Ingannmic.
L'auteur
João Ricardo Pedro, né près de Lisbonne en 1973, était ingénieur dans les télécommunications. Il commença à écrire quand il fut licencié. La Main de Joseph Castorp est son premier roman. Il a obtenu le Prix LeYa 2011, l'un des plus prestigieux du Portugal où il a déjà séduit de nombreux lecteurs.
Portugal => 18/28
C'est le genre de romans que j'aime lire (c'est vraiment très particulier, dis-tu) mais que je peux très bien abandonner en cours de route. ^_^
RépondreSupprimerRien à la bibli, donc calme plat.
J'allais dire que ça m'étonnerait que tu puisses abandonner en cours de route pour celui-ci, mais bon, t'as quand même lâché Station Eleven, catégorie inlâchable pour moi aussi (même si rien à voir vraiment côté intrigue et style d'écriture).;-)
SupprimerSi je comprends bien, c'est à lire, donc ?! Décidément, tu vas devenir ma fournisseuse officielle de titres singuliers !
RépondreSupprimerC'est marrant, la façon dont tu en parles m'évoques L'année de la mort de Ricardo Reis, de José Saramago, un autre portugais, un roman fait de digressions, de petits riens, mais dans lequel on finit toujours par se raccrocher à un fil conducteur.
Ah oui, oui, c'est à lire ! En plus, au vu de tes lectures et de tes avis, je suis sûre que tu sauras pleinement apprécier !:-) Et je suis très curieuse de ta réaction sur la fin.:-)
SupprimerAaah, José Saramago, c'est un de mes auteurs chouchou portugais ! Je n'ai pas lu L'année de la mort de Ricardo Reis mais je note de suite !
Pour ce roman (dont il m'a vraiment été difficile de parler), ce n'est pas tant qu'il est fait de digressions mais on a l'impression que l'auteur diffère indéfiniment la/les réponse(s) à des questionnements qu'il a suscités dès le départ, en parlant de détails annexes qui semblent des parenthèses mais qui en fait sont des éléments de réponses. Enfin, non, ce n'est pas aussi simple que ça non plus. Bref, non, vraiment, c'est difficile d'expliquer ce roman.;-)
Le Baricco portugais, tu as l'art de trouver les comparaisons qui font mouche ! Et puis me faire balader par quelqu'un qui maîtrise son sujet, je suis toujours partant ;)
RépondreSupprimerJ'ai lu par la suite que la critique le comparait à Garcia Marquez ou Saramago. Je visualise mieux Baricco pour le côté grain de folie qui n'empêche pas la maîtrise totale de son sujet. Très curieuse de ton avis si tu le lis !
SupprimerTiens, tiens, j'avais déjà repéré le titre de ce roman, je me laisserai peeut-être tenter un jour grâce à ton billet...
RépondreSupprimerJ'espère vraiment lire d'autres avis et réactions sur ce roman qui sort des sentiers battus. C'est Dominique Fournier, de ce blog https://abagendo.wordpress.com/category/livres/, si je ne me trompe, qui me l'a recommandé via FB, malheureusement je n'y ai pas trouvé de billet sur ce livre.
SupprimerArgh, billet super intriguant. Je veux connaitre cette fin maintenant ^_^ Bon, sérieusement, je suis complètement à la rue en ce moment niveau temps et part de cerveau disponible, alors c'est probablement plus sage d'attendre un peu avant de me lancer dans ce roman mais je note sans hésitation pour plus tard.
RépondreSupprimerMais oui, ça fait un bail que je ne t'ai pas vu sur la blogo ! Bon, il y a des passages comme ça...:-) En tout cas, pour ce livre, ce n'est pas le genre tortueux qui requiert toute ta concentration. C'est vraiment fluide, entraînant malgré soi.;-)
SupprimerHan!!!??? Le Baricco portugais? (vois-tu mes yeux exorbités? ^^)
RépondreSupprimerC'est que je l'aime trop ce Baricco!
Alors après, tant pis si c'est décousu et vague sur l'intrigue... :P
Et puis c'est "profondément humain", ça suffit pour me convaincre!
Je ne crois pas avoir lu beaucoup d'auteurs portugais. Est-ce que j'en ai déjà lus tout compte fait? Hum...
Bonne semaine à toi! :D
On ne peut pas dire que les auteurs portugais envahissent nos rayons, non.:-) Faut vraiment avoir envie de lire portugais pour en trouver, haha ! Bon, il y a les classiques Saramago, Antonio Lobo Antunes, Lidia Jorge, quelques 2-3 autres, mais c'est tout...
SupprimerAaah mon Baricco portugais, j'ai du faire appel aux internautes pour en entendre parler... Et qu'est-ce que je suis ravie de cette découverte ! Bon, je préviens quand même, c'est pour public averti. Il ne faut pas avoir peur d'être décontenancé ou pris au dépourvu.:-)
Bonne semaine, bises ! :-)