TRASHED

TRASHED

En décembre (c'est dire si j'ai du retard dans mes billets...), lors d'un saut à la bib' pour y rendre des livres, je passe devant une table sur laquelle étaient entassés des petits paquets cadeaux. Je me rapproche, curieuse, et tombe sur un colis étiqueté des mots suivants : "Décalé, déjanté... décapé aussi (mais pas partout 😃)". Aïe ! Les mots fatals en ce qui me concerne. J'hésite, j'ai déjà tant à lire, mais la curiosité est plus forte que tout et je ne résiste pas à cette surprise originale de ma bib'.

Dans ce paquet, il y avait cette BD. J'avoue, j'ai eu une petite moue de déception car ce n'était pas exactement mon idée du décalé, déjanté. Les dessins ne m'inspiraient par ailleurs pas du tout, mais j'ai finalement décidé que je lirai cette BD car la thématique me semblait intéressante et originale.

L'auteur, Derf Backderf, s'inspire en effet de son année passée en tant qu'éboueur avant d'entrer à l'université, et raconte donc les joies déboires du métier qu'on est loin d'imaginer aussi horrible que ça l'est en réalité. Sans parler de l'envers, de l'endroit et du dessous du décor du monde des déchets ! Terriblement instructif et assez effrayant quand on plonge son nez dedans et qu'on prend le temps d'y réfléchir.

Cette phrase sur la 4è de couv' avait achevé de me convaincre de lire cette BD :

"Trashed est à la fois un truculent récit parsemé d'anecdotes hilarantes, un portrait au vitriol de l'american way of life et un document édifiant sur les dommages collatéraux de la société de consommation."

Tout est dit.

Rien de franchement décalé ou déjanté (à part peut-être la thématique en elle-même et tout ce qu'elle implique) mais je ne regrette absolument pas cette lecture qui m'a fait voir les éboueurs sous un autre angle. J'ai vraiment appris énormément sur la réalité du ramassage des ordures et le traitement des déchets, ouvert les yeux sur le gaspillage et l'hypocrisie de notre système (mais en même temps que faire concrètement ?).

Je n'ai pas réussi à apprécier le trait de Derf Backderf même si j'ai fini par m'y faire, mais j'ai vraiment bien aimé la façon dont il a traité son sujet et rapporté son expérience. Un ton très bled américain perdu dans l'Ohio qui m'a rappelé certains films indépendants américains avec des dialogues francs, directs, bruts qui ne s'embarrassent pas de gants, des réparties cinglantes, de l'ironie et du cynisme à tour de bras, et un humour noir et froid qui m'a beaucoup plu.

Il y a aussi des moments vraiment trash qui me donnent encore des frissons à leur simple souvenir, mais bon sang, tout cela vaut le détour. C'est un récit qui a valeur de documentaire quasi indispensable.

J'ai apprécié aussi les pages informatives sur le monde des ordures, l'introduction "une brève histoire des ordures" et la conclusion qui ouvre une fenêtre sur un avenir incertain quant à la capacité des décharges de contenir encore plus.

 "Et gardez à l'esprit que nous avons déjà plusieurs décharges profondes d'au moins 120 m". 
120 m, plus haut que Big Ben (96 m), le château de Cendrillon à Disneyworld (58 m), la statue de la liberté (93 m)

À noter que son expérience s'est déroulée dans les années 1980. Plus de 30 ans se sont écoulés mais il n'y a pas de grand changement dans le fonctionnement du ramassage et traitement des ordures. Un peu plus de tri mais c'est presque vain dans le lot des déchets.

"Quelle quantité d'ordures produisons-nous ? Avec les déchets générés par les seuls Américains, l'Agence de Protection de l'Environnement estime qu'on pourrait former en 18 mois une ligne continue de camions poubelles pleins allant jusqu'à la lune !"

L'auteur

Né en 1959 à Richfield dans l'Ohio, Derf Backderf, de son vrai nom John Backderf, est un dessinateur de presse et auteur de bandes dessinées américain.