ILLSKA
LE MAL
traduit de l'islandais par Éric Boury
Au lendemain de ma lecture, il me semblait déjà compliqué de résumer ce roman ambitieux et assez copieux en quelques lignes, alors quatre mois après...
Il m'était toutefois nécessaire de resituer le contexte de l'histoire que j'ai du coup résumé et remanié à l'aide des quatrièmes de couv de deux éditions du livre :
"Reykjavik, 2009. Agnes et Omar se rencontrent à une station de taxis. Agnes est juive et rédige une thèse sur l'extrême droite contemporaine. Obsédée par l'Holocauste, elle a la guerre dans la tête et dans le coeur. Agnes aime Omar qui aime Agnes qui aime aussi Arnor, un néonazi cultivé qu'elle a contacté pour sa thèse. Trois ans plus tard, Omar s'enfuit et quitte le pays. L'histoire commence en réalité bien avant, au cours de l'été 1941, par le massacre des Juifs de la petite ville lituanienne de Jurbarkas."
Holocauste, nationalisme, populisme, néonazis, histoire d'amour... En vrai, tout cela ne m'attirait pas si ce n'est que l'auteur, Eiríkur Örn Norddahl, est islandais, que l'histoire se passe en Islande, et que depuis février, j'ai développé une nouvelle lubie pour tout ce qui touche de près ou de loin à l'Islande. Et puis ce roman avait eu excellente presse à sa parution. Il était tout de même sur ma LAL depuis un moment. Sans compter qu'on y parlait Lituanie également, et que c'est toujours l'occasion d'un enrichissement culturel de plus.
Soulagement... L'auteur a réussi à me prendre par surprise dès les premières pages, son style m'a séduite d'emblée, un style narratif dans lequel il arrive à glisser de l'humour là où on s'y attend le moins, entre noir, ironie, fausse naïveté ou ingénuité, et farce (rendant l'horreur encore plus glaçante), avec des annotations parfois personnelles entre parenthèses, comme des clins d'oeil au lecteur qui sortent totalement du cadre du récit (j'ai aimé cette sorte de dialogue un peu impromptue, décalée).
L'intrigue m'a fascinée d'emblée et entraînée dans son sillon sans que je ne m'en rende compte. J'ai trouvé les thèmes abordés très intéressants à travers leurs considérations philosophiques, sociologiques et politiques très instructives et sources de multiples réflexions.
À la lecture du résumé, on pourrait craindre une histoire à la fois dense et éclatée, dont le suivi serait éprouvant, mais rien n'est laissé au hasard ici, "tous les éléments sont liés par de surprenantes lois de causalités".
La petite histoire qui se mêle à la grande, c'est assez classique, mais ici, j'ai trouvé que c'était subtilement développé. L'oeuvre est ambitieuse mais l'auteur semble avoir relevé le défi sans effort. J'ai adoré la fluidité de son récit, pourtant construit de manière entrecoupée, les intrigues et les réflexions s'imbriquant les unes dans les autres sans qu'on soit pour autant décontenancé.
J'ai juste ressenti une pointe de déception sur la fin, par rapport à l'évolution de l'histoire (dès l'arrivée de l'enfant en fait, dont les états d'âme m'ont lassée sur la longueur), sa conclusion, son dénouement. Je m'attendais à autre chose, à moins tragique, abrupt et sans concession. Cette fin, c'était comme si on nous lâchait avec un "et voilà, merci, vaquez à vos occupations maintenant".
Ça reste malgré tout un roman impressionnant par l'ambition de son intrigue et la maîtrise de sa narration.
Extrait :
"Maironis, le grand poète lituanien, chanta le Niémen dans une ode parfois décrite comme l'hymne non officiel de la nation. Le texte commence ainsi :
Là où court la rivière Sesupé, là où coule le Niémen,
C'est là qu'est notre mère patrie, la belle Lituanie.
Cette ode est un machin affreusement ampoulé qui dégouline de rivières, de montagnes et de toutes sortes d'inepties sur les grands espaces - c'est la loi du genre. S'agissant des poèmes à la gloire de la patrie, les peuples se valent tous, pour le pire. On supporte ça patiemment, que ce soit en Lituanie, en Islande ou en Israël, en espérant que les notes meurent avant que les tremblements et autres trémolos imbéciles nous assassinent. Peut-être faut-il également y voir la preuve qu'en fin de compte nous nous ressemblons tous dès que nous cédons au nationalisme maladroit et à l'arrogance."
L'auteur
Eiríkur Örn Norddahl est né à Reykjavik en 1978. Poète et traducteur, il a vécu à Berlin puis dans plusieurs pays d'Europe du Nord, en particulier en Finlande, et dernièrement au Vietnam.
Je ne connaissais pas du tout mais c'est noté ! Je regarde toujours les articles sur la montée des extrêmes droites car je trouve ça plutôt inquiétant... le sujet m'intéresse donc.
RépondreSupprimerTu sauras sûrement apprécier ce livre alors car le sujet est exploré sous toutes ses coutures et j'ai moi-même trouvé cela très intéressant et instructif alors que j'aurais plutôt tendance à fuir ce genre de thème.
SupprimerJ'ai voulu l'emprunter à la bibli mais il ne l'avais pas... Je vais surveiller les sorties poches ou peut-être que j'irai l'acheter directement en librairie...
SupprimerPS : tu l'avais dans ta bibli ? C'est pas commun non ?
SupprimerC'est vraiment dommage que ta bibli ne l'ait pas mais peut-être estiment-ils que ça ne tenterait pas beaucoup de lecteurs ? Je l'avais emprunté via la bibliothèque numérique de Paris. Sinon, il me semble qu'il existe déjà en format poche car ce livre est paru il y a bien 4 ans maintenant.
SupprimerJ’aurais pu le l ire, à l'époque, Métailié, tout ça, mais là je ne sais pas. Le passage cité n'est pas mal du tout!
RépondreSupprimerCe n'est qu'un exemple parmi d'autres, je ne pouvais malheureusement pas tout recopier.:) Ce roman regorge de ce genre de considérations dont on apprécie les tournures de phrases, le ton et le propos.
SupprimerEffectivement, à la lecture du résumé, l’histoire semble un peu foutraque, mais vu ce que tu expliques ensuite, je suis carrément tentée en fait. En plus, le mélange des registres que tu évoques me plaît, surtout vus les thèmes abordés, un propos distancié est souvent plus juste que le récit de l'horreur.
RépondreSupprimerOui, ça n'empêche que l'impact soit aussi fort. Il y a certains passages difficiles tout de même car on a beau se distancier, l'horreur restera toujours l'horreur. En tout cas, c'est un roman habilement tissé que je recommande chaleureusement.
Supprimeroh un islandais! Tu me tentes, tu sais! En quatre mois, je crois que j'aurais presque tout oublié, moi…
RépondreSupprimerCe roman m'a marquée longtemps après ma lecture. J'avais failli en faire un coup de coeur si ce n'est cette fin qui me l'a un peu gâché. J'avais rédigé mes impressions de lecture quasi la dernière page tournée parce que j'étais inspirée et je pensais y revenir plus tard. Je ne me doutais pas que quatre mois passeraient. J'étais bien contente du coup d'avoir le billet quasi prêt parce qu'en effet, je n'aurais pas pu en parler de la même façon.:)
SupprimerIl reste à faire un voyage en Islande maintenant... Moi, j'aimerais en tout cas !
RépondreSupprimerJe reviens de vacances où je n'ai pas beaucoup lu : beaucoup de choses à découvrir.
Bonne semaine.
Ah mais je l'ai fait ce voyage déjà.:) Et ça a été un vrai coup de coeur ! C'est pour ça que j'ai développé cette lubie subite pour tout ce qui concerne de près ou de loin l'Islande.:)
SupprimerEt moi c'est demain que je pars en vacances (enfin !).
Bonne semaine.
J'en garde le souvenir d'une lecture qui fait beaucoup réfléchir, très dense, prenante. Il me semble qu'il sort un nouveau roman ce mois-ci. http://legoutdeslivres.canalblog.com/archives/2015/08/28/32543766.html
RépondreSupprimerTu as raison ! Je viens d'aller vérifier, c'est Gaeska - la Bonté. Chouette ! Me voilà bien tentée par le résumé mais j'ai déjà son précédent, Heimska - la Stupidité dans ma PAL. Je vais procéder dans l'ordre.:)
SupprimerIl y a quand même de sacrés auteurs en Islande. Tant de talents pour une si petite population, ça laisse rêveur...
RépondreSupprimerC'est vrai ! Je n'ai pas fini d'explorer la littérature islandaise. En dehors des contemporains qui semblent tous (ou presque) très prometteurs, j'ai prévu de lire leur Nobel de la littérature dont ils sont très fiers, Laxness.
SupprimerLes sujets ne me tentent pas ! Néanmoins, je communique mon étonnement que tu n'aies pas lu ce roman en V.O !
RépondreSupprimerAhaha ! Tu sais que j'étais très motivée pour me mettre à l'islandais à mon retour mais le coût d'une des (très) rares méthodes de langue disponibles en France était hors de prix, ça m'a calmée.^^
SupprimerBonsoir A_girl, je n'ai pas été totalement convaincue par ce roman très (trop?) long. Et j'avoue que j'ai oublié en partie l'histoire. Bonne soirée.
RépondreSupprimerBonsoir Dasola, je peux comprendre qu'on n'accroche pas. Les thèmes ne sont pas évidents, l'intrigue est particulière et le roman fait près de 700 pages. Je m'étonne même d'avoir survécu et apprécié mais je crois que le style et l'univers de l'auteur me correspondent assez. Je compte bien lire ses autres livres en tout cas.
SupprimerUne lecture qui m'a marquée, j'avais trouvé que pour un 1er roman il était sacrément ambitieux, comme tu le dis, et dans l'ensemble très abouti... en revanche, son 2e titre m'a beaucoup déçue.
RépondreSupprimerPour un premier roman, c'est assez épatant, c'est clair !
SupprimerAaah dommage pour le 2è, j'avais l'impression que les thèmes me plairaient encore davantage. Je le tenterai quand même, il est dans ma PAL, mais je me demande si je ne craquerai pas pour le dernier paru avant.
Un roman de l'Islande, je l'aime déjà, même malgré quelques failles...
RépondreSupprimerTu connais mon amour pour ce coin de pays. J'y suis retournée en juillet, me ressourcer sur le froid des glaciers...! :D
GROS BECS XXXXXX
Mais oui, je me souviens ! Et même qu'à l'époque où on en parlait, je n'envisageais vraiment pas qu'on puisse adorer se ressourcer sur le froid des glaciers, haha !:D Et maintenant que j'ai expérimenté l'Islande (j'y étais en février), je rêve d'y retourner ! J'ai eu un vrai coup de coeur pour ce pays ! Le truc improbable... Big smaaacks !!!
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