lundi 10 juin 2024

ET JE DANSE, AUSSI

 
Pour le rendez-vous autour des romans épistolaires, j'aurais bien aimé (enfin) lire Les Liaisons dangereuses de Laclos, mais le temps m'a fait défaut. Je me suis donc rabattue sur un roman plus court qui était sur ma LAL depuis un bon moment, je ne sais plus très exactement par quel biais, motivée par la découverte de la plume d'Anne-Laure Bondoux, une autrice assez réputée en jeunesse, me semblait-il. Je n'avais pas noté à l'époque que c'était un roman épistolaire (mais ça tombait bien) ni qu'il avait été écrit à quatre mains avec Jean-Claude Mourlevat, un autre auteur jeunesse de renom dont j'avais déjà lu Le Chagrin du roi mort.

Le résumé évoquait un écrivain, ce qui, d'emblée, m'avait mise dans de bonnes dispositions, aimant beaucoup les histoires qui mettent en scène des écrivains, et au vu du titre, je m'attendais à du léger, divertissant, rafraîchissant.

Pierre-Marie Sotto (notre écrivain) (prix Goncourt en passant) reçoit un jour un paquet d'une admiratrice, mais, pensant qu'il s'agit d'un manuscrit à lire, il décline son offre et le lui signifie gentiment par mail. Mais Adeline Parmelan n'est pas une "lectrice comme les autres", lui répond-elle (on sent déjà l'emmerdeuse) en joignant à son mail une photo censée évoquer quelque chose à l'écrivain. Celui-ci se laisse prendre au jeu et commence à entamer une correspondance avec cette Adeline qui l'intrigue de plus en plus au fur et à mesure des échanges. 
Des échanges qui, très rapidement, passent de "Cher Monsieur Sotto/Chère Madame Parmelan/Cordialement" à "Cher Pierre-Marie/Chère Adeline/Je vous embrasse" pour devenir de plus en plus amicaux, puis presque familiers (tout en maintenant le vouvoiement), d'une façon qui m'a paru assez peu réaliste en l'espace d'à peine quelques jours (ils s'écrivent tous les jours). Premier bémol. J'ai aussi eu un peu de mal avec le personnage d'Adeline qui s'impose tranquillement par mail interposé, posant mille questions, exigeant (amicalement toujours) des réponses, sans qu'on voit réellement ce qui charme l'écrivain dans l'histoire.

Ceci passe encore, mais (deuxième bémol), ces mails étaient anormalement longs, grandiloquents, effusifs. Là encore, pour des personnes qui se connaissaient à peine, ça ne me semblait pas très crédible. Ça l'était d'autant moins que quand l'écrivain écrivait à ses amis ou à son éditeur, c'était plus court et plus naturel dans l'écriture. Ça correspondait davantage à des échanges par mail en somme. Entre Pierre-Marie et Adeline, même si leurs mails se laissent lire, sans pur déplaisir, et que le livre n'est pas si long, j'avais quand même l'impression de lire des lettres atrocement interminables.

Mais ce qui m'a achevée, c'est le secret commun de nos deux protagonistes, dont l'écrivain ignore tout au départ (et nous avec). Ce n'était pas du tout le genre d'histoires dont j'avais envie, ni de thématique qui me parlait (rien de "jeunesse" en passant). Du tout, du tout ! Et comme au bout du compte, la correspondance ne tournait plus qu'autour de ça, autant dire que j'étais plutôt dépitée. Comble de l'ironie, l'écrivain écrit à un moment :
"Adeline, je n'ai pas l'intention de faire de mon histoire foirée le centre de notre correspondance. Je ne veux pas nous imposer ça. Ce serait ennuyeux et pataugeux (ça existe, ce mot ?). Quand j'écrivais des romans (j'emploie l'imparfait !), je m'engueulais souvent moi-même : stop ! Assez de psychologie ! Assez de drames !"

Ben, on était en plein dedans... Ennuyeux et pataugeux. Voilà, c'était ça, pour moi du moins.

Malgré tout, j'ai trouvé cette intrigue bien menée, avec quelques twists, brouillages de pistes et rebondissements qui cassent la routine d'une simple correspondance, des personnages secondaires hauts en couleur qui enrichissent l'intrigue d'un humour plus naturel et de cette légèreté qui faisaient défaut à la correspondance principale. Il y a aussi quelques réflexions intéressantes sur l'écriture et quelques passages savoureux tout de même dont une lettre à double voix (drôlissime et excellent !), mais je m'attendais à une intrigue plus rafraîchissante et à des personnages auxquels on s'attacherait au fur et à mesure, ce qui n'a vraiment pas été le cas. 

Extrait
"Savez-vous qu'il existe de par le monde quantité d'écrivains dont le seul tort est de n'avoir jamais rien écrit ? J'ai la conviction qu'on croise au quotidien ou presque des Proust, des Kafka, des Faulkner qui ne le savent pas et qui restent agents immobiliers, professeurs de judo ou moniteurs d'auto-école. J'exagère à peine. À l'inverse, je connais pas mal d'écrivains qui sont les seuls à penser qu'ils le sont, mais c'est un autre sujet."

Quelques avis sur la blogo à l'époque chez Violette, Philippe.

Lu dans le cadre des
Intègre le Défi lecture 2024 (18/30/100) => catégorie 28 (auteur ayant un nom/prénom composé).

Les auteurs
Anne-Laure Bondoux, née en 1971 près de Paris, est une romancière française. Depuis 2000, elle a publié une quinzaine de romans, s'adressant tantôt à des jeunes lecteurs, tantôt à des adultes, la plupart du temps à tout le monde. Elle a reçu de nombreux prix en France, ainsi qu'à l'étranger. Ses romans sont traduits dans une vingtaine de langues.

Jean-Claude Mourlevat est né en 1952 à Ambert en Auvergne, de parents agriculteurs. À partir de 1997, il se consacre à l'écriture, avec tout d'abord des contes, puis un premier roman, La Balafre. Depuis, les livres se succèdent avec bonheur, plébiscités par les lecteurs, la critique et les prix littéraires.

30 commentaires:

  1. J'ai lu il y a un bail (20 ans...) plusieurs romans d'Anne-Laure Bondoux pour la jeunesse qui m'avaient bien plu. Rien lu depuis...

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    1. Peut-être aurais-je dû commencer par un roman jeunesse pour la découvrir...

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  2. Ennuyeux et pataugeux, ce n'est pas très tentant d'autant que j'avais entamé la suite sans faire attention que c'était un tome 2 et que je l'avais abandonné même si j'avais apprécié le style. En livre audio, je donnerais néanmoins volontiers sa chance à ce roman ne serait-ce que pour les personnages secondaires.

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    1. Ah oui, si tu as abandonné le tome 2, ça me conforte dans ma décision de ne pas le lire.

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  3. J'ai l'impression d'avoir vécu une expérience de lecture similaire à la tienne pour ce rendez-vous des romans épistolaires. J'avais prévu de lire un livre de Stefan Zweig mais je me suis finalement rabattue sur un ouvrage plus contemporain. (pas grave, c'est aussi le but de ces défis de nous inciter à sortir des livres de nos PAL). Finalement, je me suis trouvée avec un roman qui n'est pas désagréable à lire mais avec quelques défauts dont le manque de crédibilité par rapport au début de la correspondance. Certains passages de ton billet m'ont bien fait rire en tout cas.

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    1. Un ouvrage plus contemporain... et plus court, haha ! Je me suis souvenu de ce rendez-vous un peu trop tard, quasi la veille, du coup j'ai dû éliminer les lectures qui me tentaient vraiment (trop longues^^) et parmi les plus courtes qui auraient pu faire l'affaire, c'était trop tard pour la bibli ou ça ne me disait pas sur le moment... Bref, c'était l'occasion de découvrir Anne-Laure Bondoux, mais je ne suis pas convaincue d'avoir fait le meilleur choix...

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  4. Il me semble l'avoir lu mais je ne trouve pas de billet (c'st un signe?)
    Bon, écoute, tu lis Les liaisons dangereuses, je l'ai lu deux fois, c'est du nanan. Et puis l'épistolaire ça coule bien;

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    1. Oui, enfin, ça dépend quand même pour l'épistolaire. J'en veux pour preuve ma lecture pour ce rendez-vous.^^

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  5. Il me semble avoir lu pas mal d'avis positifs au moment de sa sortie, mais je n'ai pas été très tentée. A te lire, je ne le regrette pas.

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    1. Ce sont peut-être ces avis qui m'ont incitée à noter ce titre alors. J'avoue que je ne me souviens absolument pas comment il s'est retrouvé sur ma LAL.

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  6. Bin lala fallait lire les liaisons quoi....cela reste tout un sacre livre....et pas celui-ci...que a vrai dire, je ne lirais pas...lol

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    1. Ça reste en projet, mais pour plus tard du coup. J'avais oublié ce rendez-vous épistolaire (vraiment dommage), et 500 pages en 2 jours, ce n'était pas réalisable.;)

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  7. J'avais été tentée, plutôt par les auteurs (j'ai lu deux très bons romans jeunesse de l'un et l'autre auteur) que par le sujet... J'ai eu une période roman épistolaire (courte) au moment de la création de mon blog, d'où son nom... Je préfère toutefois des correspondances réelles qu'imaginaires.

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    1. Aaah je me suis toujours posé la question du nom de ton blog qui sonne vraiment bien ! Me voilà enfin éclairée.^^ Pour ces auteurs, j'aurais dû rester au rayon jeunesse...

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  8. Je l'ai lu il y a 8 ans et je ne me souviens plus du tout de l'intrigue, mais je sais que j'avais aimé, mais sans plus. Un roman censé faire du bien, qui ne m'en a fait aucun !

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    1. Oui, c'était plus dans la veine tragi-comique que feel good pur. En film, ça pourrait être catégorie comédie dramatique.

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  9. Dommage, oui... j'avais offert à ma fille L'aube sera grandiose, qui n'est pas un roman jeunesse, et elle avait bien aimé. J'ai hésité moi aussi à lire Les liaisons dangereuses, mais il est volumineux, oui... à voir pour une LC l'an prochain ?

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    1. Sans doute qu'il faudra que je retente Anne-Laure Bondoux dans un autre registre que l'épistolaire à quatre mains, histoire d'avoir une meilleure idée de son style et de son univers.
      Quant à une LC Liaisons dangereuses, complètement partante !

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    2. C'est noté, on en reparle au printemps 2025 !!!

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  10. J'aime bien Mourlevat (sa lecture des Vengeances de Maître Poutiffard est un régal) mais je n'ai pas accroché du tout à L'aube sera grandiose (entre jeunesse et jeune adulte selon moi). Du coup, avec ton avis en plus, je me dis que je ne vais pas me lancer là-dedans !

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    1. Ah, Mourlevat j'ai été assez partagée par ma lecture du Chagrin du roi mort et ce roman-ci ne m'a pas entièrement convaincue non plus donc pour l'instant j'ai du mal à dire que je l'aime bien.^^ Quant à Anne-Laure Bondoux, il faudra certainement que je la retente un jour, en choisissant bien le livre...

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  11. Je connais Jean-Claude Mourlevat de nom, parce que mon fils a lu l’un de ses livres récemment pour l’école. Il était un peu plus enthousiaste que toi :) Tu n’as pas passé un très bon moment de lecture, mais je dois avouer que les billets négatifs sont toujours plaisants à lire, les abonnés s’amusent bien ! :))) Merci d’avoir participé à nos lectures épistolaires.

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    1. Avec plaisir ! Ça faisait un moment que je n'avais pas lu de romans épistolaires, c'était l'occasion. J'aurais dû m'y prendre plus tôt pour mieux choisir ma lecture, mais je ne regrette pas d'avoir sorti ce titre de ma LAL. Au moins je suis fixée sur son contenu qui m'a toujours intriguée.

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  12. Bon voici un livre bien déshabillé pour l'été ! Je ne vais pas m'y arrêter, au profit de roman plus "épais", vu comment ça caille !
    Néanmoins, j'ai réfléchis pendant ton billet... le côté internet, et réseaux sociaux. Et bien j'ai remarqué que les gens y utilisaient bien plus facilement un style grandiloquent avec des inconnus qu'avec des personnes connus. y'a qu'à voir les râleurs de FB, le ton qu'ils prennent pour dire "c'est un scandale que mes frites fussent glaciales dans ce restaurant" !!!

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    1. Ah oui ? J'avoue que moi je tombe plutôt sur des "WTF ces frites cé-gla !" 😆 Mais certains se font plaisir, c'est vrai, et sont, soit naturellement très courtois et ont du mal avec la convivialité des réseaux, soit ils aiment faire étalage de leur plume et leur savoir. Ça m'a toujours fait bizarre d'ailleurs car je suis plutôt détendue du clavier sur les réseaux (sans aller jusqu'à la familiarité).

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  13. Ah, moi j'avais beaucoup aimé!! mais j'ai complètement oublié le contenu ! est-ce un signe :) ? http://doucettement.over-blog.com/2015/08/et-je-danse-aussi-d-anne-laure-bondoux-et-jean-claude-mourlevat.html

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    1. Ah ton billet fait peut-être partie de la vague d'avis qui m'ont convaincue de noter ce titre.:) Je l'ai rajouté au mien pour mémo.

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  14. Je ne l'ai jamais lu !! Mais je connais les deux auteurs séparément pour leurs romans jeunesse ou à destination des ados et je crois que j'ai aimé tous ceux que j'ai lu ! A voir donc si je le trouve

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    1. Il faudrait vraiment que je tente un des romans jeunesse d'Anne-Laure Bondoux. Tous ceux qui l'ont lue ont plutôt apprécié.

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